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AN.1549.

Ses études étant achevées, Theodore de Beze vint à Paris. Il y avoit alors fept ans que fon oncle confeiller au parlement étoit mort, fur la paroiffe de faint Côme, où il fut enterré en 1532. Ce fut un malheur pour lui d'avoir perdu ce guide fidéle qui l'auroit peut-être retenu dans la religion de fes peres : en effet, il l'avoit destiné à l'état ecclefiaftique, & l'avoit déja fait pourvoir d'un benefice affez confiderable dans le Beaujolois, & d'un autre moindre. Il fut auffi dans la fuite prieur de Long-jumeau, à cinq lieues de Paris; & il avoit fujet d'efperer encore d'autres dignitez par le moien d'un autre oncle nommé Claude de Beze qui étoit abbé de Froimont dans le diocéfe de Beauvais, & qui fongeoit à lui refigner ce benefice qui valoit, dit-on, quinze mille livres de rente. Outre ces avantages, la mort de fon frere qui arriva pour lors, & qui aug. inenta confiderablement fes revenus, le rendirent pendant quelque-tems irrefolu fur le parti qu'il devoit prendre par rapport à la religion: mais fon efprit & fes amis le perdirent: Il prit le parti de quitter la France. Il fe défit de fon prieuré de Long-jumeau, & fe retira à Geneve auprès de Calvin dans le mois de Novembre de 1548. Monfieur Bayle dit qu'il y arriva le vingtquatriéme d'Octobre; & qu'avant que de fixer à quoi il fe deftineroit, il alla voir à Tubinge Melchior Wolmar fon ancien maître. On dit qu'il fe faifoit nommer Thibaud de May, & que Jean Crifpin qui étoit fon ami particulier le fuivit dans ce voiage. C'eft le même qui a écrit le prétendu martyrologe à l'ufage des Proteftans. Ils réfolurent tous deux d'établir une imprimerie à Geneve, & de la rendre célebre par leurs ouvrages. Mais Beze étant de retour de Tubinge changea de deffein, aiant été prié par les habitans de Lauzanne d'enseigner chez eux les lettres grecques; ce qu'il fit avec beaucoup de réputation pendant

neuf

neuf ans; & ce fut durant ce tems-là qu'il comAN.1549 pofa la tragicomedie d'Abraham facrifiant, & qu'il commença de travailler à la traduction en vers des pfeaumes de David, que Marot n'avoit pû achever. Il avoit coûtume d'aller à Geneve pendant les vacances pour y voir Calvin, qui l'exhortoit fort à confacrer fes talens au fervice de l'églife, & qui lui confeilla nommément d'achever l'ouvrage de Marot.

fion de

Sleidan in

tions t. I.

1.8. n. 15. p. 466.

CXI. La difpute qui s'éleva en cette année dans les Difputes entre les églifes de Saxe parmi ceux qu'on appelloit AdiaLutheriens phoriftes ou indifferens, à l'occafion de l'Interim, à l'occa- & les Lutheriens rigides donna quelque relief à la réputation de Calvin, qui fut confulté fur cetl' Interim. te affaire. Les miniftres des églifes de Lubec, de comment.lib, Lunebourg & de Hambourg, firent une longue 21.p. 758. refutation du decret d'Ausbourg, qui fut impriBaffuet hift. mée. Bien-tôt après les docteurs de Magdebourg, des varia Nicolas Amftorff, Matthias Flaccius Illyricus & Nicolas le Cocq s'oppoferent vivement à ceux de Wirtemberg & de Leipfik, & les accuferent dans plufieurs ouvrages imprimez, de diffimuler la verité, & de fraïer le chemin à la religion du pape par les voies d'accommodement qu'ils vouloient établir. Ils établiffoient cette regle, que toutes les céremonies & tous les rites quoiqu'indifferens de leur nature, ne font plus tels à prefent qu'ils donnent occafion à l'impieté. Cet Illyricus avoit été pendant quelque-tems difciple de Melanchton, mais quand ce differend fut furvenu, il fe retira à Magdebourg, où il fit imprimer un livre pour rendre raifon de fa conduite & de fes fentimens. Ceux de Magdebourg écrivirent de même à ceux de Wirtemberg, & particulierement à Melanchton, entrant dans un grand détail de ce qu'on appelloit neutre ou indifferent, & faifant voir ce qu'on pouvoit admettre. Ils les prierent d'écrire & d'expofer de leur côté ce qu'ils comprenoient fous ce nom

afin qu'on fçût à quoi s'en tenir, & qu'on eut
un fentiment fixe le fuivre fans aucune va-
pour
riation; dans la crainte que fous prétexte de neu-
tralité, on ne fe portât à beaucoup d'erreurs.
Melanchton répondit à cette lettre, & dit qu'il
y avoit une fervitude qu'on pouvoit fouffrir,
quand il n'y avoit rien d'impie.

AN.1549.

CXII.

confulté

fur ce dif

Ce fut à l'occafion de ce differend, qu'on s'adreffa à Calvin, pour le prier de dire librement Calvin eft fon avis fur cette matiere: ce qu'il fit. Il avertit Melanchton de fon devoir, & fur ce que quel- ferend. ques-uns l'accufoient d'avoir trop de moleffe; Beze in Calvin aïant examiné l'affaire avec plus de foin, vita Calvini connut que c'étoit fans raifon qu'on lui faifoit ad an.1549. ce reproche, qui n'étoit que l'effet d'un mauvais genie, & de toute la cabale d'Illyricus. Mais la guerre des Interimiftes & des Adiaphoriftes n'aïant pas fini pour cela, au contraire s'étant plus animée en Allemagne, comme il s'y agiffoit particulierement d'opinions contraires touchant l'euchariftie, quelques-uns fe perfuaderent

que
Calvin favorifoit la confubftantiation; ce qui
fut un grand fujet de plaintes aux Zuingliens de
Zurich, où Bullinger avoit fuccedé à Zuingle. Il
y eut donc une conference à Zurich même entre
les miniftres de cette églife & ceux de Geneve.
Calvin & Farel s'y rendirent, & après beaucoup
de difputes, ceux-ci voulurent qu'on crût qu'ils
n'étoient pas d'un fentiment different de celui
des autres. Il y eut donc un accord de l'approba-
tion des églifes de Suiffe & de celles des Grifons;
l'union devint plus forte qu'auparavant entre
Zurich & Geneve, Bullinger & Calvin, & elle
dure encore aujourd'hui.

