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pliqua Don Fadrique; & je ne mérite pas que vous me regrettiez fi long-tems.. Souffrez, je vous en conjure, que Zarate vous époufe, après qu'il vous aura vengée d'Alvaro Ponce. Don Alvar n'eft plus, dit la Veuve de Cifuentes.. Le même jour qu'il m'enleva, il fur qué par le Corfaire qui me prit.

Madame, reprit Mendoce, cette nouvelle me fait plaifir. Mon ami en fera plûtôt heureux. Suivez fans contrainte votre penchant, l'un & l'autre. Je vois avec joye aprocher le moment qui va lever l'obftacle que votre compaffion & fa générofité mettent à votre commun bonheur. Puiffent tous vos. jours couler dans un repos., dans une union, que la jaloufie de la fortune nofe troubler! Adieu, Madame. Adieu, Don Juan. Souvenez-vous quelquefois, tous deux, d'un homme qui n'a jamais: rien tant aimé que vous.

Comme la Dame & le Toledan, auhieu de lui répondre, redoubloient leurs pleurs, Don Fadrique, qui s'en aperçut & qui fe fentoit très-mal, pourfuivit ainfi: Je me laiffe trop attendrir. Déja la mort m'environne & je ne fonge pas à fuplier la Bonté Divine de me pardonner d'avoir moi-même borné

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le cours d'une vie, dont elle feule dévoit difpofer. Après avoir achevé ces paroles, il leva les yeux au Ciel avec toutes les aparences d'un véritable repentir; & bien-tôt, l'hémoragie caufa. une fuffocation qui l'emporta.

Alors Don Juan, poffédé de fon défefpoir, porte la main fur fa playe, il arrache l'apareil, il veut la rendre incurable mais Francifque & le Renégat, fe jettent fur lui, & s'oposent à fa rage. Théodora eft effrayée de ce tranfport; elle fe joint au Renégat & au Navarrois, pour détourner Don Juan de fon deffein. Elle lui parle d'un air fi touchant, qu'il rentre en lui même. Il fouffre que l'on rebande fa playe; & enfin, l'intérêt de l'Amant calme peu à peu la fureur de l'Ami. Mais s'il reprit fa raifon, il ne s'en fervit que pour prévenir des effets infenfez de fa douleur, & non pour en affoiblir le fentiment.

Le Renégat, qui, parmi plufieurs chofes qu'il emportoit en Espagne, avoit d'excellent baume d'Arabie & de précieux parfums, embauma le corps de Mendoce, à la priere de la Dame & de Don Juan, qui témoignérent qu'ils fouhaitoient de lui rendre à Valence les honneurs de la fépulture. Ils ne ceffeF 4

rent

rent tous deux de gémir & de foupirer pendant toute la navigation. Il n'en fut pas de même du reffe de l'Equipage. Comme le vent étoit toûjours favora ble, on ne tarda guéres à découvrir les côtes d'Espagne.

A cette vue, tous les Efclaves fe livrérent à la joye; & quand le vaiffeau fut heureufement arrivé au Port de Denia, chacun prit fon parti. La Veuve de Cifuentes & le Toledan envoyérent un Courier à Valence, avec des Lettres pour le Gouverneur & pour la famille de Dona Théodora. La nouvelle du retour de cette Dame fut reçuë de tous fes parens avec beaucoup de joye, Pour Don Francifco de Mendoce, il fentit une vive affliction quand il aprit la mort de fon neveu.

Il le fit bien paroître, lorfqu'accompagné des parens de la Veuve de Cifuentes, il fe rendit à Denia, & qu'il voulut voir le corps du malheureux Don Fadrique. Ce bón Vieillard le moüilla des fes pleurs, en faifant des plaintes fi pitoyables, que tous les fpectateurs en furent attendris. Il demanda par quelle avanture fon neveu fe trouvoit dans cet état.

Je vais vous la conter, Seigneur, lui

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dit le Toledan. Loin de chercher à l'effacer de ma mémoire, je prens un funefte plaifir à me la rapeller fans ceffe, & à nourrir ma douleur. Il lui dit alors comment étoit arrivé ce trifte accident; & ce recit, en lui arrachant de nouvelles larmes, redoubla celles de Don Francifco. A l'égard de Théodora, fes parens lui marquéient la joye qu'ils avoient de la revoir, & la félicitérent fur la maniere miraculeufe dont elle avoit été délivrée de la tirannie de Mezomorto.

Après un entier éclairciffement de toutes chofes, on mit le corps de Don Fadrique dans un caroffe, & on le conduifit à Valence. Mais il n'y fut point enterré, parce que le tems de la ViceRoyauté de Francifco étant prêt d'expirer, ce Seigneur fe préparoit à s'en retourner à Madrid, où il réfolut de faire tranfporter fon neveu.

Pendant que l'on faifoit les préparatifs du Convoi, la Veuve de Cifuentes combla de biens Francifque & le Renégat Le Navarrois fe retira dans fa Province, & le Renégat retourna avec fa mé ré à Barcelone; où il rentra dans le Chriftianifme, & où il vit encore aujourd'hui fort commodément. Dans ce Fi

tems

tems-là, Don Francifco reçut un paquet de la Cour, dans lequel étoit la grace de Don Juan, que le Roi, malgré la confidération qu'il avoit pour las Maifon de Naxera, n'avoit pû refuser à tous les Mendoces qui s'étoient joints. pour la lui demander. Cette nouvellefut d'autant plus agréable au Toledan, qu'elle lui procuroit la liberté d'accompagner le corps de fon Ami, ce qu'il n'auroit ofé faire fans cela..

Enfin, le Convoi partit, fuivi d'un grand nombre de perfonnes de qualité ; & fi-tôt qu'il fut arrivé à Madrid, on enterra le corps de Don Fadrique dans une Eglife, où Zarate & Dona Théodora, avec la permiffion des Mendo→ ces, lui firent élever un magnifique Tombeau. Ils n'en demeurérent point là: ils portérent le deuil de leur Ami durant une année entière, pour éternifer leur douleur, & leur amitié.

Après avoir donné des marques fi célébres de leur tendreffe pour Mendo ce, ils fe mariérent. Mais, par un inconcevable effet du pouvoir de l'amitié, Don Juan ne laiffa pas de conferver long-tems une mélancolie que rien ne pouvoit bannir. Don Fadrique, fon eher Don Fadrique étoit toûjours pré

fent

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