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JUSTINIEN. An. 555.

foin la fituation des lieux, il obferva qu'il n'y avoit au haut du fentier qu'une garde de huit hommes. Il vint en avertir Dacnas, qui lui donna la nuit fuivante cent hommes des plus déterminés pour aller détruire les cabannes & leurs habitans. Plufieurs des principaux officiers voulurent avoir part à cette périlleufe entreprise. Lorsqu'ils eurent grimpé jufqu'à la moitié de la hauteur, ils apperçurent les fentinelles endormis près d'un grand feu. En ce moment un des Romains, foutenu fur une pointe de rocher, tomba malheureufement, & le bruit de fes armes ayant réveillé les fentinelles, on les vit fe lever à demi, agiter leurs javelines, & regarder autour d'eux fans rien voir, éblouis par la clarté de la flamme. Pendant ce temps-là les Romains fe ferrant contre les rochers, s'y tenoient fufpendus fans faire aucun mouvement, & fans ofer même reprendre haleine, jufqu'à ce que les Barbares n'appercevant aucun péril fe replongerent dans le fommeil. Les Romains ayant achevé de mon

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ter, les égorgent, & courent aux JUSTINIEN habitations, en fonnant de la trompette. Les Mifimiens effrayés, fortent pour s'affembler, & font reçus à la fortie par les Romains, qui les paffent au fil de l'épée à mesure qu'ils paroiffent. On met le feu aux cabannes; & la flamme de l'incendie fur des lieux fi élevés, annonce le défaftre des Mifimiens à toutes les contrées d'alentour. Les Barbares périsfent au-dedans par le feu, au-dehors

par

le fer ennemi. Les femmes mêmes ne font pas épargnées. Plus inhumains que ceux dont ils puniffent la cruauté, les Romains tranfportés de rage, arrachent les enfans des bras de leurs meres; ils écrafent les uns contre des pierres; ils jettent les autres en l'air par un jeu plus que barbare, & les reçoivent fur la pointe de leurs piques. Mais ils font euxmêmes bien-tôt punis de leur inhumanité: lorfqu'ils fe croient maîtres de la contrée, & qu'ils ne fongent plus qu'à boire & à fe divertir, cinq cents Mifimiens bien armés, fortent de la fortereffe au point du jour, &

viennent fondre fur eux. Ils font furpris à leur tour; trente font malfacrés; les autres redefcendent avec effroi, & retournent au camp, percés de traits, déchirés par les pointes des rochers, & teints de leur propre fang & de celui des ennemis.

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XXIV.

des Miliniens

Dacnas moins fatisfait de la ruine Réduction de ces miférables cabannes, qu'affligé de la perte de trente braves foldats, après avoir obfervé la fituation de la place, disposa tout pour l'attaque & fit combler le foffé. Déjà les machines étoient dreffées, les pierres & les traits voloient fur la muraille, & les affiégés fembloient réfolus de fe défendre jufqu'à l'extrémité, lorfqu'un accident de peu d'importance, & la fuperftition abbattirent leur courage. Ayant fait une fortie pour détruire les machines comme ils rentroient dans la place en fuyant, un d'entr'eux atteint d'un coup de fléche, tomba mort fur le feuil de la porte. Ce fut pour eux une preuve évidente, que Dieu vouloit que la place fût ouverte aux ennemis. Frappés de ce finiftre

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préfage, ils font réflexion fur leur JUSTINIEN. foibleffe, fur l'infidélité des Perfes qui les abandonnent, & députent à Dacnas pour le fupplier de ne pas exterminer une nation depuis fi longtemps foumise à l'Empire, qui profeffoit la même religion que les Romains, & qui n'ayant pris les armes que pour fe venger d'une injure atroce, n'étoit déjà que trop punie de fa témérité, par le maffacre de cinq mille hommes, & d'un plus grand nombre encore de femmes & d'enfans. Dacnas écouta leurs priéres; la rigueur de la faifon, jointe au défaut de fubfiftances dans un pays défert, pouvoit rendre le fiége difficile & meurtrier. Il les obligea de reftituer tout ce qu'ils avoient enlevé à Sotérique, & fur-tout la caiffe de l'Empereur, qui contenoit vingthuit mille huit cents piéces d'or, ce qui revient environ à quatre cents mille livres de notre monnoie actuelle. Après avoir réduit ces Barbares à l'obéiffance, Dacnas retourna en Lazique.

XXV. Juftin fubf

Martin y commandoit en chef:

tin.

habile général, mais méchant homme, il étoit le principal auteur du JUSTINIEN. An. 555complot formé contre Gubaze. Sa réputation, fes fervices, & le talent titué à Marqu'il avoit de fe faire aimer & obéir des troupes, l'avoient fauvé du cha→ timent qu'il méritoit autant que Ruftique. L'Empereur avoit diffimulé dans un temps, où la punition de Martin auroit pû caufer une révo-. lution en Lazique. Lorfque les troubles furent appaifés, il le rappella,

& voulant concilier la reconnoiffance avec la juftice, il fe contenta de lui ôter le commandement. Il en revêtit Juftin fils de Germain, qu'il avoit mandé à Conftantinople, & qu'il déclara général des troupes de Lazique & d'Arménie.

Concuffions

Entre les officiers de la fuite de XXVI. Juftin, fe trouvoit pour le deshon- de Jean l'Aneur de ce général, & pour le fiquain. malheur des provinces, un nommé Jean, Afriquain de nation, Cet homme de néant, avoit d'abord été valet d'armée. Paffionné pour les richeffes, il poffédoit dans un dégré fupérieur tous les talens néceffaires pour en ac

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