An. 573. cet artifice, n'eut pas plutôt fatiffait fa paffion, que la Reine fe fai- JUSTIN II. fant connoître: Choifis maintenant, lui dit-elle; entre tuer ou mourir. Si tu laiffe Alboin échapper à ma vengeance, tu n'échapperas pas à fa colere. Péridée forcé d'ôter la vie au Roi, , pour fauver la fienne, confentit à prêter fon bras. Dès le lendemain Alboin s'étant jerté fur fon lit pour prendre quelque repos pendant la chaleur du jour, Rofemonde écarte tous les domeftiques, enleve toutes les armes à la réserve de l'épée qu'elle attache fortement, & introduit Péridée qui plonge la fienne dans le fein du Roi. A ce coup, Alboin s'éveille; il voit le fer fanglant, Péridée en fureur, & la Reine encore plus furieufe qui anime le meurtrier. Il fe jette fur fon épée, & ne pouvant Ja tirer, il faifit un efcabeau avec lequel il fe défend. Il tombe enfin percé de coups, & le vainqueur des Gépides & des Romains expire aux pieds d'une femme. Il n'avoit régné que trois ans & demi en Italie. Les peuples vaincus le pleurerent, les Lom bards inconfolables l'enterrerent avec JUSTIN II. fon épée & fes ornemens royaux au An. 573 pied d'un efcalier du palais. XL. Fin mal : Elmige s'étoit flatté de lui fuccéheureute de der il fut trop heureux d'échapper fes affaffins. aux Lombards, qui fe doutant du complot, le cherchoient pour l'immoler à leur jufte vengeance. Il fe fauva vers la côte de Gênes avec Rofemonde, qui écrivit à Longin pour lui demander asyle. L'exarque délivré d'une continuelle inquiétude par la mort d'un fi redoutable ennemi, envoya auffi-tôt un vaiffeau, où Rofemonde s'embarqua avec fa fille Albfvinde, Elmige devenu fon mari, Péridée & tous les tréfors du Roi qu'elle avoit enlevés dans fa fuite. Cette Princeffe étoit auffi belle que méchante & perfide. Longin, homme fans efprit & fans rœurs, en devint amoureux, & lui promit de l'époufer, fi elle pouvoit fe défaire de fon nouveau mari. Le crime n'effrayoit plus Rofemonde ; il lui coutoit peu de faire périr Elmige, après avoir trempé fes mains dans le fang d'Alboin. Comme il fortoit du bain elle DU BAS-EMPIRE. LIV. L. 217 elle lui préfenta un breuvage empoi-· fonné. A peine en eut-il bû une par- JUSTIN II. tie, , que fentant dans fes entrailles An. 573. l'effet du poifon, il força Rofemonde l'épée fur la gorge de boire le refte, & tous deux expirerent en même temps. Longin fut peu touché de cette fcene tragique; il fe confola en détournant une partie du tréfor des Lombards, dont il envoya le refte à la Cour avec Albfvinde & Péridée. Justin lui en fçut tant de gré, qu'il augmenta fon autorité & fes revenus. Péridée pour faire montre de fa force, combattit un lion d'une grandeur énormé dans un fpectacle public en présence de l'Empereur, & le tua. Il en attendoit une récompenfe; mais Juftin craignant qu'un fi méchant homme n'abusât de fes forces, lui fit crever les yeux. Ce traitement irrita la férocité de Péridée. Il réfolut de tuer l'Empereur; & s'étant armé de deux poignards qu'il tenoit cachés fous fa robe, il fe fit conduire au palais, demandant à parler au Prince, à qui, difoit il, il avoit d'importans fecrets à révéler. Tome XI, K JUSTIN II. XLT, Cleph fucà Al boin. Juftin fe défiant de ce meurtrier: envoya deux Patrices pour l'écouter. Péridée défespéré d'avoir manqué fon coup, s'approche comme pour leur parler à l'oreille, & les perce tous deux en même temps de fes deux poignards. Ils tomberent morts à fes pieds. L'hiftoire ne dit pas quelle fut la fin de ce scélérat. Après la mort d'Alboin, les feifede gneurs Lombards fe rendirent de toutes parts à Pavie; il ne laiffoit point d'enfant mâle, & l'intervalle de cinq mois, que dura l'interrègne donne lieu de foupçonner qu'il fe forma beaucoup d'intrigues & de cabales pour remplir le trône vacant. Enfin on élut Cleph, des plus nobles de la nation, payen de religion, auffi guerrier qu'Alboin, mais avare & fanguinaire. Il traita cruellement les vaincus, chaffant les nobles de leur patrie, faisant mourir les riches pour s'emparer de leurs biens. S'étant rendu odieux à fes propres sujets, il fut affaffiné par un de fes domeftiques après dix-huit mois de règne. Ce Prince ajoûta de nouvelles conquêtes à celles de fon prédéceffeur. Il fe JUSTIN II. Guerre de Abb. Biclar. 208. 209. Zon. T. 1. p. Dans ce même temps l'Empire XLII. foutenoit en Afie une guerre beau- Perfe. coup plus fanglante. L'imprudente Theoph. By fierté de Juftin l'avoit allumée; l'in- pag. 22. 23. Evag. l. 5. c. capacité de fes généraux foutenoit S. 9. 10. mal l'orgueil de leur maître; & les Simocat. 1.3. Perfes plus puiffans que les Lombards c. 10. 11. mettoient en feu la Méfopotamie & Theoph. pag. la Syrie. Marcien retiré à Dara pen- Cedr. p. 390. dant l'hiver avoit fait lever des troupes en Arménie. Les Lazes, les Abafges, les Alains commandés par leur roi Saros, étoient venus groffir fon armée. Se voyant fi fupérieur en forces, il attaqua un corps de Perfes près de Nifibe, leur tua douze cents hommes, en fit foixante dix prifonniers, fans autre perte que de 71. |
