Imágenes de páginas
PDF
EPUB

fonne, & il fe tint à rien faire dans Marcianople. Ses deux Lieutenans MAURICE. An. 587. étant venus l'y trouver, il regagna fon camp, & alla se poster au défilé du mont Hémus. C'est un des plus dé licieux payfages qui foient au monde.

tus.

XXXV.

Le Khan des Abares avoit raffemblé fes troupes, & le préparoit à Défaite & paffer le Panyfus pour entrer dans la prife de Caf Thrace. Comentiole envoya Martin vers le pont qui donnoit paffage fur ce fleuve, pour obferver les mouvemens des ennemis. Caftus avoit ordre de les fuivre par derriere. Martin s'acquitta de fa commiffion, & lorfqu'il vit les Abares approcher du fleuve, il alla en diligence rejoindre Comentiole. Caftus emporté par une ardeur inconfidérée, prévint les Abares, paffa le pont, les attendit de l'autre côté, & dès que leur avantgarde fut paffée, il tomba deffus, & en fit un grand carnage. Surpris de la nuit, il demeura au-delà du fleuve. Le lendemain matin, comme il vouloit regagner l'autre bord, il trouva les ennemis maîtres du pont. Le fleuve profond & impétueux, n'étoit

[ocr errors]

MAURICE.
An. 587.

XXXVI.

fuite des deux

armées.

guéable en nul endroit Caftus fe voyant féparé de l'armée, fans aucun moyen de la rejoindre, prend la fuite; fa troupe fe difperfe dans les forets. Les Abares pourfuivent les fuyards, & les forcent par les tourmens les plus cruels à leur découvrir la retraite de leur commandant. Il eft pris & chargé de chaînes; prefque tous fes foldats font faits prifonniers.

L'allarme fe répand dans la ThraTerreur & ce. Cinq cents foldats qui gardoient un défilé, ofent réfifter avec courage, & tous font tués en combattant. Anfimuth commandant général de l'infanterie de Thrace, raffemble fes troupes, & les conduit vers la longue muraille, pour défendre ce boulevard de la ville Impériale. Comme il marchoit lui-même le dernier, il eft pris par les coureurs ennemis. Comentiole fe tenoit caché dans les forêts du mont Hémus. Le Khan étoit campé à deux lieues de la montagne, d'où il envoyoit fes détachemens de toutes parts pour défoler le pays. Enfin,

An. 5876

Comentiole honteux de montrer tant de timidité, encourage fes foldats; MAI RICE. il les fait partir pendant la nuit, & mefure leur marche pour furprendre l'ennemi au point du jour. Ils n'étoient plus féparés du camp des Abares que par un chemin étroit qu'ils paffoient à la file, lorfqu'un accident, qui n'auroit été de nulle conféquence en toute autre rencontre, vint leur ravir le fuccès qu'ils espéroient. Comme les bagages marchoient au milieu de la file, un mulet abbattu fous fa charge, embarrassa le chemin, & ferma le paffage à ceux qui fuivoient. Le conducteur des bagages avançoit à la téte; on lui crie de revenir fur fes pas pour relever la bête : le mot retorna, rétorna, que les Auteurs contemporains mettent dans la bouche des foldats en cette occafion, fait connoître que la langue Illyrienne étoit alors mêlée de Celtique; car cette petite armée étoit toute compofée de Thraces & d'Illyriens. Ce mot répété par l'arriere-garde eft pris par ceux qui formoient la tête de la colonne, pour

un ordre de retourner en arriere. Se

MAURICE. croyant eux-mêmes furpris par les An. 587. ennemis, ils font volte-face, fe preffent, fe renverfent les uns fur les autres; c'eft à qui fortira plûtot du défilé; & dès qu'ils en font fortis, ils fe débandent & prennent la fuite. Ce tumulte fe fait entendre dans le camp des Abares, où une méprise pareille cause une pareille épouvante. Ils s'imaginent que les Romains vont tomber fur eux, & pliant auffi-tôt bagage, ils fuient vers le mont Hémus par des chemins écartés. C'étoit un évenement auffi étonnant que bifarre, de voir deux armées fe fuir mutuellement fans être poursuivies. Cependant quelques corps fe rallierent du côté des Romains, & donnerent la chaffe à plufieurs troupes d'Abares, qu'ils taillerent en pié

XXXVII.

Brennent A piaria.

ces.

Le Khan s'étant rapproché du Les Abares Danube, voulut réparer la honte de fa fuite, & vint mettre le fiége devant Apiaria, place forte fituée au bord de ce fleuve. Dans cette ville, habitoit un ancien officier, nommé

Bufas, qui après s'être fignalé au fervice de l'Empire, couvert d'hono- MAURICE. An. 587. rables bleffures, s'étoit retiré dans Apiaria fa patrie. Accoutumé aux hazards, il fortit de la ville affiégée pour aller à la chaffe. Il fut pris, & comme on étoit fur le point de le tuer, il promit aux Abares une riche rançon, s'ils lui laiffoient la vie. On le conduifit au pied des murs, & l'on fit dire aux habitans par un hérault, que s'ils ne lui rachetoient la vie par une fomme confidérable, on alloit l'égorger en leur préfence. Bufas leur tendant les bras, les supplioit de ne pas laiffer périr un guerrier qui avoit fait tant d'honneur à fon pays; il citoit les batailles où il s'étoit diftingué; il montroit les cicatrices dont il étoit couvert ; il les prioit de prendre fes biens pour payer fa rançon, & s'ils ne fuffifoient pas, il leur repréfentoit qu'ils ne pouvoient, fans une cruelle ingratitude, refufer d'ajouter ce qui manqueroit pour fatisfaire l'ennemi. Le peuple s'attendriffoit; mais un jeune officier, qui entretenoit un commerce de ga

« AnteriorContinuar »