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An. 554.

fignal, felon les ordres de Nacho- ragan. Mais au lieu du butin qu'ils JUSTINIEN. venoient chercher, ils ne trouverent que la mort. On les maffacroit à mefure qu'ils arrivoient; ils étoient environ deux mille, dont pas un feul n'échappa. Les vainqueurs après avoir enfeveli leurs morts, dépouillerent ceux des ennemis. Outre des armes de toute efpece, ils recueillirent un riche butin: car les officiers Perfes, pour fe diftinguer des foldats, fe paroient de colliers d'or, de bracelets, de pendans d'oreilles de grand prix, & d'autres ornemens plus convenables à des femmes qu'à des hommes, & qui ne font honneur qu'à l'ennemi qui les enleve. Enfuite les généraux Romains ayant laiffé garnifon dans la ville, retournerent join dre Buzès dans l'ifle du Phase. L'hiver approchoit, & Nachoragan commençant à manquer de vivres, fongeoit à fe retirer. Mais pour masquer fon deffein, il envoya les Dolomites fe ranger en bataille à la vie du camp des Romains. Pour lui il décampa fans bruit, & prit le chemin de Mu

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chirife. Lorfqu'il fut affez avancé pour ne plus craindre d'être atteint An. 554 dans fa retraite, les Dolomites fe

XIX.

faffins de Gu

baze.

débanderent; & comme ils étoient légérement armés, & qu'ils couroient avec une extrême vîteffe, ils eurent bien-tôt rejoint le général. Les troupes de détachement qui attendoient la nouvelle armée Romaine au bord du Neocnus, apprenant la défaite, gagnerent auffi Muchirife par des chemins détournés. Tous les Perfes fe trouvant enfin réunis dans ce pofte, Nachoragan y laiffa la meilleure partie de fa cavalerie, fous les ordres d'un officier de réputation nommé Vafrife, & fe retira avec le refte en Ibérie.

Après la retraite des Perfes, on Condamna-procéda au jugement des affaffins de tion des af Gubaze. Les Lazes attendoient ce jugement avec impatience; & ce n'étoit que dans le fang des coupables que la nation Romaine pouvoit fe laver d'un forfait fi noir. Athanase fit dreffer au milieu d'Archéopolis un tribunal élevé, où il prit féance dans l'appareil le plus impo

JUSTINIEN. An. 554.

fant. Il étoit environné de ce corté-
ge d'officiers, que la force prête à
la juftice pour exécuter les ordres
des loix. Au milieu de l'enceinte,
on voyoit les chaînes, les carcans,
les inftrumens de torture. Tout ce
que les jugemens avoient de majef-
tueux & d'effrayant dans la capitale
de l'Empire, fut raffemblé au pied
du Caucase, pour infpirer aux bar-
bares le refpect de la puiffance Ro-
maine, & pour calmer leur reffenti-
ment par l'éclat d'un jugement fo-
lemnel. A la gauche du tribunal,
paroiffoient chargés de chaînes Rufti
que & Jean tranfportés des prifons
d'Apfaronte; vis-à-vis d'eux fe pla-
cerent les accufateurs; c'étoient les
plus graves perfonnages de la nation
des Lazes. Ceux-ci demanderent d'a
bord, qu'on lût publiquement la let-
tre de l'Empereur; ce qui fut exé,
cuté par un héraut. On vit clairement
que l'Empereur, très-peu difpofé à
croire les faits odieux dont on char-
geoit Gubaze, avoit seulement vou-
lu s'en éclaircir, & qu'il n'avoit per-
mis d'ufer de violence envers ce

Prince, que dans le cas d'une rébel

JUSTINIIN. lion déclarée. Les accusateurs juftiAn. 554 fierent pleinement Gubaze, & après avoir montré fon zéle pour le fervice de l'Empire, dans les conjonctures les plus critiques, ils démontrerent que les rapports faits à l'Empereur étoient un tiffu de calomnies, & la mort de Gubaze un horrible affaffinat. Pendant qu'ils parloient, l'armée des Lazes répandue autour du tribunal, animée du plus vif intérêt, dévoroit toutes leurs paroles; & ceux qui n'étoient pas à portée de les entendre, obfervant avec inquiétude leurs mouvemens, leurs regards, les changemens de leur visage, les rendoient comme dans un miroir fidele. Lorfqu'ils eurent ceffé de parler, les Barbares prononçant eux-mêmes la fentence par un murmure confus, s'étonnoient qu'on fufpendît encore l'exécution; & le juge ayant permis aux accufés de fe défendre, la multitude fe récria comme fi c'eût été une collufion manifefte. Enfin, les accufateurs ayant calmé ce tumulte, Ruftique auffi intrépide & auffi artificieux

JUSTINIEN.
An. 554.

ficieux que méchant, prit la parole,
avec la confiance, que l'innocence
eft feule en droit d'infpirer. Mais
quoiqu'il mît en œuvre toutes les ref-
fources de la plus fubtile imposture,
quoiqu'il donnât au refus qu'avoit
fait Gubaze d'aller attaquer Ono-
gure, toutes les couleurs d'une vé-
ritable révolte, il ne put en impofer
au juge. Après une exacte difcuffion,
Athanafe prononça contre Ruftique
& Jean, un arrêt de mort. On les
promena fur des mulets par toutes
les rues de la ville, un héraut mar-
chant devant eux, & criant: Qu'on
apprenne à s'abstenir des meurtres
& à respecter les loix. Enfuite ils
eurent la tête tranchée; & la vûe
de leur fupplice précédé & accom-
pagné de tout l'appareil capable
d'infpirer la terreur, fit une telle im-
preffion fur l'efprit des Lazes, qu'à
leur colere, qui sembloit ne pouvoir
être fatisfaite par les plus extrêmes
rigueurs, fuccéda la compaffion.
Ruftique dans fa défense, s'étoit au-
torifé du confentement de Martin :
Athanafe renvoya à l'Empereur la
Tome XI,

C

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