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AN.1546. années de fa vie, fe fervant de gens très-habiles à quoi il s'appliqua tout entier les dernieres onze pour lui faire mot à mot la construction du texte hebreu & du texte grec, parce qu'il n'entendoit pas ces langues. Ce cardinal avoit accoûtumé de dire, qu'entendre feulement le texte latin, ce n'étoit pas entendre la parole de Dieu, mais celle du traducteur qui pouvoit faillir; & que faint Jerôme avoit raifon de dire que prophetifer & écrire des livres facrez, étoit l'effet du Saint-Efprit, au lieu que de les traduire étoit l'ouvrage de l'efprit humain. Louis de Catane ajoûta que l'on ne pouvoit approuver aucune verfion fans rejetter le canon Ut veterum dift. 9. qui ordonne d'examiner les livres de l'ancien teftament fur le texte hebreu, & ceux du nouveau teftament fur le texte grec: Que ce feroit condamner S. Jerôme & tous les autres traducteurs, que d'approuver une autre interpretation comme autentique. En un mot ce religieux opina fortement en faveur des originaux contre les verfions; & dit que fi le concile faifoit une traduction fur le vrai texte, le Saint-Efprit qui dirige le fynode dans les chofes de foi, ne permettroit pas qu'on tombât dans l'erreur, qu'une telle verfion pourroit s'appeller autentique: mais que cet ouvrage étant trop long pour pouvoir être fait dans un concile, il valoit mieux laiffer les chofes comme elles étoient depuis quinze cens ans.

LXX.

opinent

De Catane ne trouva pas un grand nombre de Plufieurs partifans de fon opinion; la pluralité des voix fut theo ogiens pour la vulgate latine. On prétendit qu'il falloit pour la tenir pour autentique une verfion qui depuis fi vulgate, long-tems étoit lûe dans les églifes, & dont on Pallay in fe fervoit dans les écoles: qu'autrement on donhift 1.6. neroit gain de caufe aux Lutheriens, & qu'on

6.5.n.2.

procureroit l'entrée à mille herefies qui mettroient la Chrétienté en combuftion. Que la doctrine de l'église Romaine étoit prefque toute fondée fur

des

AN.1546.

des paffages de l'écriture. Que fi chacun avoit la liberté d'examiner fi la verfion eft fidéle, foit en la confrontant avec d'autres traductions, foit en recherchant ce que porte le grec ou l'hebreu, l'on verroit les grammairiens s'ériger en juges de la foi; que les inquifiteurs ne pourroient plus proceder contre les héretiques, à moinsqu'ils ne fçuffent le grec & Phebreu, parce que ces fectaires n'auroient qu'à répondre que le texte original a un autre fens, & que fa traduction n'est pas fidéle. Que ce feroit trop déferer aux caprices & aux penfées creufes de chaque grammairien, qui foit par malice ou par ignorance en fait de théologie, pourroit tout contredire, en rafinant fur la fignification des mots grecs & hebreux. Que la verfion de Luther en avoit produit beaucoup d'autres dignes d'être à jamais enfevelies dans les tenebres. Que Luther lui-même avoit tant de fois retouché à la fienne, que dans chaque édition l'on comptoit des centaines de paffages corrigez : & que fi chacun prenoit cette liberté, l'on ne fçauroit plus dans la fuite à quoi s'en tenir. Qu'il falloit donc croire que le même Efprit Saint qui avoit dicté l'écriture, en avoit auffi dicté la verfion depuis fi long-tems fuivie & approuvée par l'églife. Quelques-uns même ajoûterent, que fi l'on refusoit l'affistance du SaintEfprit à l'interprete de la vulgate, on ne pouvoit pas au moins la refufer au concile, en forte qu'elle feroit cenfée fans erreur auffi-tôt qu'une fi fainte affemblée l'auroit approuvée.

d'Ifidore

Clarius fur

Mais cette derniere raison fut combattuë par LXXI. Ifidore Clarius très-fçavant religieux benedictin Sentimens de Breffe en Lombardie. Il fit dans cette affemblée un détail historique des differens textes des les textes livres faints. Il dit que la primitive église avoit eu de l'écrituplufieurs verfions grecques de l'ancien teftament, re. qu'Origene avoit jointes ensemble dans un volu

