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MAURICE.

Philippique imita en cette rencontre; & ces nouveaux bataillons préAn. 586.fentant un front hériffé de piques, & perçant les chevaux des Perfes, les mirent enfin en déroute. Les Auteurs de ce temps-là avides de ce merveilleux, que la fuperftition débite, & que la ftupidité adopte, rapportent qu'on entendit par toute l'armée une voix éclatante qui crioit, Mettez pied à terre, & percez les chevaux. Ils ajoutent qu'après la bataille, un officier nommé Etienne, qui avoit apparemment la voix du Stentor d'Homere, foupçonné d'avoir donné cet ordre, s'en défendit avec ferment, ce qui fit croire que l'ordre venoit du Ciel. Il ne reftoit plus de réfiftance qu'à l'aîle droite ; elle fut enfin renverfée, & la moitié de l'armée des Perfes périt dans cette bataille. Ceux qui échapperent au carnage, furent pourfuivis jufque près de Dara, l'efpace de quatre

XXVI. Suites de la bataille.

lieues.

Les débris de l'armée vaincue s'étant ralliés fur une colline avec le général, Etienne vint les y affiéger,

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les exhortant à fe rendre. C'étoit l'élite des troupes de la Perfe; & la MAURICE. honte de leur défaite, loin d'abbattre leur courage, y joignoit la rage & le défespoir. Sans provifions, fans aucune forte de fubfiftance, réfolus de mourir, plutôt que de fouffrir un nouvel affront, ils fupporterent la faim pendant trois jours. Etienne s'ennuya le premier; il ignoroit en quel état étoient les ennemis, & qu'il tenoit enfermé le général même. Soit crainte, foit mépris, il reprit le chemin du camp. Les Perfes le voyant partir, trouverent encore en euxmêmes affez de hardieffe & de force pour venir le charger par derriere. Ils furent mal reçus; on en tua un grand nombre, & l'on fit mille prifonniers. Avant la bataille de Solacon, le général Perfe avoit fait couper en piéces les outres qui contenoient l'eau de l'armée, afin de mettre fes foldats dans la néceffité de vaincre, s'ils ne vouloient pas mourir de foif, les Romains étant maîtres du fleuve Arzamon. Cette imprudence en fit encore périr une partie :

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Conduite de

car ayant rencontré quelques fources, trempés de fueur & tourmentés d'une foif ardente, ils en burent avec tant d'excès, que plufieurs y perdirent la vie. Après toutes ces pertes, le général fe préfenta devant Dara. Mais la garnison l'accablant d'injures du haut des murs, refufa de lui ouvrir les portes, alléguant pour raifon, que les loix de la Perfe défendoient de recevoir dans aucune place les lâches & les fugitifs. Couvert de honte, il fut obligé d'aller chercher un autre afyle.

XXVII. Le lendemain du combat, PhiPhilippique lippique fit la revue de fes troupes, après la vic- & s'inftruifit en détail des actions de

toire.

valeur qui lui avoient procuré l'honneur de cette glorieuse journée. Il confola les bleffés par des libéralités proportionnées à la douleur & au danger de leurs bleffures; il les fit porter dans les villes & dans les châteaux voifins, pour y être traités avec foin. Entre ceux qui s'étoient fignalés, les uns furent avancés à des grades fupérieurs; les autres reçurent des récompenfes militaires ; c'é

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toient de beaux chevaux de Perfe, des cafques & des carquois d'argent, des MAURICE. boucliers, des cuiraffes, des lances. Le jour même qu'Etienne rejoignit l'armée, l'allarme s'y répandit fur le foir; on difoit que les Perfes ayant reçu de nouveaux renforts, venoient attaquer le camp. Héraclius partit auffi-tôt avec quelques cavaliers pour aller à la découverte. Ils arriverent fur la colline d'où les Perfes s'étoient retirés quelques heures auparavant. Comme c'étoit un côteau fort élevé, d'où l'on pouvoit découvrir une grande étendue de pays, ils y attendirent le jour, & n'ayant point apperçu d'ennemis, ils revinrent au camp. Dans leur retour ils rencontrerent un Romain couché par terre, & percé de quatre traits, dont le plus dangereux entroit bien avant dans fes flancs. C'étoit un foldat d'Etienne, qui avoit reçu ces blessures la veille dans l'attaque des Perfes. Il respiroit encore. On le mit fur un cheval & on le porta au camp. On lui tira les autres traits; mais on n'ofoit arracher celui qui lui perçoit

XXVIII.

les flancs; on étoit affuré qu'en me MAURICE. me temps on lui arracheroit la vie. An. 586. Ce brave foldat, animé du même efprit que le célebre Epaminondas, parla & mourut comme lui. Voyant la crainte & l'embarras des chirurgiens, il demanda fi les Romains étoient revenus vainqueurs; & comme on l'en eut affuré: Eh! bien; dit-il, agiffez donc, & n'épargnez pas ma vie; je la quitterai avec joie puifque je laiffe la victoire à mes compatriotes. Il expira un moment après dans cette opération douloureufe. Ses exploits Philippique n'ayant plus d'ennedans l'Arza- mis en tête, fit le dégât dans l'Arzanène. Cette contrée ne paroiffoit plus qu'un vafte défert, les habitans s'étant tous cachés dans des foffes fouterreines & profondes, où ils avoient coutume de ferrer leurs grains. Quelques prifonniers découvrirent le fecret de leurs retraites; & ce fut une forte d'expédition finguliere. Les foldats Romains difperfés dans les campagnes, prêtoient l'oreille au bruit qu'ils entendoient fous leurs pieds, & fouillant les entrailles

ène.

de la

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