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s'éloignant des yeux qui l'avoient fait naître il réfolut de ne plus voir la Veuve de Cifuentes. Ainfi, lorfque Mendoce le vouloit mener chez elle, il trouvoit toûjours quelque prétexte pour s'en excufer.

D'une autre part, Don Fadrique n'alloit pas une fois chez la Dame, qu'elle, ne lui demandât pourquoi Don Juan ne la venoit plus voir. Un jour qu'elle lui faifoit cette queftion, il lui répondit en fouriant, que fon Ami avoit fes raifons. Et quelles raifons peut-il avoir de me fuir, dit Dona Théodora ? Madame repartit Mendoce, comme je voulois aujourd'hui vous l'amener, & que je lui marquois quelque furprise fur ce qu'il refufoit de m'accompagner, il m'a fait une confidence, qu'il faut que je vous revèle pour le juftifier. Il m'a dit, qu'il avoit fait une Maîtreffe, & que n'ayant pas beaucoup de tems à demeurer dans cette ville les momens lui étoient chers.

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Je ne fuis point fatisfaite de cette excufe, reprit en rougiffant la Veuve de Cifuentes. Il n'eft pas permis aux Amans, d'abandonner leurs Amis. Don Fadrique remarqua la rougeur de Dona Théodora. Il crut que la vanité feule

en

en étoit la cause, & que ce qui faifoit rougir la Dame, n'étoit qu'un fimple dépit de fe voir négligée. Il fe trompoit dans fa conjecture. Un mouvement, plus vif que la vanité, excitoit l'émotion qu'elle laiffoit paroître: mais, de peur qu'il ne démêlât fes fentimens,. elle changea de difcours, & affecta, pendant le reste de l'entretien, un enjouement qui auroit mis en défaut la pénétration de Mendoce, quand il n'auroit pas d'abord pris le change.

Auffi-tôt que la Veuve de Cifuentes fe trouva feule, elle tomba dans une profonde rêverie. Elle fentit alors toute la force de l'inclination qu'elle avoit conçue pour Don Juan, & la croyant plus mal récompenfée, qu'elle ne l'étoit. Quelle injufte & barbare puiffance, ditelle en foupirant, fe plaît à enflâmer des cœurs qui ne s'accordent pas ? Je n'aime point Don Fadrique, qui m'adore; & je brûle pour Don Juan, dont une autre que moi occupe la penfée! Ah! Mendoce, ceffe de me reprocher mon indifférence-; ton Ami t'en venge affez.

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A ces mots, un viffentiment de douleur & de jaloufie lui fit répandre quelques larmes; mais l'espérance, qui fçait

adoucir

adoucir les peines des Amans, vint bien-tôt préfenter à fon efprit de flateufes images. Elle fe repréfenta, que fa Rivale pouvoit n'être pas fort dangereufe: que Don Juan étoit peut-être moins arrêté par fes charmes, qu'amufé par fes bontez; & que de fi foibles liens n'étoient pas difficiles à défaire. Pour juger elle-même de ce qu'elle en devoit croire, elle réfolut d'entretenir en particulier le Toledan. Elle le fit avertir de fe trouver chez elle. Il s'y rendit; & quand ils furent tous deux feuls, Dona Théodora prit ainfi la parole.

Je n'aurois jamais penfe, que l'amour pût faire oublier à un galant homme ce qu'il doit aux Dames. Néanmoins, Don Juan, vous ne vencz plus chez moi, depuis que vous êtes amoureux. j'ai fujet, ce me femble, de me plaindre de vous. Je veux croire toutefois, que ce n'eft point de votre propre mouvement que vous me fuyez. Votre Dame vous aura fans doute défendu de me voir. Avoüez-le moi, Don Juan, & je vous excufe. Je fçai que les Amans ne font pas libres dans leurs actions, & qu'ils n'oferoient defobéir à leurs Maîtreffes.

Madame, répondit le Toledan, je

con

conviens que ma conduite doit vous étonner; mais, de grace, ne souhaitez pas que je me juftifie. Contentez vous d'aprendre que j'ai raifon de vous éviter. Quelle que puiffe être cette raifon, reprit Dona Théodora tout émue, je veux que vous me la difiez. Hé bien! Madame, répartit Don Juan, il faut vous obeïr: mais ne vous plaignez pas, fi vous en entendez plus que vous n'en vouliez fçavoir.

Don Fadrique, poursuivit-il, vous a raconté l'avanture qui m'a fait quitter la Caftille. En m'éloignant de Tolede, le cœur plein de reffentiment contre les femmes, je les défiois toutes de me jamais furprendre. Dans cette fiere difpofition, je m'aprochai de Valence; je vous rencontrai; &, ce que perfonne encore n'a pu faire peut-être, je foutins vos premiers regards fans en être rroublé. Je vous ai revue même depuis, impunément. Mais, helas! que j'ai payé cher quelques jours de fierté ! Vous avez enfin vaincu ma résistance : votre beauté, votre efprit, tous vos charmes fe font exercez fur un rebelle en un mot, j'ai pour vous tout l'amour que vous êtes capable d'infpirer. Voilà, Madame ce qui m'écarte de

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yous. La perfonne dont on vous a dit que j'étois occupé, n'eft qu'une Dame imaginaire. Ceft une fauffe confidence, que j'ai faite à Mendoce, pour prévenir les foupçons que j'aurois pu lui donner, en refufant toûjours de vous venir voir avec lui.

Ce difcours, à quoi Dona Théodora ne s'étoit point attenduë, lui caufa une fi grande joye, qu'elle ne put l'empêcher de paroître. Il eft vrai, qu'elle ne fe mit point en peine de la cacher, & qu'au lieu d'armer fes yeux de quelque rigueur, elle regarda le Toledan d'un air affez tendre, & lui dit : Vous m'avez apris votre fecret, Don Juan; je veux auffi vous découvrir le mien. Ecoutez moi.

Infenfible aux foupirs d'Alvaro Ponce, peu touchée de l'attachement de Mendoce, je menois une vie douce & tranquille, lorfque le hazard vous fit paffer près du bois où nous nous rencontrâmes. Malgré l'agitation où j'ẻtois alors, je ne laiffai pas de remarquer, que vous m'offriez votre fecours de très bonne grace; & la manière avec laquelle vous fçûtes féparer deux Rivaux furieux, me fit concevoir une opinion fort avantageufe de votre adref

fe

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