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vinffent nous attaquer, ou que les flots nous engloutiffent. Après cela, je fouhaitois que mes larmes & ma douleur me rendiffent fi effroyable, que ma vuë pût faire horreur au Dey. Vains fouhaits, que ma pudeur allarmée me faifoit former! Nous arrivâmes au Port. On me conduifit dans ce Palais. Je parus devant Mezomorto.

Je ne fai point ce que dit Aby Aly en me préfentant à fon Maître, ni ce que fon Maître lui répondit, parce qu'il fe parlérent en Turc: mais je crus m'apercevoir, aux geftes & aux regards du Dey, que j'avois le malheur de lui plaire; & les chofes qu'il me dit enfuite en Espagnol, achevérent de me mettre au defefpoir, en me confirmant dans cette opinion.

Je me jettai vainement à fes pieds, &lui promis tout ce qu'il voudroit pour ma rançon : j'eus beau tenter fon avarice, par l'offre de tous mes biens ; il me dit, qu'il m'eftimoit plus que toutes les richeffes du monde. Il me fit préparer cet apartement, qui eft le plus magnifique de fon Palais: & depuis ce tems-là, il n'a rien épargné pour bannir la trifteffe dont il me voit accablée. Il m'amene tous les Efclaves de l'un &

de

de l'autre fexe, qui fçavent chanter, ou jouer de quelque inftrument. Il m'a ôté Inès, dans la penfée qu'elle ne faifoit que nourrir mes chagrins ; & je fuis fervie par de vieilles Efclaves, qui m'entretiennent fans ceffè de l'amour de leur Maître, & de tous les différens plaifirs qui me font réservez.

Mais tout ce qu'on met en ufage pour me divertir, produit un effet tout contraire. Rien ne peut me confoler, Captive dans ce déteftable Palais, qui retentit tous les jours des cris de l'innocence oprimée, je fouffre encore moins de la perte de ma liberté, que de la terreut que m'infpire l'odieufe tendreffe du Dey. Quoique je n'aye trouvé en lui jufqu'à ce jour qu'un Amant complaifant & refpectueux, je n'en ai pas moins d'effroi ; & je crains que laffé d'un refpect qui le gêne déja peutêtre, il n'abufe enfin de fon pouvoir. Je fuis agitée fans relâche de cette af freufe crainte, & chaque inftant de ma vie m'eft un fuplice nouveau.

Dona Théodora ne put achever ces paroles, fans verfer des pleurs. Don Juan en fut pénétré: Ce n'est pas fans raifon, Madame, lui dit-il, que vous vous faites de l'avenir une fi horrible Tome II.

E image

image. J'en fuis autant épouvanté que vous. Le refpect du Dey est plus prêt à fe démentir que vous ne pensez. Cet Amant foumis dépouillera bien-tôt fa feinte douceur. je ne le fçai que trop; & je vois tout le danger que vous

courez.

Mais, continua-t'il en changeant de ton, je n'en ferai pas un témoin tranquille. Tout Efclave que je fuis, mon defefpoir eft à craindre. Avant que Mezomorto vous outrage, je veux enAh! Don foncer dans fon fein.. Juan, interrompit la Veuve de Cifuentes, quel projet ofez-vous concevoir ? Gardez-vous bien de l'exécuter. De quelles cruautcz cette moit feroit fuivie! Les Turcs ne la vengeroient-ils pas? Les tourmens les plus effroyables... Je ne puis y penfer fans frémir. D'ailleurs, n'eft-ce pas vous expofer à un périt fuperflu? En ôtant la vie au Dey, me rendriez-vous la liberté? Hélas, je ferois vendue à quelque fcélerat, peut-être, qui auroit moins de refpect pour moi que Mezomorto. C'est à toi, Ciel, à montrer ta juftice : tu connois la brutale envie du Dey: tu me défens le fer & le poifon : c'eft donc à toi de prévenir un crime qui t'offenfe.

Oui,

Oui, Madame, reprit Zarate, le Ciel le préviendra. Je fens déja qu'il m'infpire. Ce qui me vient dans l'efprit en ce moment, eft fans doute un avis fecret qu'il me donne. Le Dey ne m'a permis de vous voir, que pour vous porter à répondre à fon amour. Je dois. aller lui rendre compte de notre converfation. Il faut le tromper. Je vais lui dire que vous n'êtes pas inconfolable: que la conduite qu'il tient avec vous, commence à foulager vos peines; & que s'il continue, il doit tout efpérer. Secondez-moi de votre côté. Quand il vous reverra, qu'il vous trouve moins trifte qu'à l'ordinaire. Feignez de prendre quelque forte de plaifir à fes difcours.)

Quelle contrainte, interrompit Dona Théodora! Comment une ame franche & fincére pourra-t'elle fe trahir jufqueslà? & quel fera le fruit d'une feinte fi pénible? Le Dey, répondit-il, s'aplaudira de ce changement, & voudra, par fa complaifance, achever de vous. gagner. Pendant ce tems-là, je travaillerai à votre liberté. L'ouvrage, j'en conviens, eft difficile; mais je connois un efclave adroit, dont jef pére que l'industrie ne nous fera pas inutile.

Je vous laiffe, pourfuivit-il; l'affaire veut de la diligence. Nous nous reverrons. Je vais trouver le Dey, & tâcher d'amufer par des fables fon impétueufe ardeur. Vous, Madame, préparez-vous à le recevoir. Diffimulez. Efforcez-vous. Que vos regards, que fa préfence bleffè, foient defarmez de haine & de rigueur. Que votre bouche, qui ne s'ouvre tous les jours que pour déplorer votre infortune, tienne un langage qui le fate. Ne craignez point de lui paroître trop favorable. Ilfaut tout promettre, pour ne rien accorder. C'eft affez, répartit Théodora. Je ferai tout ce que vous me dites, puifque le malheur qui me menace m'impofe cette cruelle néceflité. Allez Don Juan; employez tous vos foins à finir mon efclavage. Ce fera un furcroît de joye pour moi, fi je tiens de vous ma liberté.

Le Toledan, fuivant l'ordre de Mezomorto, fe rendit auprès de lui: Hé bien! Alvaro, lui dit ce Dey avec beaucoup d'émotion, quelles nouvelles m'aporte-tu de la belle Efclave? L'as-tu difpofée à m'écouter? Si tu'm'aprens que je ne dois point me flater de vaincre fa farouche douleur, je jure par la tête du

Grand

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