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remportant tout l'honneur de cette journée. La nuit étant venue, comme les deux armées fe féparoient, Chofroës à la lueur d'un grand nombre de torches & de flambeaux, tomba fur un corps avancé de troupes Romaines, le tailla en piéces & gagna Mélitine qu'il trouva abandonnée. Il y mit le feu & fe difpofoit à repaffer l'Euphrate, lorfqu'il fut averti que les Romains marchoient & qu'ils étoient prêts de l'atteindre. Auffitôt faifi d'épouvante, il monte fur un éléphant, paffe le fleuve & laiffe derriere lui toute fon armée, dont la plus grande partie fut engloutie dans les eaux. Ce Prince fier, couvert de honte, fe retira au fond de fes Etats; & voulant épargner à fes fucceffeurs l'affront qu'il venoit d'effuyer lui-même, il fit une loi aussi honteufe que fa défaite, dont elle éternifoit la mémoire : elle défendoit aux rois de Perfe de jamais marcher en perfonne à la tête de leurs armées, quand il s'agiroit de combattre les Romains.

JUSTIN II.
An. 576.

XIII.

Conftantinople attendoit avec in- Ravage de le Tome XI.

M

Perfe

An. $76.

quiétude des nouvelles de la bataille, JUSTIN II. lorfqu'on y vit arriver les témoins les plus affurés de la victoire. C'étoient vingt-quatre éléphans chargés du tréfor de Chofroës & des dépouilles les plus précieuses enlevées aux Perfes. Ce fut pour toute la ville un magnifique fpectacle, & un beau fujet de triomphe pour l'Empereur, à qui Juftinien envoyoit ces glorieux préfens. Ce général profitant de la terreur que la défaite avoit répandue, passa l'Euphrate & le Tigre, & pénétra dans l'intérieur de la Perfe fans trouver de résistance. Tout fuyoit devant lui; & la confternation avoit tellement glacé tous les cœurs, que les Romains portant de toutes parts le fer & le feu, s'avancerent jufqu'aux bords de la mer d'Hyrcanie. Ils s'emparerent des vaiffeaux qu'ils y trouverent coururent toute la côte méridionale, pillerent & brulerent les villes maritimes, & pafferent l'hiver entier dans le cœur de ce royaume opulent, dont les armées Romaines n'avoient jamais impunément infulté la

frontiere. Ils ne revinrent fur les terres de l'Empire, qu'au folftice d'été JUSTIN II. de l'année fuivante, & ramenerent An. 576. avec eux une fi grande multitude de prifonniers, qu'un Perfe n'étoit vendu qu'une pièce d'or de la valeur de treize à quatorze francs de notre monnoie. Tant de difgraces détacherent de Chofroës la plus puiffante tribu des Sarrafins. Le prince de Hira, nommé Monder ou Alamondare, comme fes prédéceffeurs, vint offrir fes fervices à Tibere, qui le renvoya chargé de préfens.

An. 577.

XIV.

Menand. pag.

Les Perfes eux-mêmes n'étoient pas mieux difpofés à l'égard de leur Roi. Chofroës n'étoit plus à leurs Conférences yeux qu'un vieillard imbécille, in- pour la paix. capable de les défendre; tout re- 119. & feqq. tentiffoit de murmures; on ofoit Theoph. By même l'infulter ouvertement; & ce Simoc, L. 3. pag. 183. puiffant Monarque, refpeété de tout 15 Orient, redouté de l'Empire de- Tarxospuis tant d'années, étoit devenu p dans fes derniers jours l'objet du mépris de fes propres fujets. Ce fut dans la crainte de quelque foulevement, qu'il le détermina enfin à fe

Suid. voce

Τανχού

mettre en fûreté du côté des RoJUSTIN II. mains par une paix générale. Il en An. 577 fit faire l'ouverture à Tibere, qui pour ne pas marquer trop d'empreffement, répondit avec gaieté: Qu'il fe feroit honneur de fuivre l'exemple du roi de Perfe, plus fage fans doute, comme plus agé que lui; & qu'il étoit également difpofe à accepter la paix ou la guerre. Les deux Princes envoye rent donc des plénipotentiaires, fur la frontiere des deux Etats. Entre les prifonniers Romains détenus en Perfe, étoit un fécrétaire de l'Empereur, nommé Aftérius: on intercepta une de fes lettres, par laquelle il exhortoit Tibere à ne point faire de paix, & à tirer avantage de la foibleffe où fe trouvoit Chofroës pour entamer fes Etats; il fut mis à mort. Les conférences commencerent par l'examen de cette queftion, lequel des deux Princes avoit rompu le traité de paix en prenant les armes le premier. Après bien des conteftations inutiles & interminables fur cet article, on convint de part & d'autre qu'on ne parleroit

AR. 577.

plus du paffé, & qu'on fongeroit feulement à prendre des mefures JUSTIN II. pour établir à l'avenir une paix foÎide. Les députés mirent en œuvre tout le jeu de la politique des négociations; propofitions captieuses, diffimulation, équivoques pour fe furprendre les uns les autres. Enfin ils convinrent que les Romains rendroient aux Perfes l'lberie & la Perfarménie, & que Chofroës remettroit aux Romains la ville de Dara.

Il ne s'agiffoit plus que de décider laquelle des deux nations commenceroit la premiere à faire la reftitution réciproque, & l'on difputoit vivement fur ce point, lorfqu'une bataille donnée en Arménie, changea la face des affaires. Tamchofroës le plus grand guerrier de la Perfe, étoit venu à bout de lever une nouvelle armée. Au lieu de traîner à sa suite une multitude d'éléphans, de chariots, de payfans mal armés & tout l'attirail embarraffant du fafte & de la magnificence Perfanne, il avoit choifi les foldats les plus vaillans & les plus expéri

XV. Elles font. rompues.

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