me,

& rangées en fix colonnes: (c'est ce qu'on

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AN.1546. appelle hexaples.) Que la principale deces verfions étoit celle des feptante, d'où font venuës differentes traductions latines: qu'il s'en eft fait plufieurs du nouveau teftament grec, l'une defquelles appellée l'italique, eft la meilleure de toutes, & comme telle fe lit dans l'églife, au fentiment de faint Auguftin, qui ajoûte que néanmoins le texte grec lui doit être preferé. Mais S. Jerôme, qui fçavoit fi bien les langues, voïant que la verfion de l'ancien teftament ne rendoit pas le vrai fens de l'hebreu; que l'interprete grec & le traducteur latin s'étoient auffi mépris: fit la fienne fur l'hebreu même, & corrigea celle du nouveau teftament fur le propre texte grec. Son credit fit recevoir cette traduction en beaucoup d'endroits: mais plufieurs la rejetterent foit par jaloufic, ou par l'averfion, comme il les en accufe qu'ils avoient de la nouveauté, mais l'envie aiant ceffé, la verfion de ce faint fut reçûë de tous les latins, on l'appella la nouvelle. Saint Gregoire écrivant à Leandre fur le livre de Job, dit que le fiege apoftolique fe fervoit de ces deux verfions latines: mais que pour lui il aimoit mieux la nouvelle, comme étant conforme à l'hebreu ; qu'il ne laifferoit pas toutefois de citer dans fon ouvrage tantôt l'une tantôt l'autre, felon qu'il conviendroit mieux à fon fujet. Dans les tems fuivans on en fit une de toutes les deux, mêlant une partie de la nouvelle avec une partie de la vicille: & c'eft ce qu'on appelle aujourd'hui l'édition vulgate. Les Pfeaumes font tous de la vieille, parce que comme l'églife les chantoit tous les jours, il n'y avoit pas moien d'y rien changer. Tous les petits prophetes font de la nouvelle, & les grands mêlez de l'une & de l'autre. Il est vrai que tout cela eft arrivé par la permission de Dieu fans laquelle rien ne fe fait. Mais l'on ne peut pas dire pour cela qu'il ait été besoin d'une fcience plus qu'humaine pour cette version. Saint

Je

Jerôme dit ouvertement qu'aucun interprete n'a parlé par l'infpiration du Saint-Efprit. Pourquoi AN.1546 donc lui attribuer l'affiftance divine, puifqu'il dit lui-même qu'il ne l'a pas eue? D'où il s'enfuit qu'aucune traduction de l'écriture ne fera jamais équivalente au texte de la langue originale. Clarius conclut donc que l'édition vulgate qui eft prefque toute de S. Jerôme, devoit être preferée à toutes les autres après qu'on l'auroit corrigée fur le texte original, avec défenses d'en faire ni d'en emploïer d'autres; par où cefferoient toutes les difficultez nées de la diverfité des interpretations, & les inconveniens que les theologiens avoient prudemment marquez dans leurs avis. André Vega religieux Espagnol de l'ordre de LXXII. S.François, voulut prendre un milieu entre ces Avis d'An deux opinions, & dit qu'il étoit vrai dré Vega feque qui eft fui lon S. Jerôme, l'interprete n'a point l'efprit de vi. prophetie, ni aucun autre don divin qui luidonnât l'infaillibilité, que ce pere & S. Auguftin confeilloient avec raifon de corriger les traduЄtions fur les textes originaux. Mais il ajoûta que sela n'empêchoit point qu'on ne pût dire que l'églife latine tient l'édition vulgate pour autentique, qui eft la même chofe que de dire qu'elle ne contient rien de contraire à la foi ni aux bonnes mœurs, quoiqu'elle ne foit pas conforme au texte original dans toutes fes expreffions; étant impoffible que tous les termes d'une langue foient rendus en une autre & traduits fans quel que alteration. Que la vulgate avoit plus de mille ans d'antiquité dans l'églife, & avoit été em ploïée par les anciens conciles, comme exemte de toute erreur dans la foi & dans les moeurs, & qu'ainfi il la falloit approuver & même la dé clarer autentique, fans que pour cela il fût dé fendu aux fçavans d'avoir recours au texte ori, ginal; il pretendit feulement qu'on devoit fup primer ce grand nombre de verfions qui ne fer

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AN.1546.

LXXIII.

ne l'article

ture.

vent qu'à caufer de la confufion : & cet avis fut fuivi. C'eft pourquoi dans la congregation du vingt-feptiéme de Mars, les prelats convinrent qu'on declareroit la vulgate autentique, pour établir l'uniformité dans la lecture & dans les citations de l'écriture fainte.

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&

On paffa enfuite à l'article des fens & des inOn exami- terpretations de la même écriture; & il y eut des fens & encore beaucoup d'avis differens. L'on crut que des inter la licence qu'on s'étoit donnée de l'interpreter pretations dans les dernieres années, avoit été caufe de la de 'écri- naiffance de l'herefie en Allemagne. Cependant les fentimens furent partagez. Les uns trouvoient que c'étoit une espece de tirannie fpirituelle, d'empêcher les fidéles d'exercer leur esprit felon les talens que Dieu leur avoit donnez de les obliger à demeurer attachez au feul fens des peres. Qu'il falloit exciter les hommes à la le&ture de ces faints livres par l'appas même de la nouveauté : Que fi on leur ôtoit ce plaifir, ils en abandonneroient l'étude pour s'adonner aux fciences profanes, & perdroient le goût des chofes faintes: & qu'il ne falloit point ôter à ce fiecle une liberté qui a produit de fi bons effets dans tous les autres. D'autres prétendoient que la licence étant un plus grand mal que la tiran nie, il falloit tenir en bride les efprits trop libres, fans quoi l'on ne verroit jamais la fin des conteftations prefentes. Que l'on permettoit autrefois d'écrire fur la bible, parce que l'on avoit besoin de commentaires, & qu'il n'y avoit rien à craindre des hommes de ce tems-là, qui me noient une vie fainte & avoient un efprit moderé. Que les fcolaftiques voïant depuis, que l'écriture étoit fuffifamment expliquée, avoient pris une autre façon de traiter les chofes faintes : & parce que les hommes prenoient plaifir à difputer, on s'étoit avifé de les occuper à l'examen des raisons d'Ariftote, pour conferver à l'écritu

re

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