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templer l'armée des Perfes. Théo

JUSTIN II. dofiopolis étoit la clef de l'Armé→ An. 576. nie; fa fituation avantageufe & fes fortifications la mettoient en état de tenir en bride tout le pays. Chofroës comptoit bien s'en rendre maître en peu de temps, & en faire fa place d'armes pour achever la ré duction de l'Arménie & de l'Ibérie. Dans la joie que lui infpiroit cette flatteufe idée, il fit venir Théodore, & lui montrant Théodofiopolis, laquelle des deux, lui dit-il, juges-tu plus difficile à prendre, de cette for tereffe ou de Dara? Il vouloit lui fairs entendre, que s'il avoit pris Dara, place beaucoup plus forte,il viendroit aifément à bout de forcer Théodofiopolis. Prince, lui répondit le député, la plus imprénable fera celle, dont Dieu aura voulu prendre la défene. La fageffe de cette réponse fut confirmée par l'évenement. Après plufieurs attaques inutiles, le Roi fut obligé de renoncer à fon entre-. prife. La ville pouvoit faire une longue réfiftance; & l'armée commandée par Juftinien étoit en mar

Théodore

che. Chofroës renvoya Théodore à Conftantinople avec une lettre adreffée à Tibere; il lui mandoit qu'il ne défiroit que la paix générale, & que fi Théodore étoit arrivé avant qu'il fe mit en campagne, il ne feroit pas forti de fes Etats; mais qu'ayant fait marcher fon armée, il ne pouvoit reculer fans honte ? que dès qu'il feroit retourné en Perfe, il enverroit des plénipotentiaires fur la frontiere pour conférer avec ceux que Tibere auroit choifis. Comme Théodore le fupplioit de s'abftenir de toute hoftilité en attendant la réponfe de Tibere, il promit de fe tenir en repos pendant quarante jours, & leva le fiége de Théodofiopolis.

JUSTIN II.
An, 576

XII:

vita fancti

Il lui eût été difficile de tenir pa- Bataille de role. Juftinien à la tête d'une ar- Mélitine. mée nombreuse, étoit près d'entrer Euftathius in en Cappadoce. A cette nouvelle, Eutychii. Chofroës réfolut d'aller au-devant Evag. l. s. de lui, efpérant le rencontrer avant Abb Biclar qu'il fût arrivé à Céfarée, vers la-Niceph. Call quelle il dirigea fa marche après Simocat. l. 3. avoir paffé l'Euphrate. Comme il ap-. 12. 13. 14

14. 15.

1. 18. c. 24

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Theoph. pag.

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Hift. Mijc. L

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prochoit de Sébafte dans le Pont; tous les habitans des villes & des campagnes voifines fe réfugierent dans Amafée, comme dans la plus Cedr. p. 395 forte place du pays. Eutychius patriarche de Conftantinople, alors exilé dans cette ville, donna en cette occafion des marques d'une charité inépuifable. Une extrême famine défoloit toute la province; il fe dépouilla généreufement de tous fes biens pour nourrir cette multitude de fugitifs, tant que les Perfes demeurerent en-deçà de l'Euphrate. Juftinien faifoit plus de diligence, que n'avoit penfé Chofroës; il avoit déjà paffé Céfarée ; & le roi de Perfe defcendit dans les plaines de la petite Arménie vers Mélitine, pour lui livrer bataille. Il rangea fon armée fur beaucoup de hauteurs, pour lui donner plus de force dans le choc. Les Romains au contraire, préfentoient un front très-étendu ; ce qui, vû leur grand nombre, n'empêchoit pas que leurs rangs ne fuffent ferrés & leurs files profondes. Les deux nations fe redoutoient mutuelle

:

ment la présence de Chofroës,fameux par tant d'exploits, intimi- JUSTIN II. doit les Romains; & pour ranimer

leur courage,
Juftinien eut befoin
de cette éloquence guerriere, dont
les anciens généraux fçavoient faire
ufage avec tant de fuccès. Les Perfes
de leur côté ne pouvoient voir fans
terreur, cette épaiffe forêt de lan-
ces & de cafques, dont les vaftes
plaines de l'Arménie paroiffoient hé-
riffées auffi loin que leur vûe pou-
voit s'étendre. C'étoit le plus grand
effort que l'Empire eut fait depuis
plufieurs fiécles. Tibere avoit épuifé
de foldats tous les pays de fon obéif-
fance; il avoit attiré fous fes dra-
peaux des bords du Rhin, du Da-
nube, du Pont-Euxin, & du nord
de la mer Cafpienne, un nombre in-
fini de ces avanturiers barbares, qui
n'avoient de reffource que dans le
pillage & la guerre. Cent cinquante
mille hommes, tant cavalerie qu'in-
fanterie, s'avançoient en bon ordre ;
& le fon de tant de clairons & de
trompettes, les cris divers de tant
de nations, mêlés au hennissement

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JUSTIN II.

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des chevaux, jettoient l'effroi dans tous les cœurs. Chofroës lui-même An. 576. fentit la peur pour la premiere fois, & différant de faire fonner la charge, il amufoit les Romains par des dé fis & des combats finguliers. Dans cet état d'incertitude, où fembloient flotter les deux armées, Curs Scythe de nation, renommé pour fa valeur, à qui Juftinien avoit confié le commandement de l'aîle droite, s'élance à la tête de fes efcadrons; il renverse tout ce qu'il rencontre ; & ayant détruit l'aile gauche des Perfes, il pénétre jufqu'à la queue de leur armée; il s'empare de la tente du Roi & de tous les équipages, à la vûe même de Chofroës, que le refte de l'armée Romaine tenoit tellement en échec, qu'il n'ofoit détacher aucune partie de la fienne. Enfin Curs fuivi de fes troupes victorieuses, chaffant devant lui les bêtes de fomme chargées d'argent & de dépouilles, avec le char & l'autel où brûloit le feu facré, objet de l'adoration des Perfes, vint fur le foir rejoindre fon général, remportant

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