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té avec la réserve dont on ufe au jourd'hui, ne fçauroit fraper au point de faire tomber les foupçons du Spectateur fur telle ou telle perfonne en particulier, étant comme impoffible que dans une grande Ville il n'y ait qu'un feul homme Jaloux, Avare, Glorieux, &c.

Quoiqu'il foit probable qu'on ne puiffe point attribuer à quelque perfonne en particulier un caractére général ; on a vû cependant le contraire arriver plus d'une fois de nos jours. Mais pour cela il faut néceffairement que deux chofes difficiles à raffembler fe trouvent réunies : l'une, que la perfonne que l'on prétend reconnoître dans le caractére représenté, foit fort connue ou par fa naiffance, ou par fes emplois, ou par fes talens ; & l'autre, que le caractère foit fin

galier & peu commun. C'est ce qui fit que Moliere fe trouva deux fois expofé à cet inconvénient dans fes deux Comédies du MiSantrope & du Tartuffe. Le Caractère fingulier du Misantrope se trouva reflembler parfaitement à celui d'un Seigneur de la Cour, connu de tout le monde par fa naiffance & par fon emploi: le caractére du Tartuffe, quoique moins fingulier, fut appliqué à un homme qui par fon rang & fa dignité étoit auffi connu que le Seigneur de la Cour. Le premier qui par fes talens & fes grandes qualités étoit encore plus recom mandable que par fa naiffance & fon rang, voulut voir la repréfentation du Misantrope, & dit après l'avoir vûe: Je ne fçai fi Moliere a voulu me peindre dans fa Piéce, mais je voudrois bien reffembler à fon Misantrope; car je

ferois un parfaitement honnête homme. Il n'en fut pas de même du Tartuffe ; cette Comédie é prouva bien des contradictions, & peut-être on ne l'eût jamais jouée, fi le Roi qui aimoit Moliere n'en eût permis la représentation. Ces deux exemples prouvent la véri té de ce que j'ai dit fur les différens fuccès qu'on pouvoit efpérer de la variété des caractéres. *

Si les Grecs de la vieille & de la moïenne Comédie, bien loin de défigner les perfonnages, euffent traité les caractéres en général, comme l'ont pratiqué les Modernes, il nous refteroit peutêtre quelques-unes de ces anciennes Comédies Gréques dont nous pourrions profiter; mais comme elles ont été fans doute fupprimées par les Loix, je ne voi rien

Liv. I. de la correction des Mours,

qui puiffe diminuer la gloire que les Modernes fe font acquife par l'invention des caractéres généraux: puifque fans rien avoir qui les guidât, ils ont trouvé d'euxmêmes la véritable méthode de les traiter, fans bleffer ni la focieté, ni les Loix de l'Etat, ni les mœurs.

ARTICLE HUITIEME.

De la Diction dans la Comédie des Anciens.

A

les Ouvrages

En juger par des Anciens, le difcours le plus familier eft auffi le plus convenable à la Comédie; c'est pour cette raifon que Plaute étoit beau-coup plus eftimé des Latins que Térence: celui-ci évitant le difcours populaire, n'emploïoit que des expreffions nobles & élégan

tes, qui à la vérité plaifoient aux Spectateurs, mais qui n'ont pas laiffé d'être blâmées. Si Térence a été critiqué de fon tems, parce qu'on ne croïoit pas que le genre Comique comportât tant d'élégance ou de noblesse, on l'a traité depuis bien différemment, & on lui a donné à cet égard la préférence fur Plaute.

Je ne déciderai point qui a raifon des Anciens ou des Modernes; je dirai feulement que les Latins n'avoient pas tort de prêférer dans le Comique le ftile populaire au ftile élevé, parce que de leur tems le Théatre Comique, dont la bafe a toujours été & fera toujours le plaifant, étoit moins fertile qu'aujourd'hui, & par rapport aux mœurs, ou caractères, & par rapport aux chofes qui en dépendent, & dont j'ai parlé. Par cette raifon le

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