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tifié, s'écria Don Cléofas, de ne pou voir jouir, comme vous, du plaifir de les apercevoir! Je puis encore vous donner ce contentement, lui dit Afmodée. Rien n'eft plus facile pour moi. En même tems, le Démon lui toucha les yeux, & par un preftige lui fit voir un grand nombre de Fantô-mes blancs.

A l'aparition de ces Spectres, Zam-. bullo frémit. Comment donc, lui ditle Diable, vous fremiffez Ces ombres vous font-elles peur? Que leur habillement ne vous épouvante point; accoutumez-vous-y dès à préfent.. Vous le porterez à votre tour. C'eft l'uniforme des Mânes. Raflurez-vous donc, & ne craignez rien. Pouvez-vous manquer de fermeté dans cette occafion, vous qui avez eu l'affurance de foutenir mas vûë: Ces gens-ci ne font pas fi méchans que moi.

L'Ecolier, à ces paroles, rapellant tout fon courage, regarda les Fantô mes affez hardiment. Confidérez attentivement toutes ces Ombres, lui dit le: Boiteux. Celles qui ont des Maufólées font confondues avec celles qui n'ont qu'une miferable biere pour tout monument.. La fubordination qui les diftin

guoit les uns des autres pendant_leur vie, ne fubfifte plus. Le grand Sommelier du Corps, & le premier Miniftre, ne font pas plus préfentement, que les plus vils Citoyens enterrez dans cette Eglife. La grandeur de ces nobles Mânes a fini avec leurs jours, comme celle d'un Héros de Théatre finit avec la Piéce.

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Je fais une remarque, dit Léandro; je vois une Ombre qui fe te feule, & femble fuir la compagnie des autres. Dites plûtôt que les autres évitent la fienne, répondit le Démon, & vous direz la vérité. Sçavez-vous bien quelle eft cette Ombre-là ? C'eft célle d'un vieux Notaire, lequel a eu la vanité de fe faire enterrer dans un cercueil de plomb, ce qui a choqué tous les autres Mânes bourgeois, dont les cadavres ont été mis en terre ici plus modeftement. Ils ne veulent point, pour mortifier fon orgueil, que fon Ombre fe mêle parmi eux..

Je viens de faire encore une obfervation, reprit Don Cléofas: deux Ombres, en paffant l'une devant l'autre, fe font arrêtées un moment pour fe regarder enfuite elles ont continué leur chemin. Ce font, repartit le Diable,

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celle de deux amis intimes, dont l'u étoit Peintre, & l'autre Muficien. Ils étoient un peu yvrognes; à cela près, fort honnêtes gens. Ils cefferent de vivre dans la même année. Quand leurs Mânes fe rencontrent, frapez du fouvenir de leurs plaifirs, ils fe difent, par leur trifte filence: Ah! mon ami, nous ne boirons plus!

Mifericorde, s'écria l'Ecolier, qu'eftce que je vois? Je découvre au bout de cette Eglife, deux Ombres qui fe promenent enfemble. Qu'elles me paroiffent mal apareillées! Leurs tailles & leurs allures font bien différentes. L'une eft d'une hauteur démesurée, & marche fort gravement; au lieu que l'autre eft petite, & a l'air évaporé. La grande, reprit le Boiteux, eft celle d'un Allemand, qui perdit la vie pour avoir bu dans une débauche, trois fantez avec du tabac dans fon vin. Et la petite eft celle d'un François, lequel fuivant l'efprit galant de fa Nation, s'avifa en entrant dans une Eglife, de préfenter poliment de l'Eau bénite à une jeune Dame qui en fortoit dès le même jour, pour prix de fa politeffe, il fut couché par terre d'un coup d'efcopete.

De mon côté, dit Afmodée, je confidére

fidére trois Ombres remarquables, que je démêle dans la foule. Il faut que je vous aprenne de quelle façon elles ont été féparées de leur matiére. Elle animoient les jolis corps de trois comédiennes, qui faifoient autant de bruit à Madrid dans leur tems, qu'Origo Citheris & Arbufcula en ont fait à Rome dans le leur, & qui poffedoient auffibien qu'elles, l'art de divertir les hommes en public, & de les ruïner en particulier. Voici qu'elle fut la fin de ces fameufes Comédiennes Efpagnoles. L'une creva fubitement d'envie, au bruit des aplaudiffèmens du Parterre, au début d'une Actrice nouvelle. L'autre trouva dans l'excès de la bonne chere, l'infaillible mort qui la fuit. Et la troifiéme, venant de s'échauffer fur la Scene à jouer le rôle d'une Veftale, mourut d'une fauffe-couche derriere le Théatre.

Mais laiffons en repas toutes ces Ombres, pourfuivit le Démon; nous les avons affez examinées. Je veux préfen ter à votre vûë un nouveau fpectacle, qui doit faire fur vous une impreffion encore plus forte que celle-ci. Je vais, par la même puiffance qui vous a fait apercevoir ces Mânes, vous rendre la

Mort vifible. Vous allez contempler cette cruelle ennemie du genre humain, laquelle tourne fans celle autour des hommes fans qu'ils la voyent, qui parcourt en un clin d'oeil toutes les parties du Monde, & fait dans un même mo ment fentir fon pouvoir aux divers Peuples qui les habitent.

Regardez du côté de l'Orient. La voilà qui s'offre à vos yeux. Une troupe nombreufe d'Oifeaux de mauvais augure vole devant elle avec la Terreur, & annonce fon paffage par des cris funebres. Son infatigable main est armée de la Faux terrible, fous laquelle tombent fucceffivement toutes les générations. Sur une de fes ailes font peints la Guerre, la Pefte, la Famine, le Naufrage, l'incendie, avec les autres accidens funeftes qui lui fournissent_à chaque instant une nouvelle proye. Er Fon voit für l'autre aîle de jeunes Médecins qui fe font recevoir Docteurs, en préfence de la Mort qui leur donne le Bonnet, après leur avoir fait jurer qu'ils n'exerceront jamais la Médecine autrement qu'on la, pratique aujour d'hui.

Quoique Don Cléofas fût perfuadé qu'il n'y avoit aucune réalité dans ce

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