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Le légat fit marcher l'armée vers la riviere I 5 2 1. d'Oglio pour s'emparer du pofte de Rebec, à quatre milles de Ponte-Vico, qui eft des terres de la République de Yenile. Les ennemis se croyoient là en toute fureté, parce que l'ambaffadeur des Venitiens avoit affuré le pape que, quoique la feigneurie cût fait alliance avec François I. le fenat ne donnoit point entrée dans les villes à l'armée Françoife, a'où le légat avoit conclu que les Venitiens ne hazarderoient pas leur armée pour empêcher le paffage d'une riviere, de crainte que fi elle étoit défaite, leur état de Terre-ferme ne changeât de maître, aufli bien que le Milanez: mais le légat fut fort furpris, lorfque Colonne vint lui apprendre dès le point du jour que Lautrec avoit envoyé la nuit de l'artillerie dans PonteVico, pour battre le camp des confederez dans Rebec. En effet le dommage que leur armée reçut de cette artillerie,le contraignit une heure après de quitter fon pofte, dans une fi grande confternation, que fi Lautrec,au lieu d'envoyer Toccation fes canons à Ponte-Vico, y fût allé lui-même de battre avec fes troupes, les confederez ne pouvoient manquer de périr dans Rebec, ou de fe faire Guicciard. tailler en piéces par les François & les Venitiens, qui étoient beaucoup plus forts qu'eux,

LX.

Lautrec manque

l'armée des

confederez.

1.14

Les Suiffes qui voioient bien l'occafion que Lautrec venoit de laiffer échapper, demanderent en raillant la récompenfe qu'on avoit coûtume de donner à leurs foldats après une batailJe gagnée, parce qu'ils avoient fait de leur côté tout ce qu'il falloit pour être victorieux. Les troupes du pape & de l'empereur s'étoient retirées à Gabionetto dans le Mantoüan, d'où el les allerent fe retrancher à Oftiano, pour atrendre les douze mille Suiffes que le cardinal de Sion leur amenoit. Quand ce prélat fe vit maî

15219

tre de les troupes, craignant qu'elles ne s'apperçuffent bien-tôt qu'elles alloient combattre contre la France, il les prévint & leur dit, qu'elles ne contreviendroient point aux articles de leur traité; qu'il ne s'agiffoit point ici des interêts de la France, mais de ceux du pape & du faint fiege; qu'elles alioient combattre pour aider au recouvrement de Parme & de Plaisance, fur lefquels François I. n'avoit aucun droit. Pour rendre ces raifons plus efficaces, il répan dit entre les Suiffes une fomme d'argent affez confidérable, & par-là il en gagna la plus grande partie. Néanmoins il y en eut quatre mille tous du canton de Zurich, qui ne voulurent pas imiter les autres, ce qui caufa beaucoup de divifion. Les Cantons l'ayant appris, envoyerent des ordres à tous les Suiffes de quitter les deux armées fans diftinction, parce qu'il ne convenoit point que ceux d'une même nation combattiffent en même tems dans deux camps ennemis, & s'égorgeaffent ainfi mutuellement. Le cardinal de Sion, qui fe doutoit que ces ordres viendroient, prit tant de -précaution, qu'il les furprit; mais il ne retint que celui qui s'adreffoit aux Suiffes qui combattoient en Italie dans l'armée des confederez, & il laiffa paffer celui qui étoit pour les Suiffes Lautrec avoit dans fon armée. Sur que cet ordre, ces derniers quitterent le parti de Lautrec, dans le deffein de s'en retourner; mais voyant que ceux qui étoient dans l'armée des François. confederez y demeuroient, & croyant qu'ils n'avoient point reçu le même ordre qu'eux, ils en furent extrêmement piquez, Le cardinal de Sion, rufé politique, profita de leur ja. loufie: il leur demanda s'ils vouloient fe joindre à ceux de leurs compatriotes qui combattoient dans l'armée des confederez, & leur

LXI.

Les Suifles quittent l'armée des

Belcarius

l. 16. Mem. du Bellai 1. 2.

offrit de l'argent d'avance, & de les payer toû1521. jours exactement & plus largeinent que Lautrec. ne pouvoit faire. Par ce double artifice il trompa les Cantons, & augmenta le nombre de fes foldats.

LXII, Lautrec fe

Lautrec, déconcerté par cet évenement, abandonna la riviere d'Oglio, & fe retrancha retire à Mi. fur le bord de celle d'Adda, qui étoit la derniere que les confederez avoient à paffer pour Guichard. entrer dans le centre du Milanez, & il fe jetta

jan.

