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An. 554.

répondit Juftinien, pourvû qu'on n'en vint à cette extrémité, que dans JUSTINIEN. le cas d'une rebellion manifejie. Jean fe retira fatisfait de cette réponse; il fçavoit que dans les permiflions que donnent les Princes, les conditions reftrictives font ordinairement de peu de valeur, parce qu'il eft facile de les éluder, foit par une conduite artificieufe, foit par le menfonge. Il obtint même de l'Empereur une lettre conforme, adreffée aux généraux, & partit pour la Lazique.

Après la lecture de cette lettre, Martin & Ruftique fe crurent les maîtres de la vie de Gubaze, puifqu'il n'étoit queftion que d'amener ce Prince à faire quelque réfiftance, & qu'après l'exécution, il ne leur en couteroit qu'une impofture, pour donner à fa conduite une couleur de rébellion. Sans faire part de leur defsein perfide à Justin ni à Buzès, ils les engagerent à venir avec eux proposer au Roi de joindre fes troupes aux troupes Romaines, pour attaquer de concert le château d'Onogure, &

V.
Il eft aflaf

finé.

ils fe mirent en marche avec un déta

JUSTINIEN. chement de cavalerie. Gubaze averti

An. 554. de leur approche, vint par honneur au-devant d'eux jufqu'au bord du fleuve Cobus. Comme il étoit fans foupçon, il étoit auffi fans défense, n'ayant avec lui que les officiers de fa maison. Lorsqu'ils fe furent réunis, ils s'entretinrent fans defcendre de cheval; & Ruftique prenant la parole: Prince, dit-il, notre deffein eft de marcher à Onogure: plus il eft facile d'en déloger les Perfes, plus il eft honteux de laisser fubfifter au milieu de nous une poignée d'ennemis. Nous comptons fur vous pour une entreprise où votre intérêt s'accorde avec l'honneur de l'Empire. Gubaze répondit, que tous les fuccès des Perfes en Lazique ne devoient être imputés qu'à la négligence des Romains; que c'étoit à eux feuls à reprendre la fortereffe d'Onogure qu'eux feuls avoient laiffe perdre ; que pour lui il n'entreroit pour rien dans les hazards de la guerre, que les Romains n'euffent réparé leurs fautes paffées. Ce refus parut fuffire pour

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fonder une preuve de rébellion ; & fur le champ ce même Jean qui avoit JUSTINIEN. été employé à surprendre l'Empe- An. 554. reur, frappa le Roi d'un coup de poignard dans la poitrine. La bleffure n'étoit pas mortelle; mais comme Gubaze avoit les jambes croifées fur le cou de fon cheval, il tomba par terre, & pendant qu'il fe relevoit, un des gardes de Ruftique l'acheva par ordre de fon maître. Juftin & Buzès qui n'étoient pas du complot, fe mettoient en devoir de défendre ce malheureux Prince; mais on les arrêta en leur difant, qu'on ne faifoit qu'exécuter les ordres de l'Empereur. Saifis d'horreur & d'effroi, ils demeurerent dans un morne filence. Un affaffinat fi atroce jetta la confternation dans l'armée des Lazes; ils vinrent en frémiffant enlever le corps de leur Roi ; & après lui avoir rendu les honneurs funebres, outrés de désespoir, ressentant au fond de leurs entrailles le coup qui avoit percé leur Prince, mais gémiffant de leur foibleffe, ils s'éloignerent des Romains comme d'une

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An. 554.
VI.

mains défaits

Perfes.

Martin fut d'avis de marcher fur Cinquante le champ à Onogure; il fe prometmille Ro- toit un fuccès affuré, & fe flattoit par trois mille que c'en feroit affez pour effacer dans l'efprit de l'Empereur le crime qu'il venoit de commettre. Cette place voifine d'Archéopolis tiroit fon nom d'une victoire que les Lazes avoient autrefois remportée fur les Huns Onogures; elle fe nommoit auffi la fortereffe de St. Etienne à caufe d'une églife célebre confacrée fous l'invocation de ce Saint Martyr. Toute l'armée au nombre de cinquante mille hommes, vint camper au pied des murs. Elle fe difpofoit à l'attaque, lorfqu'on amena au camp un foldat Perfe, qu'on avoit trouvé rodant autour des remparts. Appliqué à la torture, il déclara que Nachoragan, qui étoit en Ibérie, l'avoit envoyé pour encourager la garnison, & lui promettre qu'il arriveroit inceffamment à la téte d'une nombreuse armée ; il ajouta que les Perfes qui campoient

à Muchirise au nombre de trois mille, s'étoient mis en marche pour fecou- JUSTINIEN. rir la place. On délibéra fur le parti An. 554. qu'on devoit prendre. Buzès vouloit marcher à la rencontre des Perfes qui venoient de Muchirife: Après les avoir défaits, difoit-il, ce qui ne fera pas difficile, vû leur petit nombre, la garnifon dénuée de fecours ne tardera pas à fe rendre; fi elle s'obftine, nous en viendrons facilement à bout. Uligage chef des Erules appuyoit cet avis, en difant, que pour enlever aifément le miel, il falloit chaffer les abeilles. Ruftique devenu plus hautain & plus infolent depuis l'affaffinat de Gubaze, traitant Buzès avec mépris, prétendit qu'au lieu de fatiguer l'armée par une marche inutile, il falloit preffer le fiége, & envoyer un détachement au-devant de l'ennemi. Cet avis l'emporta, & c'étoit en effet le meilleur, fi l'on eût fait partir un corps de troupes affez fort pour battre les Perfes. Mais on fe contenta de détacher fix cens cavaliers fous les ordres de Dabragefe & d'Ufigarde, & toute l'armée com

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