mença l'attaque avec ardeur, les afJUSTINIEN. fiégés n'en montrant pas moins à fe An. 554 défendre. Cependant les Perfes qui venoient de Muchirife, brufquement chargés par le détachement qu'ils ne s'attendoient pas de rencontrer, prirent la fuite; & la nouvelle en étant venue auffi - tôt au camp des Romains, ils ne fongerent plus qu'à forcer la place, fans. rien craindre du dehors. Mais les Perfes s'appercevant du petit nombre de ceux qui les pourfuivoient, tournent bride & fondent fur eux avec de grands cris. Les Romains trop foibles pour foutenir le choc, fuient à leur tour, & les deux partis emportés avec une égale précipitation, l'un par la crainte, l'autre par l'ardeur de la poursuite, arrivent enfemble au camp & s'y jettent pêle-mêle. L'épouvante & le défordre y entrent avec eux; les Romains croyant avoir fur les bras toute l'armée des Perfes, abandonnent leurs tentes & leurs machines; ils ne voient ni leur nombre ni celui des ennemis; la garnifon fort en même temps de la place & fe joint aux autres Perfes. La cavalerie Romaine fe mit bientôt en JUSTINIEN. sûreté; mais l'infanterie fut extrême- An. 554. ment maltraitée; il en périt beaucoup au paffage d'un pont trop étroit pour recevoir la foule des fuyards, qui se renverfant & fe précipitant les uns fur les autres, tomboient dans le fleuve, ou retournoient fur leurs pas & trouvoient la mort. Il n'en feroit pas échappé un feul, fans le courage de Buzès. Il avoit pris les devans avec les cavaliers; mais averti du péril de l'infanterie par les cris qu'il entendoit, il revint à toute bride & fe rendit maître de la tête du pont. En venant affiéger Onogure, les Romains avoient laiffé leurs provifions & leurs bagages dans leur camp près d'Archéopolis: frappés d'épouvante, au lieu de s'y retirer, ils pafferent au-delà pour gagner les forêts & les montagnes. Les Perfes après avoir pillé ce camp, en détruifirent les retranchemens, & retournerent à Muchirise avec la gloire d'avoir, au nombre de trois mille hommes, mis en déroute une armée JUSTINIEN. An. 554. VII. Les Lazes députent à Juftinien. de cinquante mille Romains. L'hi- Les Lazes regarderent cet étrange évenement comme un effet de la colere de Dieu, qui commençoit à venger la mort de Gubaze. Tous étoient également indignés contre les généraux; mais les uns ne croyoient pas devoir imputer ce forfait à l'Empereur, ni fe détacher de l'Empire; les autres accufoient Juftinien même, & déteftant toute la nation Romaine, vouloient fe livrer aux Perfes. Les principaux s'affemblerent dans une vallée du Caucafe, pour y délibérer en liberté. Après de grands débats, la faction Romaine l'emporta, & le motif qui contribua le plus à retenir les Lazes dans l'alliance de l'Empire, fut la crainte que les Perfes ne les obligeaffent de renoncer au Chriftianifme. On fit choix des plus diftingués de la nation par leur probité & par leur naiffance, pour aller inftruire Juftinien de l'innocen An. 554. ce de Gubaze, & de la perfidie de Martin & de Ruftique. Ils devoient JUSTINIEN. demander la punition d'un fi noir attentat, & fupplier l'Empereur de leur donner pour roi Zathès frere puîné de Gubaze, afin que la couronne ne fortît pas d'une famille qu'ils refpectoient depuis long-temps; & qui leur étoit devenue encore plus chere par la bonté paternelle de leur dernier Roi. VIII. Succès do L'ambaffade eut le fuccès la que nation défiroit. Zathès qui vivoit à l'ambaffade. Conftantinople, reçut de l'Empereur l'inveftiture du royaume de Lazique; & Athanafe un des prin cipaux Sénateurs, d'une intégrité reconnue, eut ordre de fe tranfporter dans le pays, pour informer du crime, & le punir felon la rigueur des loix. Zathès partit auffi-tôt pour prendre poffeffion de fes Etats, & fon entrée en Lazique eut tout l'éclat d'un triomphe. Il étoit revêtu des habits royaux, qu'il avoit reçus des mains de l'Empereur : l'armée Romaine, dans le plus brillant appareil, précédée de fes généraux, le falua à fon arrivée, & marcha devant JUSTINIEN. lui jufqu'au lieu de fa réfidence. Les An. 554. Lazes mélant aux acclamations de joie les foupirs que leur arrachoit encore la mémoire de Gubaze, fuivoient en bon ordre fous leurs étendarts, au fon des trompettes. Athanafe accompagnoit le Roi; la vûe de ce juge févere & incorruptible, imprimoit déjà la terreur dans l'ame des coupables, & affuroit aux Lazes une jufte vengeance. Dès que cette pompeuse cérémonie fut achevée Athanafe donna ordre d'arrêter Ruftique, & de le garder dans le château d'Apfaronte. L'impofteur Jean avoit pris la fuite; il fut poursuivi par Maftrien, que l'Empereur avoit chargé de l'exécution des ordres d'Athanafe. On le conduifit auffi dans les prifons d'Apfaronte, pour y être détenu dans les fers, jufqu'à ce que le procès fút inftruit. Mais une occupation plus preffante obligea de furfeoir la poursuite de cette affaire. Nachoragan s'étant rendu à Muchirife au commencement du printemps avec une nombreuse armée, il fal |