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xandre ou Céfar. La raifon de cette différence me paroît fimple & naturelle; c'eft que nous n'avons pas des Héros de la Fable une idée bien déterminée, & que chacun les concevant à sa maniere, on n'eft point bleffé de voir Perfée ou Phaëton avec le maf que d'Arlequin, & une partie de fon habillement ordinaire. Il n'en

eft

pas de même des Héros dont nous avons puifé l'idée dans l'Hiftoire. Nous fommes tellement préoccupés à leur égard; nous en avons conçu une fi haute idée, que fi Alexandre ou Cefar paroiffoient réellement à nos yeux, nous les méconnoîtrions peutêtre, & nous prendrions pour une illufion ce qui feroit une vérité; comment donc pourrionsnous les voir représentés par Arlequin, & recevoir comme vraie une femblable fiction?

N

Il eft facile fans doute, & même convenable au Théatre, de tourner en ridicule une action héroïque; cependant le peu de fuccès qu'ont eu la plupart de ces Ouvrages, a dû faire sentir aux Auteurs, qu'il faut quelquefois plus de génie pour badiner, que pour écrire ferieufement.

Si on réfléchiffoit combien une Parodie de la premiere espèce eft un travail ingrat & difficile, je doute qu'un Ecrivain sense voulût férieufement s'y appliquer. Il faut, pour y réuffir, conferver dans toutes les parties l'action & la conduite de l'original, mais refferrer pourtant dans l'efpace d'un Acte feul une action qui en Occupe prefque toujours cinq. On veut dans cette efpéce de Parodie, que le picquant de la diction faffe, pour ainfi dire, oublier le noble & le pathétique de

P'Ouvrage parodié ; que la beauté des Danfes foit rachetée par le comique du Ballet; que le contrafte dans les Airs n'excite pas moins de plaifir à proportion que la Mufique en a excité ; & par rapport aux machines mêmes, on veut que la fingularité en remplace la magnificence. Il faut enfin que l'Auteur lutte fans cesse contre l'original qu'il entreprend de parodier, & qu'il en rende heureufement, fi j'ofe parler ainfi, toutes les beautés par des beautés équivalentes ; je veux dire que la copie doit être auffi grotefque à tous égards que le modéle eft noble & ferieux dans toutes fes parties. Or qui ne conçoit que fans beaucoup de travail & de génie on ne peut réuffir à de pareils traveftiffe

mens?

ARTICLE QUATRIE ME,
Seconde efpéce de Parodie.

L

A feconde espéce qui eft des originaux parodiés dans la plus grande partie, femble préférable à la premiere; mais je ne la croi pas moins difficile à bien traiter. Dans celle-ci qui s'étend aux Tragédies, on conferve l'action de l'original, & quelques parties du dialogue; mais en changeant avec le titre de la Fable, les noms & le rang des perfonnages, on dégrade cette action, on la rend baffe de noble qu'elle étoit, & on acheve de la traveftir par les traits d'une diction convenable. Telles font deux Parodies excellentes, & qui peuvent être regardées comme des modèles de la fecon

de efpéce, le Mauvais Ménage Parodie de la Marianne de M. de Voltaire ; & Agnès de Chaillot, Parodie de l'Inès de Caftro de M. de la Mothe.

Qu'il me foit permis de confirmer ici par l'exemple de ces deux Poëtes, que fi la Tragédie a perdu de fa majefté, il faut furtout imputer cet aviliffement à la maniere dont les Auteurs

Tragiques en général ont traité la paffion de l'amour. Mais pour venir aux deux Poëtes que j'ai nommés, la jaloufie d'Hérode, & l'amour de Varus pour Marianne, offroient d'eux-mêmes à la Parodie le double travestissement d'Hérode en Bailli, & de Varus en officier de Dragons. Il en eft de même à proportion d'Inès de Caftro, dont Agnès de Chaillot eft une Parodie littérale. En effet l'action d'un fils qui dans cette

Parodie de la fe

conde efpéce

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