J. 14.

enfuite dans Milan avec ce qui lui reftoit de troupes; mais au lieu d'employer le peu de tems qui lui reftoit jufqu'à l'arrivée de Colonne & de Pefcaire à contenir les bourgeois, & à fe bien fortifier, il ne fit qu'irriter le peuple par de fanglantes exécutions. Une conduite fi imprudente irrita les plus confidérables de la bourgeoifie: ils envoyerent un payfan au chancelier Moroné, pour lui dire de faire avancer l'armée des confederez, & qu'on lui livreroit la place. Ce payfan fut furpris en fortant de Milan, & mené à Profper Colonne, qui ne crut pas devoir méprifer l'avis qu'on donnoit à Moroné; il donna ordre à l'efcaire qui commandoit l'avant-garde, de s'approcher du boulevart de Saint Vincent, pour obferver la contenance des Milanois, Les Venitiens qui s'étoient chargez de garder ce pofte, n'eurent pas plûtôt apperçu l'ennemi, qu'ils prirent la fuite, & Pefcaire s'étant mis auffi-tôt à les poursuivre, fes troupes ne differerent pas d'entrer dans le ravelin, enfuite dans la ville, après avoir fait prifonnier Theodore Trivulce, qui, tout maJade qu'il étoit, avoit couru au bruit fans armes & fur un mulet. On prit auffi Jules de SanSeverino, & le marquis de Vigevano; & peu s'en fallut que le provediteur Gritti ne fubît le même fort,

Le

LXIII.

L'armée

Mem. du

Billai, l. 2.

Les foldats de Pefcaire étant dans la ville, furent bien-tôt fuivis de Profper Colonne ac- 1521, compagné du cardinal de Medicis, & du Marquis de Mantoue, qui tous entrerent dans Mi- des confefan avec la plus grande partie de l'armée par la derez fe faiporte de Pavie; Lautrec fe défioit fi peu d'être fit de Milan attaqué ce jour-là, qu'il fe promenoit devant & entre le château, pendant que Lefcun fon frere étoit dans la plaau lit, fatigué du travail du jour précedent. Les ce. fuyards lui vinrent dire, que la faction Gibeline avoit fait entrer les ennemis dans la ville par la porte de Pavie. Cette nouvelle l'obligea de monter à cheval, & de fe refugier à Côme avec cinq cens hommes d'armes, trois ou quatre mille Suiffes, qui n'avoient pas voulu déferter, & quelques foldats d'infanterie, après avoir laiffé garnifon dans le château de Milan, fous la conduite d'un feigneur Gafcon nommé Mafcaron. Pefcaire fuivit Lautrec pendant qu'on bloquoit le château. Son deffein étoit de l'obferver feulement: mais ayant appris que Lautrec n'avoit eu que le loifir de jetter cinquante hommes dans Côme avec le fieur de Vandeneffe, frere du maréchal de Chabannes, il affiegea la place & la battit avec tant de vigueur, que le commandant fut obligé de capituler; mais la capitulation ne fut pas obfervée, & la garnifon de Côme fut en fortant dévalifée par les Efpagnols, ce qui irrita beaucoup Vandenelle, jufqu'à appeller Pefcaire en duel; mais l'affaire n'eut pas de fuite.

Lautrec ayant appris que les Bourgeois de Cremone s'étoient revoltez,

il y

LXIV.

alla en di- Ils s'em

parent de

ligence, remit les rebelles dans leur devoir, beaucoup & les obligea à lui payer cent mille livres ; d'autres mais cela ne fuffit pas pour rétablir fes af- places fans. faires. Durant la marche il perdit plufieurs aucune re-, Tome XXVI.

D

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X.

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LXV.

places confidérables du Milanez, Pavie, Lodi,' Parme, Plaifance, dont les bourgeois se rendirent aux confederez. Les Venitiens étonnez d'une revolution fi fubite, pour fe garantir de l'orage, tenterent de s'accommoder avec le pape & lui firent offrir par leur ambassadeur de rompre l'alliance', qu'ils avoient faite avec les François; mais Leon X. n'eut pas le tems d'écouter leurs propofitions. On dit que la Mort du joye qu'il reffentit en apprenant les heureux pape Leon fuccez de la ligue fut fi extrême, qu'il en eut la fievre. Quoi qu'il en foit, il en fut attaqué affez fubitement, & il mourut le premier de Decembre de cette année 1521. âgé feulement de 44. ans, après avoir gouverné l'églife huit ans, huit mois & vingt jours. On foupçonna qu'il avoit été empoisonné. 11 fut enterré dans l'églife du Vatican, dans un Paul Jov, tombeau de briques. Paul Jove dit, que depuis fa jeuneffe jufqu'au pontificat il vêcut dans Leonis X. une parfaite continence: mais cet hiftorien Guicciard. ajoûte, que depuis qu'il fut pape, fon naturel plus facile & plus complaifant que corOnuphr. & Victorel in rompu, le fit tomber dans bien des defordres, vit. Leon.X. auffi n'avoit-il auprès de lui que des gens Ciacon. in qui, au lieu de l'avertir de fon devoir, Leone X. t. lui parloient que des parties de plaifir. ComSpond, ad me il avoit eu des précepteurs qui l'avoient très-bien inftruit dans les belles lettres, il les num. 9. aima toujours, & protegea les fçavans & les Rainald, beaux efprits: il favorifa principalement les ann. 1521. Poëtes; en quoi il ne garda pas toûjours les mefures de gravité que fon caractére demanétat de l'é- doit. Il faifoit plus de cas de ceux qui fçaglife ann. voient la fable, les anciens poëtes & l'érudi1521.p.5.6. tion profane, que de ceux qui entendoient Hift. de M. la Théologie & l'Hiftoire Eccléfiaftique. Il deThon aimoit auffi la dépenfe & le luxe,

in vita

2. 14.

3.P.313.

ann. 1521.

Jean de

Crefpin

I.

ne

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