Calvin écrivit en ce tems-là deux lettres très- CXIII. fçavantes à Lelio Socin premier auteur de la fe- Calvin &te Socinienne, qui étoit alors à Zurich. Il étoit écrit à Lefils de Marianus Socin petit-fils d'un autre Ma- Zurich. rianus Socin jurifconfulte celebre, qui avoit en

feigné

lio Socin à

feigné le droit canonique à Padouë, enfuite à AN.1549 Sienne avec beaucoup de reputation, & qui fut vita Calomidéputé au pape Pie II. qui le declara avocat conbut anno. fiftorial, & qui lui donna des marques d'une esti

De Bexe in

CXIV.

de Metz re

pere

me particuliere. Lelius Socin nâquit à Sienne l'an
1525. & étant parvenu à un certain âge, il fut
deftiné fon
par
à l'étude du droit, & com-
mença dès-lors à vouloir changer de commu-
nion, croïant fans raifon que celle de Rome
enfeignoit beaucoup de chofes contraires à la foi.
Voulant penetrer enfuite le vrai fens de l'écritu-
re fainte, en quoi certainement il erra prodigieu-
fement, il étudia le grec, l'hebreu & même l'a-
rabe, & fortit promptement de l'Italie s'en
aller dans des païs Proteftans, afin d'y fuivre en
liberté fes fentimens pernicieux & heretiques
qu'il n'eut pû faire éclater dans fa patrie fans s'ex-
pofer à des dangers qui ne pouvoient manquer
de lui être funeftes.

pour

Ce fut vers le même-tems que Nicolas de LorL'évêque raine évêque de Metz, fils d'Antoine duc de 11once à fon Lorraine & de Bar & comte de Vaudemont, évêché. quitta fon évêché pour époufer le premier de Mai 1 Sleidan in de cette année Marguerite d'Egmond fille de comment.lib. Jean III. du nom comte d'Egmond, & de Fran21. p. 754.çoise de Luxembourg. L'évêché de Metz par ce moïen tomba entre les mains du cardinal de

lement en

re.

Lorraine.

CXV. La religion reformée faifoit toûjours de grands Continua progrez en Angleterre. Le parlement affemblé tion du par depuis le vingt-quatriéme de Novembre de l'anAngleter- née precedente, avoit été ajourné du vingt-deuxiéme Decembre au deuxiéme Janvier de cette anBurnet hifi.née 1549.& le feptiéme du même mois les comde la reformunes prefenterent une adreffe au protecteur in 4.1.1. Pour le prier de rétablir Latimer dans l'évêché de Worchefter; mais ce fut fans fuccés. Le quatriéme de Février, l'archevêque de Cantorberi & & les évêques d'Ely & de Chichester eurent or

mats to. 2.

P. 144.

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OF

dre d'examiner un projet de loi portant défense de manger de la chair foit en carême, foit les jours de jeûne; & fur leur rapport le parlement ordonna fous differentes peines de ne point manger de viande les vendredis & les famedis, aux quatretems, en carême, ni les autres jours déclarez maigres, & cela à commencer du premier Mai fuivant. Ce ne fut pas dans la vûë de fe mortifier & de faire penitence qu'on fit ce regle ment, l'interêt en fut le motif, & la loi ellemême l'avoiie en declarant que l'obfervation du carême étoit neceffaire foutenir le negoce de la pêche, & pour conferver le bétail en certain tems de l'année. Les malades, les perfonnes foibles & ceux qui auroient difpenfe du roi étoient exempts de cette obfervance; & les infracteurs ne devoient être pourfuivis que trois mois après la faute commife. Il y eut beaucoup d'autres projets de loix qui furent rejettez: on conçut auffi le deffein de faire un corps de droit coûtumier; mais il n'y eut rien d'executé.

pour

AN.1549.

cement de

Il y eut une ordonnance plus confiderable qui CXVI. coûta la vie à l'amiral frere du protecteur. Environ Commenun mois & demi aprés la mort de Henri VIII.ceta difgrace amiral avoit époufé la veuve de ce prince, quoide l'amiral que les nôces n'en furent celebrées que quelques frere du mois après pour lui donner le tems de s'affermir protecteur. dans l'autorité de fa charge; mais étant devenu, Burnet ut veuf dès le mois de Septembre 1548. il conçut Sander.hift. Suprap.149. le deffein d'époufer la princeffe Elifabeth pour fchifm. qui il avoit depuis du tems une forte paflion. Angl, 1.2, Soit qu'il crut donc que cette princeffe ne pouvoit le refufer, foit que fa paffion lui ôtat toute reflexion, il alla trouver Elifabeth, & ne tarda pas à lui faire entrevoir quel étoit fon deffein. Cependant le protecteur en aïant eu connoiffan ce, & prévoïant que fi fon frere parvenoit à la couronne, il ne feroit plus rien lui-même, ou du moins il verroit fon crédit extrémement diTome XXIX.

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minué

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