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vers Rome, tandis qu'Aréchis qui venoit de fuccéder à Zotton dans MAURICE. An. 593. le duché de Bénévent, s'avançoit vers Naples. Le pape Grégoire tout occupé du falut de l'Italie, pendant que l'Exarque ne fongeoit qu'à l'épuifer par des impofitions tyranniques, & par le trafic honteux qu'il faifoit de la guerre & de la paix, employoit en vain les plus preffantes follicitations pour engager Romain à traiter avec les ducs ennemis. Enfin ne trouvant aucune reffource dans cette ame intéreffée, il prit le parti de négocier lui-même avec Ariulf, dont il acheta une trêve à fes propres dépens. Mais les foldats de la garnison de Rome lui firent perdre le fruit de fa générofité. Ils fortirent à l'infçu du Pape fur les Lombards, & en tuerent un grand nombre. La guerre fe rallume avec plus de fureur; Ariulf fe venge de la perfidie, en brulant les environs, & paffant au fil de l'épée tous les Romains qui fe rencontrerent hors de la ville. Enfin obligé de lever le fiége, il fe rendit maître Tome XI Y

de Camérino, & s'alla joindre à AréMAURICE. chis, qui campoit devant Naples. An. 593. Cette ville avec celle de Cumes étoit

alors la feule ville murée qu'il y eût
en ces contrées. Quoiqu'elle ne fût
pas encore capitale du duché, l'Em-
pereur en avoit depuis peu aggrandi
le territoire, en y ajoutant les ifles
d'Ifchia, de Procida & de Nifita. On
y joignit dans la fuite Cumes, Sta-
bia, Surrente, Amalfi; & le duché
de Naples devint fi confidérable,
que les gouverneurs envoyés de
Conftantinople prenoient le titre de
ducs de Campanie. Grégoire aban-
donné de l'Exarque, prit les plus
fages mesures pour conferver cette
ville à l'Empire. Elle tint contre tous
les efforts des Lombards, qui l'at-
taquerent à plufieurs reprises, tou -
jours fans fuccès. Comme elle étoit
environnée de leurs Etats, le duc
Maurence qui la gouverna sept ans
après, y établit une forte garnison;
& par furcroît de précaution, il obli-
gea les habitans à monter la garde
fur les murailles, fans en exempter
les moines,
ni même leur abbé

Théodofe, malgré fon grand âge & les plaintes du Pape.

MAURICE.
An..593.

XLVIII.
Il affiége

La perte de Péroufe capitale de la Tofcane, chagrinoit Agilulf. Il vint en perfonne affiéger cette pla- Rome. ce; & l'ayant reprise après quelques jours de fiége, il fit trancher la tête à Maurition. Il marcha enfuite vers Rome, dont il défola le territoire. Saint Grégoire fait une vive peinture des maux dont cette ville étoit .environnée. Il expliquoit alors dans fon églife le prophête Ezéchiel: accablé de trifteffe, il interrompit fes Homélies, qu'il termina par ces paroles: Ne vous affemblez plus pour m'entendre; mon cœur eft flétri par la douleur. Nous ne voyons autour de nous que le glaive & la mort, Nos citoyens nous font enlevés par le maffacre ou par l'esclavage. Ceux qui rentrent dans Romé n'y rapportent que les malheureux restes de leurs corps mutilés par le fer ennemi. Non, je ne vous parlerai plus; ma voix fe glace & ne forme que des foupirs ; mes yeux ne font ouverts qu'aux larmes; mon ame s'afflige de ma vie.

Malgré cet acharnement des LomMAURICE. bards, Agilulf n'eut pas le même An. 593. fuccès qu'Alaric, Genferic & Totila. Le courage des affiégés ou peutêtre l'argent de Grégoire lui fit lever le fiége. Il emmena grand nombre de prifonniers qu'il envoya vendre aux François. Saint Grégoire n'abandonna pas ces infortunés; fa charité les fuivit dans leur captivité. S'épargnant tout à lui-même, il prodiguoit fes biens pour les racheter. Il obtint d'abondantes aumônes de l'Empereur & de toute la cour de Conftantinople.

XLIX. Conduite de

gard de Maurice.

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Quoique Grégoire foutînt avec Saint Gré- Zele les intérêts de l'Empire, & qu'il goire à l'é- travaillât fans relâche à réparer les maux que caufoit la négligence ou l'avarice des Exarques, on voit cependant par fes lettres qu'il étoit mécontent de la conduite de Maurice; & fans s'écarter du refpect qu'il devoit au Souverain, il eut avec lui de fréquens démêlés. Les affaires d'Italie, écrit-il à un ami, peuvent-elles profpérer fous un Prince qui vend les charges, qui n'écoute que les mauvais

MAURICE. An. 593.

confeils, & qui met en place des miniftres corrompus, dont l'unique emploi eft de fucer le fang des peuples? Les concuffions de Romain & celles des gouverneurs particuliers autorifoient fes plaintes. Romain tyrannifoit Rome & Ravenne. L'exarque d'Afrique, de qui dépendoit la Sardaigne, vendoit aux payens la permiffion de facrifier à leurs idoles ; lorfqu'ils eurent été convertis par les foins de Grégoire, il continuoit d'exiger d'eux le même tribut;-& fur les reproches que lui en faifoit l'évêque de Cagliari, il répondit que s'étant engagé avec la cour à payer une grande fomme d'argent pour obtenir fon gouvernement, il ne pouvoit autrement acquitter cette dette. En Corfe les habitans étoient réduits à vendre leurs enfans pour fournir aux impôts; ce qui en détermina un grand nombre à fe donner aux Lombards, dont ils recevoient un traitement plus doux. En Sicile, un exacteur nommé Etienne s'enrichiffoit par des confifcations injuftes & par des taxes arbitraires.

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