Le Roi qui pénétroit fon deffein,
vouloit actuellement la guerre, ou
une paix de plus longue durée, à
condition que les Romains lui paye-
roient chaque année trente mille
piéces d'or. Sur le refus des députés,
Mébodès qui étoit venu traiter avec
eux fur la frontiere près de Dara
fit partir Tamchofroës général
des troupes de Perfe, qui alla faire
le ravage fur les terres de l'Empire.
Une fi prompte incurfion fit con-
fentir les députés Romains au paye-
ment annuel des trente mille piéces
d'or; ils obtinrent que la paix ne
feroit conclue que pour trois ans..
Chofroës de fon côté en excepta
l'Arménie, où il fe réferva la liberté
de porter
fes armes.

JUSTIN II
An. 575

des Albaniens

119. 158.

Cette exception mettoit les Romains en droit d'agir dans ces mê- Inconftance mes contrées. L'Ibérie & la Perfar-& des Sabirs ménie, que Chofroës vouloit reti- Menand.pag.. rer des mains de l'Empereur, al- 159. foient être le théâtre de la guerre. Pour s'affurer des pays voifins, Curs & Théodore qui commandoient dans ces provinces, firent des cour

fes dans l'Albanie, & forcerent les JUSTIN II. habitans de leur donner des ôtages. An. 575. Ils réduifirent les Sabirs à la même néceffité; & ces deux nations voyant leurs enfans au pouvoir des Romains, fe déterminerent à fe donner toutà-fait à l'Empire. Leurs députés furent bien reçus de Juftin, qui fe mêloit encore du gouvernement dans les intervalles que lui laiffoit fa maladie il leur promit un traitement favorable, ajoutant avec fa vanité ordinaire, qu'ils prenoient le bon parti en fe foumettant volontairement & qu'il fçauroit bien forcer par les armes, ceux qui refuferoient de lui obéir, Abir chef de ces peuples étoit alors abfent; dès qu'il fut revenu il changea la difpo→ fition des efprits; & fans égard aux ôtages, i engagea la plus grande partie des Sabirs & des Albaniens à rentrer fous l'obéiffance du roi de Perfe. Auffi-tôt Curs & Théodore retournerent en Albanie; ils ravagerent le pays; ; & pour s'affurer de ceux qui n'avoient pas encore aban donné le parti des Romains, ils les

An. 575.

firent paffer en-deçà du fleuve Cyrus avec toutes leurs familles, pour les JUSTIN H. établir fur les terres de l'Empire. Justin ne fut pas content de cette conduite modérée, il auroit voulu qu'on exterminât entiérement & les Albaniens & les Sabirs ; il menaçoit -de punir les généraux & l'armée entiére employée à cette expédition. Ces menaces du Prince, qui étoient un effet de fa démence, firent tant de peur aux foldats, qu'ils déferterent tous & abandonnerent leurs généraux; enforte que le demeura fans troupes & fans défense.

pays

An. 576.

XI.

Chofroës

Arménie.

Chofroës profita de ce défordre; & quoique la coutume des rois de Perfe fût de ne fe mettre en campagne que bien avant dans l'été, il marche en paffa le Tigre dans les premiers jours du printemps à la tête d'une nombreuse armée, & marcha vers l'Arménie. Tibere n'ayant point encore de troupes à lui oppofer, effaya de l'arrêter par une négociation. Il lui fit fçavoir par Théodore, qu'il étoit prêt d'envoyer des plénipotentiaires

pour terminer le différend furvenu JUSTIN II. au fujet de la Perfarménie. Chofroës An. $76. voulant tenir les Romains en fufpens, laiffa Théodore à Dara pour y attendre fa réponse, & continua fa route. Cependant Tibere levoit des troupes; il nomma pour commander l'armée, Juftinien fils de Germain, & frere de Juftin affaffiné dans Alexandrie. C'étoit un guerrier habile & renommé pour fa valeur. Mais la lenteur des préparatifs, jointe au défaut d'argent pour payer les troupes, donna le donna le temps à Chofroës de faire des conquêtes. Il entra fans réfiftance en Perfarménie; on eût dit que les habitans n'avoient pas ceffé de lui obéir; loin de s'enfuir & d'abandonner leurs campagnes, ils venoient en foule apporter des vivres à fon armée. Il remit à un autre temps la punition de leur révolte. Mais lorsqu'il eut pénétré dans l'Arménie Romaine, il ne trouva plus qu'un vafte défert: tous les habitans avoient pris la fuite avec leurs troupeaux. Théodore impatient de Fattendre à Dara, vint le trouver

en ce pays. Chofroës l'amufa par de belles paroles & par un air de JUSTIN II. An. 576. bienveillance, qu'il ne fçavoit jamais mieux prendre, que lorfqu'il en manquoit dans le cœur. Il lui protefta qu'il aimoit tendrement Tibere, & qu'il ne defiroit rien tant, que de fe lier avec lui de l'amitié la plus étroite: qu'il mettoit grande différence entre ce Prince & Juftin: que c'étoit Juftin qui avoit violé le traité de paix, & commencé une guerre injufte. Suivezmoi, lui dit-il; & fi vous voyez vos provinces inondées de fang, fongez que c'eft la perfidie de Juftin, que me force à le répandre. Il prit en même temps la route de Théodofiopolis; & étant arrivé à la vûe de cette place, il rangea lui-même fon armée en bataille, courant à cheval entre les rangs, pour faire voir à Théodore, que malgré fon grand âge, il étoit encore vigoureux & infatigable. Un corps de troupes Romaines qui s'étoit raffemblé au bruit de fa marche, pofté fur le penchant d'une montagne peu élognée, fembloit ne fe montrer que pour cons