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roient négocier à loifir par l'entreJUSTINIEN. mife de leurs députés : Si vous ne prenez volontairement ce parti, ajouta-t-il, je fçaurai bien vous y contraindre ; je fuis maître de la victoire, comme de cet anneau que je porte au doigt. Martin pour lui rendre le change, répondit ; qu'il ne défiroit pas moins la paix, & qu'il en connoiffoit tout le prix; mais que pour en traiter avec plus de fuccès il étoit plus à propos que les Perfes retournaffent en Iberie, tandis que les Romains s'avanceroient à Muchirife. Quant à la victoire, dit-il, j'ignorois que vous l'euffiez entre les mains ; je croyois qu'elle dépendoit de Dieu, qui en difpofe à fa volonté, & non pas au gré de ceux qui fe laiffent aveugler par une vaire préfomption. Après cette conférence inutile, ils fe féparerent. Le général Perfe n'espérant pas XII. forcer les Romains dans l'ifle où ils Les Perfes s'étoient retranchés, réfolut d'attamains mar- quer la ville de Phafe. Cette place chent à la vil étoit fituée dans une plaine au midi de l'embouchure du fleuve, dont elle portoit le nom, à fix ou fept lieues de l'ifle où les Romains étoient

& les Ro

le de Phafe.

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campés. Comme fes murs n'étoient que de bois, Nachoragan fe flattoit JUSTINIEN de l'emporter en peu de temps. Il fit donc paffer le fleuve à fes troupes pendant la nuit fur un pont de bateaux, que l'on portoit dans des charriots à la fuite de fon armée ; & dès le point du jour il se mit en marche. Les Romains ne s'apperçurent de fon dé part, que trois heures après; ils remplirent auffi-tôt de foldats toutes les barques qu'ils avoient fur le fleuve, & fuivirent le fil de l'eau, en ramant de toutes leurs forces pour prévenir l'ennemi. Mais Nachoragan qui prévoyoit leur defcente, s'étoit arrêté à moitié chemin, & avoit barré la largeur du fleuve par des piéces de bois & des bateaux liés ensemble, derriere lefquels étoit rangée une troupe d'éléphans, depuis le bord jufqu'à l'endroit où l'eau étoit plus haute que ces animaux. A la vûe de cet obftacle, les Romains retournerent en arriere, remontant le fleuve avec peine à force de rames. Deux de leurs barques furent prifes par les Perfes

JUSTINIEN

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XIII. Préparatifs

fense.

mais les foldats dont elles étoient remplies, s étant jettés à la nage, eurent le bonheur d'échapper. Buzès refta dans l'ifle avec fes troupes, pour garder les retranchemens, & pour être à portée d'envoyer du fecours. Le refte de l'armée paffe le fleuve, & fe détournant pour ne pas rencontrer les Perfes, elle arrive à Phase où elle fut diftribuée pour la défense des murailles.

Elles étoient de bois, comme je l'ai déjà dit, & ruinées en plufieurs endroits, mais on les avoit environnées d'une forte paliffade & d'un pour la de- large foffé, où l'on avoit détourné les eaux d'un lac voifin: & pour rendre ce foffé impraticable aux nacelles, on y avoit enfoncé des pieux pointus qui s'élevoient à fleur d'eau. De gros vaiffeaux de charge, qu'on avoit fait remonter jufqu'au deffous & même au-deffus de la ville, portoient de larges mannequins d'ofier fufpendus au haut des mats, & plus élevés que les tours de la place. Ils étoient remplis de foldats & des ma

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telots les plus hardis, armés d'arcs & de frondes; on y avoit même dif. JUSTINIEN. pofé des machines propres à lancer des javelots; & pour mettre ces bâtiments à couvert d'infulte, dix galeres à deux pouppes & chargées de foldats, defcendoient, remontoient & couroient fans ceffe d'un bord à l'autre. On vit alors une des plus fingulieres avantures, qui puiffe arriver dans une guerre. Les Perfes avoient garni de foldats les deux barques, qu'ils avoient enlevées aux Romains. Elle étoient amarrées au rivage, fort au-dessus de la ville, lorfqu'un vent furieux s'étant élevé pendant la nuit,, tandis que tout l'équipage dormoit rompit les cables d'une de ces barques, & l'emporta à la dérive entre les galeres qui faifoient le guet fur le fleuve. Elles s'en faifirent, & les Romains, que la fortune fembloit vouloir dédommager avec ufure virent avec joie revenir pleine de prifonniers, une barque qu'ils avoient perdue vuide de foldats.

Dès que le jour parut, les Perfes

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XIV. Attaque de la ville.

fortirent de leur camp, & commencerent l'attaque par de continuelles An. 554 décharges de fleches. Les troupes qui défendoient la ville, étoient un mélange de toutes les fortes de nations qui fervoient alors dans les armées Romaines; il y avoit des Maures, des Zannes, des Ifaures, des Sabirs, des Lombards, des Erules. qui formoient autant de corps féparés, chacun fous un chef de fa nation. Quoique Martin leur eût ordonné de fe tenir dans leurs poftes, Angilas & Philomathe, qui commandoient, l'un les Maures, l'autre les Ifaures, emportés par une bouillante valeur, fortirent à la tête de deux cents hommes & coururent à l'ennemi. Les Zannes animés par leur exemple, les fuivirent malgré la réfiftance de Théodore, leur chef, qui ne pouvant fe faire obéir, prit le parti de fe mettre à leur tête, de peur d'être foupçonné de poltronerie. Les Dolomites qui avoient leur pofte en cet endroit, méprisant ce petit nombre de téméraires, les laifferent

Peur

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