de le tirer de danger, s'il accufoit Paul, Jean & Vitus ; le premier, intendant de Bélifaire; les deux autres, banquiers & amis de ce général. Déjà ils s'étoient affurés de la perfidie de ces trois fourbes, qui pour une fomme d'argent confidérable avec promeffe de l'impunité, s'engagerent à dépofer contre Bélifaire. Pour inftruire le procès des coupables, l'Empereur nomma une commiffion compofée de Procope préfet de la ville, du quefteur Conftantin, de Julien fecrétaire, & du greffier Zenodore. Le préfet Procope eft différent de l'Hiftorien, qui étoit mort plufieurs années avant cet éve

nement.

JUSTINIEN An, 5630

Les interrogatoires étant achevés, - l'Empereur manda les Décembre le patriarche Eutychius, les Magiftrats & les principaux officiers; il leur expofa le détail de la conjuration, & fit lire les aveux des accufés. Tous chargeoient Bélifaire, qui étoit préfent, & qui effuya les plus violens éclats de la colere de l'Empereur, fans répliquer une parole, foit

LXIV.

Difgrace de Bélifaire.

par étonnement, foit par grandeur JUSTINIEN. d'ame. On le dépouilla de tous fes An. 563. honneurs; on lui ôta tous les domef

tiques ; on lui donna des gardes, avec défense de fortir de fa maison. Ce grand homme, le foutien & Phonneur de l'Empire, demeura prifonnier, jufqu'au mois de Juillet de l'année fuivante, attendant à chaque inftant du jour & de la nuit, qu'un bourreau vînt l'immoler à la rage de fes envieux. Il n'avoit fallu qu'une heure à ceux-ci pour tramer contre lui une intrigue criminelle, il lui fallut fept mois pour fe juftifier.. Il rentra enfin dans les bonnes graces de l'Empereur, & dans toutes fes dignités. Les Hiftoriens ne difent pas quel fut le châtiment de Sergius. Il y a toute apparence qu'on lui fit grace, ainfi qu'aux autres calomniateurs. Ce qui me le perfuade, c'eft que Paul le Silentiaire, après avoir décrit la feconde dédicace de l'églife de fainte Sophie, célébrée dans ce temps-là même la veille de Noël, termine fon poëme par des louanges de l'Empereur, qui ne fait,

dit-il, fentir aux coupables que fa clémence vertu vraiement héroï- JUSTINIEN An. 563 que, lorfqu'elle n'eft pas un effet de foibleffe, & que le Prince fçait protéger l'innocence & reconnoître les fervices, en même-temps qu'il pardonne les offenfes perfonnelles.

LXV.

veuglement

lifaire.

C'eft à l'occafion de cette difgra ce de Bélifaire, que les moraliftes Fable de l'a débitent depuis fix cents ans un conte & de la menabfurde, qui n'a eu befoin que de fon dicité de Bé abfurdité même pour s'accréditer. Comme fi l'on manquoit d'exemples inconteftables & fréquens, pour prouver la fragilité des grandeurs humaines, on répete fans ceffe que Juftinien fit crever les yeux à Bélifaire, & que ce grand capitaine dépouillé de tous fes biens, fut réduit à mendier fon pain dans les rues de Conftantinople. Un contrafte fi frappant a faifi l'imagination des Artiftes; ils n'ont gueres repréfenté Bélifaire que mendiant, aveugle & miférable. Cependant aucun des Auteurs contemporains, ni de ceux qui les ont fuivis pendant fix cents ans, n'a dit un feuf mot d'un évenement fi remarquable.

Jean Tzetzès, qui vivoit dans le douJUSTINIEN. ziéme fiécle, auteur fans jugement An. 563. qui a confondu la difgrace de Jean de Cappadoce avec celle de Bélifaire eft le premier garant de cette aventure. Depuis que la critique a épuré l'hiftoire, tous les écrivains judicieux fe font accordés à réfuter cette tradition fabuleufe; néanmoins elle s'eft maintenue & fe maintiendra en crédit: le feul nom de Bélifaire rappellera fans ceffe ce prétendu trait de fa vie à ceux qui en ignoreront tout le refte.

Révolte en

LXVI. Les Maures étoient tranquilles en Afrique. Afrique depuis plufieurs années. Leurs Theoph. pag. Rois foumis à l'Empire recevoient Anaft. p. 67. gouverneur Romain des gratifi

202.

du

Hift. Mife. 1. cations annuelles. Cuzinas un de ces Malela p. 84 Princes, autrefois ennemi des Ro

16.

mains, mais qui les avoit enfuite aidés à conquérir entiérement la Numidie & la Mauritanie, étant venu à Carthage, pour recevoir les préfens ordinaires, fut affaffiné par les ordres du gouverneur nommé Jean Roga thin. Un forfait fi atroce devoit foulever toute l'Afrique : le bon ordre

établi par les gouverneurs précédens, maintint le pays dans l'obéiffance. Il n'y eut que les fils de Cuzinas, qui pour venger la mort de leur pere, firent des courfes, ravagerent quelques contrées, & s'en emparerent. L'Empereur envoya pour les réduire un de fes neveux nommé Marcien avec une armée. A l'arrivée de Marcien, les fils de Cuzinas trop foibles pour lui réfifter, abandonnerent le pays, & laifferent les Romains maîtres de toute la Mauritanie.

JUSTINIEN.
An. 563-

Factieux pu

202.

16.

Au mois d'Avril fuivant, AndréLogothete, fubftitué à Procope dans Am 564 la charge de préfet de Conftantino- LXVII. ple, fortoit du palais dans un char nis pour aller, felon la coutume, pren- Theoph. pag dre poffeffion du prétoire. Les parti- vict. Tun. fans de la faction verte, contre la- Anaft. p. 67. quelle il étoit déclaré, vinrent s'op- Hift. Misc. I pofer à fon paffage, l'accablant d'injures, & faifant pleuvoir fur lui une grêle de pierres. Ceux de la faction bleue accoururent à fon fecours, & le combat dura jufqu'au foir. Justin le Curopalate, neveu de l'Empereur, vint à bout de féparer les combattans, Ty