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de la terre, comme pour y chercher

des mines, ils en tiroient les pâles habitans qu'ils chargeoient de chaî nes. Après avoir dépeuplé le pays, Philippique alla camper près de Chlomare, cette même place forte, devant laquelle tous les efforts de Maurice avoient échoué fept ans auparavant. Deux Arabes qui commandoient dans l'Arzanène pour le roi de Perfe, vinrent fe rendre à lui, & pour fe concilier fa bienveillance, ils s'offrirent à lui indiquer une fituation commode pour y bâtir une fortereffe, qui tiendroit en bride tout le pays. C'étoit ce qu'il cherchoit depuis long-temps; il envoya avec eux Héraclius accompagné de vingt foldats pour vifiter le terrein.

TIBERE. An. 586.

XXIX.

Nouvelle en

Cependant le général Perfe avoit raffemblé un grand nombre de pay-treprise des fans, de bêtes de fomme & de cha- Perfes. meaux, dont il avoit formé une forte d'armée, espérant du moins imposer aux Romains par cette apparence. Héraclius avec fes gens, qui n'avoient pris d'autres armes que leurs épées, l'ayant apperçu de loin, fe Tome XI.

R

An. 586.

retira fur une hauteur; s'y voyant MAURICE. pourfuivi, il en gagna une autre ; & fuyant ainfi de colline en colline il échappa aux ennemis, & dépêcha pendant la nuit un courier à Philippique, , pour l'avertir qu'il feroit fans doute attaqué le lendemain. Philippique raffemble fes troupes, & voulant aller au-devant de l'ennemi, il defcend de la montagne, fur laquelle il étoit campé devant le fort de Chlomare. Zabertas commandant du fort l'ayant fuivi fans bruit, paffe à la faveur des ténebres à côté de l'armée Romaine, & va joindre le général Perfe. Parfaitement inftruit de la fituation des lieux, il le conduit au bord d'une ravine très-large & très-profonde, qu'une armée ne pouvoit franchir à la vûe d'une autre armée, fans fe perdre infailliblement. Cette pofition étoit favorable aux Perfes, qui n'ayant que de mauvaises troupes, fans courage, fans expérience, & prefque fans armes, ne pouvoient efpérer de tenir contre les Romains en rafe campagne. Philippique pofté vis-à-vis d'eux

hors de la portée du trait, n'étoit pas plus en état de les atteindre, que s'il en eût été féparé par un grand espace. On paffa ainfi plufieurs jours en préfence, les Romains effayant fans ceffe inutilement de franchir la ravine, & les ennemis fe confiant dans la fureté de leur pofte. Enfin ceux-ci, guidés par Zabertas, ayant fait pendant une nuit un grand circuit, tournent la ravine, & fe trouvent le matin fur le penchant de la montagne entre le camp de Philippique & le fort de Chlomare.

MAURICE.

An. 586.

XXX.

Terreur Pa

Le général Romain voyant devant lui une ravine impraticable, nique de phi & derriere lui les Perfes dont il igno-lippique, roit la foibleffe, poftés au-deffus de fa tête, & protégés par le fort paffa le jour dans des agitations & des allarmes continuelles. La nuit fuivante, à peine fes foldats étoientils endormis, que frappé d'une terreur panique, dont un guerrier expérimenté ne fembloit pas être fufceptible, il fe dérobe à fes gardes, & fans donner auçun ordre, il s'enfuit feul à toute bride jufqu'au châ

teau d'Aphumes, où les Romains MAURICE. avoient garnison. Bien-tôt le bruit An. 586. fe répand dans le camp, que le gé

néral a disparu. On s'éveille en tumulte, on crie; tous s'interrogent fans fe répondre la nuit étoit obfcure; au milieu de ces épaiffes ténebres on croit voir briller le fer ennemi; c'est un affreux défordre : demi-vêtus, demi-armés, ils courent en foule au bord de la ravine; là fe preffant, fe pouffant les uns les autres, hommes & chevaux se précipitent pêle-mêle. Un grand nombre fut eftropié de la chute; plufieurs y furent écrafés; le reste après des rechûtes réitérées, ne gagna le haut qu'avec des peines infinies. Tous les chevaux y périrent, & il n'auroit fallu qu'un escadron de Perses, ou même une troupe de valets, qui fe fuffent montrés fur le bord, pour détruire entiérement toute cette armée. Mais les Perfes entendant de leur camp ce bruit confus, furent eux-mêmes faifis d'effroi; ils s'imaginerent qu'ils alloient être attaqués, & fe tinrent fur leurs gardes pour

MAURICE.
An. 586.

recevoir l'ennemi. Ce ne fut qu'au point du jour, qu'ayant reconnu que les Romains fuyoient; ils fe mirent en mouvement pour les poursuivre ; encore ne les fuivoient-ils que de loin & avec précaution, craignant que ce ne fût un ftratagême. Ils en tuerent cependant un affez grand nombre à coups de fleches. Les Romains arrivés au château d'Aphumes, ayant perdu tout respect pour leur général, l'accablent de reproches & d'injures : ils en vouloient fur-tout à Théodore, qui chargé de faire la garde autour du camp pendant la nuit, avoit négligé par une pareffe criminelle une faction fi importante. Peu s'en fallut qu'il ne fût mis en piéces; mais le général, encore plus coupable, n'ofa même le punir. Les Perfes pillerent les bagages, & trouverent dans le camp de quoi raffafier la faim qui les preffoit depuis plufieurs jours. Philippique accablé de honte, paffa avec grand péril le fleuve Nymphius, & marcha vers Amide, toujours harcelé par les Perfes qui lui tuerent une

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