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LITTERAIRE

DE DEUX RELIGIEUX BENEDICTINS

DE LA CONGREGATION DE S. MAUR,
Où l'on trouvera

I. Plufieurs Pieces, Infcriptions, Epitaphes fervantes à éclaircir l'Hif-
toire, & les Genealogies des anciennes familles.

II. Plufieurs Ufages des Eglifes Cathedrales & des Monasteres, tou
chant la difcipline & l'Hiftoire des Gaules.

III. Les fondations de beaucoup de Monafteres, & une infinité de
recherches curieufes & intereffantes.

OUVRAGE ENRICHT DE FIGURES.

LE VOYAGE DE NICOLAS DE BOSC
Evêque de Bayeux, pour negocier la paix entre les Courone
nes de France & d'Angleterre en 1381. -

ITER INDICUM BALTHASARIS SPINGER.
DESCRIPTIO APPARATUS BELLICE
Regis Francia Caroli intrantis civitates Italia, Florentiam ac
deinde Romam pro recuperando regno Sicilia five Neapolitano

?

A PARIS,

Chez MONTALANT, Quay des Auguftins, à la descente du Pont
Saint Michel.-

M. DCC. XXIV.

Avec Approbation, Privilege du Roy, & Permillion des Superieurss-

KONINKL.
BIBLIOTHEEK

TESHAGE.

I

SECOND

VOYAGE

LITTERAIRE

'ENGAGEMENT où nous nous fommes trouvez de travailler à un Ouvrage auffi intereffant, que le dessein en eft grand & étendu, ayant porté nos fu. perieurs affemblez à la diette annuelle, à nous faire entreprendre un voyage dans les Pays Bas & dans l'Allemagne, pour y chercher dans les bibliotheques tous les memoires qui pouvoient contribuer à fa perfection. Ils nous declarerent leur refolution à la fin du mois de May 1718. Nous la reçûmes avec tout le refpect & la foumiffion que nous devions, mais en même temps avec crainte. Car quoyque Dieu nous ait donné beaucoup d'amour pour le travail, & un zele affez grand pour tout entreprendre lorfqu'il s'agit de rendre. fervice à l'eglife & à l'etat, & de contribuer de notre part à l'utilité publique; le fuccès de ce voyage nous paroiffoit fort incertain & douteux, puifqu'il étoit question'

A

Chelle.

d'aller dans un pays où nous étions inconnus, dans un pays dont nous n'entendions pas la langue, dans un pays où tant d'hommes habiles avoient déja moiffonné avant nous, & même glanné après les moiffonneurs.

Il étoit donc fort à craindre que nous ne nous donnaffions bien de la peine inutilement, & que nous ne rapportaffions de tous nos travaux que la bonne volonté de fervir le Public avec laquelle nous aurions entrepris le voyage. Mais l'experience que nous faifons tous les jours de la protection de Dieu fur nous, & la benediction vifible qu'il donne à nos entreprises, nous ayant relevé le courage, nous crûmes qu'il regarderoit auffi d'un œil favorable les pieufes intentions de ceux qui nous envoyoient, fi nous mettions notre confiance en lui. Ainfi après avoir demandé le fecours des prieres de nos confreres, nous nous mîmes en chemin le 30. May 1718.

Nous allâmes d'abord à l'abbaye de Chelle, fituée dans une belle plaine, fur le bord de la Marne, à quatre lieues de Paris. Elle eft fi connue & fi illuftre, qu'il n'eft pas neceffaire de nous étendre beaucoup pour en donner une jufte idée. Tout le monde fçait que c'eft un glorieux monument de la pieté de fainte Batilde reine de Fran: ce. L'auteur de fa vie nous apprend néanmoins que fainte Clotilde y avoit déja affemblé une communauté de vierges, qui s'étoient confacrées à Dieu par les vœux monaftiques. Mais foit que le premier monaftere eut été detruit, foit que les grands biens dont fainte Batilde enrichit l'abbaye, lui ayent acquis le titre de Fondatrice, on le lui donne encore aujourd'hui, comme on a fait dans les fiecles précedens. Non contente d'avoir rétabli le monaftere & de lui avoir fait des donations confiderables, elle compta tout cela pour rien, fi elle ne s'y donnoit elle-même: c'eft pourquoi après avoir été les delices de la France fous le regne de Clovis II. fon mari, après avoir fait admirer fa prudence dans la Regence du Royaume pendant la minorité de fes trois fils, changeant fa couronne en un voile, elle apprit à la pofterité, qu'elle fçavoit auffi bren obéir que commander, & que le joug de JESUS =

que

CHRIST eft infiniment plus doux, que tout ce que le monde peut avoir d'agréable. Son exemple attira à Chelle un grand nombre de princeffes & de filles de distinction, non feulement du royaume, mais encore des pays étrangers, qui paffoient les mers pour fe confacrer au fervice de celui qui eft l'époux des vierges. Je ne doute point Bertilende qui contribua à la fondation du monaftere d'Epternac, par une donation confiderable qu'elle fit à S. VVillebrod apôtre des Frifons, ne fut de ce nombre. Gifele fœur de l'empereur Charlemagne, que ce grand prince honoroit comme fa propre mere, choifit Chelle pour fe mettre à l'abri de la corruption du fiecle. Hegilvide mere de l'imperatrice Judith prefera la qualité d'abbeffe de Chelle à tous les titres d'honneur qu'elle pouvoit poffeder dans le monde, & fans remonter à ces fiecles éloignez, Chelle renferme aujourd'hui dans fon fein une des plus grandes Princeffes de l'Europe, puifqu'elle a l'honneur d'être du Sang Royal de la Couronne de France, & d'être la fille du Prince qui gouverne aujourd'hui le royaume. Tout le monde fçait & admire avec quelle conftance elle a quitté les plaifirs qui pouvoient arrêter une jeune princeffe à la fleur de fon âge, & le mepris qu'elle a fait des couronnes que fa naissance royale lui pouvoit faire efperer. Perfuadée que fon royaume n'étoit pas de ce monde, & que l'époux des vierges en refervoit un autre plus durable à celles qui fe confacrent à fon fervice.

Convaincue que ce Royaume ne s'emporte que par la force & qu'en fe faifant violence, que le moyen le plus court de vaincre le monde eft de le fuir; elle n'hefita pas à fe derober d'une cour floriffante: la retraite du cloître ne lui fit pas d'horreur, les exercices les plus humbles de la religion ne lui parurent pas trop bas : les aufteritez les plus rudes ne l'ébranlerent point. Elle fit un facrifice parfait & des plaifirs & des honneurs, & embraffa genereufement la croix pour ne s'en feparer qu'à la mort. Lorfque nous arrivâmes à Chelle elle fortoit d'une retraitte qu'on lui avoit fait interompre pour quelques indifpofi.

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