prefferent à l'envi de fe jetter aux pieds de Juftin & de le prier d'ac- JUSTIN II. cepter le pouvoir fupréme. C'étoit- An. 565. là le feul droit qu'ils avoient confervé à l'élection des Empereurs. Juftin proclamé par le Sénat fans aucune oppofition, retourna au palais pour préparer les obfeques de Juftinien. Dès qu'elles furent achevées, il reçut avec fa femme la bénédiction & la couronne des mains du patriarche Jean le Scholaftique.

Il

II.

paye les dettes de Juf

Revêtu des ornemens impériaux, il fe rendit à l'hippodrome; où s'étant affis fur le trône, au bruit des tinien. acclamations réitérées, après avoir fait le figne de la croix, dont il portoit l'image fur le front, il harangua ce peuple innombrable, promettant tout ce que les Princes, à leur couronnement, ne manquent jamais de promettre. A peine eut-il ceffé de parler, qu'il fe vit environné d'une foule de femmes, qui demandoient à grands cris la délivrance de leurs maris ou de leurs enfans, détenus dans les prifons. Touché de leurs larmes, il fit grace aux criminels, & Tome XI. G

JUSTIN II.
An. 565.

relâcha tous les prifonniers. Cette action de bonté, fit efpérer un foulagement général. Aux acclamations de joie fe joignoient de toutes parts des gémiffemens & des plaintes : Juf tinien pour fournir aux frais immenfes de fes bâtimens, avoit fucé le fang de fes peuples, & ne s'étoit fait aucun fcrupule des exactions les plus injuftes. Après avoir épuifé toutes les reffources des impofitions, il avoit emprunté de grandes fommes aux particuliers fur des obligations fignées de fa main. Tout le peuple tendant les bras vers le nouvel Empereur, lui préfentoit ces billets dont il demandoit le payement. Justin ayant fait faire filence, excufa fon prédéceffeur fur fa vieilleffe, dont fes miniftres avoient abufé. Il fit auffi-tôt dreffer des comptoirs & ouvrir le tréfor. On vit en un moment dans tout le Cirque briller des monceaux d'or & d'argent. L'Empereur écoutoit les plaintes & recevoit les billets, qu'on acquittoit fur le champ & qu'on jettoit dans un grand feu. Les héritiers furent

JUSTIN II.

payés de ce qui étoit dû à leurs peres, & dès ce premier jour, il y An. 565. eut un grand nombre de torts redreffés, & de dettes payées. Ce qui fut continué les jours fuivans, jufqu'à ce que les injuftices du règne précédent euffent été pleinement réparées.

y

III.

bli dans l'E

1. 4.

35.

Cedr. p. 388.

L'Empereur fongea enfuite à rétablir la paix dans l'Eglife, troublée, Calme réta depuis long-temps par l'indifcrete glife. présomption de Juftinien, toujours Evag. 1. s. c. occupé de difcuffions Théologiques. Niceph. Call. Plufieurs évêques étoient exilés ;!. 17. c. 33. d'autres en grand nombre fe trou-Theoph. pag. voient à Conftantinople, foit qu'ils 204 euffent été appellés pour rendre gift. mifc. le compte de leur foi, foit qu'ils y 16. fuffent venus d'eux-mêmes pour faire leur cour au Prince, ou pour folliciter des ordres rigoureux contre leurs adverfaires. Juftin rappella les exilés, à l'exception du patriarche Eutychius, qui ne rentra en poffeffion du fiége de Conftantinople, qu'en 577 après la mort de Jean' le Scholaftique. Il renvoya dans leurs diocèfes tous les Prélats qui

fe trouvoient à la Cour, & leur orJUSTIN II. donna de vaquer à leurs fonctions, An. 565. d'entretenir la paix & la concorde,

IV.

Caractère de Juftin.

I.

& de ne rien innover dans la foi ; ce qu'il confirma par un édit adreffé à tous les Chrétiens de l'Empire. Cet édit fut reçu avec joie; & l'héréfie, qui fe nourrit de conteftations, laiffa enfin repofer l'Empire pendant plus de cinquante ans. L'abbé Photin, ce beau-fils de Bélifaire dont nous avons parlé, fut revêtu d'un plein pouvoir pour pacifier les troubles qui agitoient les Eglifes d'Egypte.

De fi heureux commencemens promettoient un règne plein de douCoripp. 1. 1. ceur & de juftice. On croyoit voir Evag. 1. 5. c. un Prince libéral fans profufion, haNiceph. Cal. bile fans artifice, attaché à l'ortho1. 17. c. 33. doxie, mais ennemi de toute vioTheoph. pag. lence. Il ornoit les églifes, il doCedr. p. 388. toit des monafteres, il faifoit bâtir Manoffé pag. un palais hors de la ville, un port Glyc. p. 272. dans la ville même; mais fans fou

204.

67.

Zon. p. 70.

Greg. Tur. ler les peuples, il mefuroit fes déhift. Franc. 1. penfes fur fes revenus. En un mot,

4. C. 39.

Paul. diac. tout annonçoit en lui une ame vrai

JUSTIN II.
An. 565.

hift. Lang. I.

ment digne de commander aux au-
tres hommes; & les graces de fon
extérieur fembloient encore rehauffer
le prix de tant de belles qualités. 3. c. 11.
Mais bientôt toutes ces vertus dif-
parurent. C'étoit un Prince foible &
fans caractère, que la féduction de
la puiffance fouveraine n'eut pas de
peine à corrompre. Comme il n'é-
toit grand que par effort, dès qu'il
crut n'avoir plus befoin de fe con-
traindre, il tomba dans la baffeffe.
Il s'abandonna aux plus infâmes plai-
firs; fanfaron & timide, auffi prompt
à s'effrayer qu'à s'irriter; fans ref-
fource comme fans prévoyance. Il
devint avare & raviffeur, méprifant
les pauvres, dépouillant les riches,
vendant tout jufqu'aux dignités de
l'Eglife, dont il faifoit publique-
ment un trafic facrilége. Après l'a-
voir admiré dans les premiers jours
de fon régne, fes fujets fe trouve-
rent heureux de le voir tomber en
démence; ils regarderent comme une
reffource pour eux la néceffité où il
fut réduit de remettre en d'autres
mains les rênes de l'Empire.