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lere, en affermiffant Valere dans tout ce qu'il a pensé, & en lui donnant le moyen de fe conduire dans tout ce qu'il doit faire à l'avenir.

La premiere Scéne du fecond Acte eft encore un trait excellent d'œconomie theatrale, & de dialogue tout ensemble. Ifabelle doit avoir plus d'une fois occafion de fe plaindre à Sgana relle; or pour éviter des répétitions, qui n'auroient pas manqué d'ennuier, parce que le motif de ces plaintes eft toûjours le même, il falloit néceffairement les varier dans la forme. C'eft dans cette vûe que Moliere en génie fuperieur, abrége la premiere converfation entre Ifabelle & Sganarelle, & fait fentir au Spectateur, par les difcours qu'ils

tiennent en entrant fur la Scéné qu'Ifabelle a déja commencé à

fe plaindre dans la maison. Cette œconomie de Théatre & de dialogue conduit naturellement à l'on trou toutes les beautés que

ve dans la Scéne fuivante : Sganarelle y fait à Valere le récit de fon ambaffade & des plaintes d'Ifabelle; la façon dont il s'explique avec Valere, le tour qu'il prend pour lui rapporter ce qu'il a appris de fa Pupille, donnent à cette Scéne la grace de la nouveauté ; l'art qu'il y met la rend vive & piquante, de froide & ennuïeufe qu'elle eût été, fi Sganarelle n'eût fait que répeter ce qu'Ifabelle venoit de lui dire fur le Theatre, un moment auparavant. Les autres Scènes roulent fur les fentimens réciproques des Amans, fentimens que Sganarelle lui rapporte tour à tour, & qui, bien que répétés, acquérent une grace & un comique,

dont Moliere a fenti tout l'effet & qu'il a bien jugé ne pouvoir courir le rifque des répétitions ennuieufes; & cette Scéne étoit la feule qui fut fufceptible d'un pareil inconvénient.

La Scéne troifiéme du même Acte ne contient que cinquante vers, mais par l'art avec lequel elle eft traitée, on peut dire qu'elle vaut une Comédie entiere:c'est je croi l'effort de l'efprit humain en fait d'œconomie de dialogue; car de quelles ingénieufes précautions, de quelles rufes artificieuses ne fe fert point Ifabelle en donnant à Sganarelle la Lettre & la Tabatiere pour les faire rendre à fon Amant? Quelle fimplicité d'idée, & en même tems quelle fineffe de raifonnement pour arrêter la curiofité de Sganarelle, & l'empêcher d'ouvrir cette Lettre? On ne sçauroit af

fez admirer l'adreffe avec laquelle cette fille fait fentir à fon tuteur la néceffité qui l'a contrainte de fe fervir de lui plûtôt que d'un autre dans une conjoncture. auffi délicate. Cette Scéne feule peut fervir de modèle aux Auteurs, pour la plus parfaite œconomie de dialogue;& d'exemple, en matiere de rufe & de finesse comique.

On s'eft fort trompé,quand on a prétendu que Moliere donnoit à Ifabelle plus d'efprit que n'en peut avoir une fille élevée dans la retraite, & qui n'a nul ufage du monde. On voit en Efpagne & en Italie, où les femmes n'ont point autant de liberté qu'en France, des exemples pareils de fubtilité, & même de beaucoup plus ingénieux; & fi dans Paris un jaloux s'avifoit d'enfermer une fille ou une femme, on les

verroit infailliblement, quelque naïves qu'elles paruffent au dehors, emploïer toute forte d'artifice pour rompre leur prifon, & recouvrer leur liberté.

Si on vouloit parler de toutes les beautés d'œconomie qui régnent dans les Comédies de Moliere, il faudroit faire des extraits de toutes fes Piéces; bien loin qu'il foit jamais en défaut fur ce point, on peut dire qu'il y excelle toûjours en grand Maî

tre.

ARTICLE CINQUIE'ME. De la Diction & du Dialogue.

L

A Diction, qu'en diftinguant le les principales parties de la Comédie, j'ai jointe au Dialogue, en peut d'autant moins être féparée, qu'elles ne

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