Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Caractéres dans

doivent prédominer ? Et lorsqu'il ajoûte qu'elles doivent être plus difformes que les originaux, ne nous fait-il pas entendre clairement, qu'il faut charger les paffions par des traits marqués, ainfi que les Modernes l'ont pratiqué? Voilà pourquoi il nous a fallu diftinguer les paffions d'avec les caractéres, par une dénomination particuliere.

J'avouë que les anciens Comiques ont traité les paffions dans leurs Ouvrages; mais elles n'y dominent jamais affez pour former un caractère principal: au lieu qu'elles font devenuës la partie la plus effentielle de nos Comédies, & que fans les mettre en jeu, on ne peut représenter une action noble, ni produire du haut Comique.

Parmi les Comédies ancienles An- nes qui font venues jufqu'à nous,

ciens.

je ne connois que l'Aulularia de Plaute qui foit dans ce genre; car le Miles Gloriofus qui en approche le plus, n'a que deux Scènes qui caractérisent le Fanfaron, & le refte de l'action confifte feulement dans une intrigue qui n'eft point affez liée avec le caractére principal. Pour les Piéces Gréques qui par les ti tres feuls que nous en avons, pa roiffent avoir été desPiéces de caractére*, nous en parlerons dans le troifiéme Livre, qui contient l'examen des Théatres anciens > mis en paralelle avec ceux des Modernes.

L'Avare dans l'Aulularia de Plaute, eft le feul caractére qui ait pû éclairer les Modernes, & leur apprendre l'effet que pro

Tels font entr'autres le Superftitieux: Cou rage de Lion: Celui qui hait les Femmes, &c. Piéces que l'on dit être du Poëte Ménandre,

B

Caracté

duifoit une paffion, lorfqu'elle étoit parvenue à occuper tout à la fois le cœur & l'efprit ; ils ont fait dominer ces fortes de paffions fur l'intrigue, & en les diftinguant des autres paffions, fuivant le précepte d'Ariftote, ils les ont appellées Caractéres. Je ne crois donc pas me tromper en difant que les Modernes qui ont traité les paffions dans toute leur force, ont fait un meilleur ufage que les Anciens, du précepte de ce grand Maître.

Outre les obfervations qu'on Ies éta- a faites fur les Ouvrages des An

blis par

dernes.

les Mo- ciens, & fur la Poëtique d'Ariftote, la néceffité de varier le Spectacle aura auffi engagé les Poëtes modernes à compofer des Piéces de Caractére. Il n'eft pas furprenant qu'après plufieurs fiécles les Auteurs & les Spectateurs fe foient laffés, les uns d'imagi

ner, & les autres de voir des in-
trigues, qui n'étoient foutenues
d'aucune grande paffion; l'amour
de la nouveauté leur a fans dou
te infpiré l'idée de conftruire des
Fables, dans lesquelles l'intrigue
für tout-à-fait fubordonnée au
caractére; & les Poëtes François - Poëtes
font, je croi, les inventeurs François,
de ce nouveau genre de Comé les pre-
die.

Les Piéces de caractère font plus goûtées aujourd'hui que les Piéces d'intrigue, non-feulement parce que les premieres ont fur les fecondes l'avantage de la nou veauté, mais encore parce que celles-ci ne font que l'ombre de la vérité, & que les autres en font une image fidelle. Et, bien que l'imagination du Poëte fe faffe également fentir dans ces deux genres de Comédies ; il est vrai cependant qu'elle brille moins

miers.

[ocr errors]

dans l'une que dans l'autre. Le mouvement, ou l'action théatrale appartient aux Piéces de caractére & à celles d'intrigue; mais on peut dire que la nature & la vérité font le partage des Piéces de caractére l'illufion qu'elles produifent eft plus forte, & le cœur en eft plus aifément touché, c'eft un miroir dans lequel on apperçoit la naturelle & vivante image de ceux qui nous environnent; au lieu que dans les Piéces de pure intrigue, on ne joüit tout au plus que de l'art d'une conduite ingénieufe. Les hommes aimeront toûjours mieux voir le portrait des vices & des ridicules dont ils font blef fés, qu'une intrigue qui leur eft étrangere, &qui, fi elle peut les intereffer quelquefois, ne les amufera jamais autant que la peinture d'un caractére.

« AnteriorContinuar »