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JUSTINIEN.

An. 555.

quérir par les voyes les plus courtes, & trouva le fecret de s'avancer auprès de Juftin, dont les belles qualités étoient ternies par un grand foible pour l'argent, Après s'être infinué dans la confiance du général, ce fcélérat lui propofa un marché trop avantageux pour être accepté par tout homme d'une confcience un peu délicate c'étoit de défrayer Juftin & toute fa maison, moyennant une fomme qui lui feroit feulement avancée, & qu'il promettoit de rendre en entier, & même avec les intérêts. Cette énigme ne pouvoit s'expliquer, qu'en fuppofant du côté de l'emprunteur toutes les reffources de la fraude. Mais Juftin n'envifageant que fon profit, n'entra dans aucun détail; il lui fit compter la fomme, & le laiffa le maître de la faire valoir. Jean pour ne pas perdre de temps, mit la main à l'œuvre dès le moment que Juftin partit de Conftantinople. Voici comment il s'y prit. Il devançoit le général d'une ou deux journées, & s'informant exactement des productions de chaque contrée

il s'arrêtoit dans les bourgs & les vil

lages voifins de la route, faifoit auffi- JUSTINIEN.

tôt affembler la commune, & lui demandoit ce qu'il étoit bien sûr qu'elle n'avoit pas; des bœufs, par exemple, dans les lieux où on n'en pouvoit trouver un feul ; des chameaux, où le pays ne fourniffoit que des chevaux. Pour faire preuve de fa bonne foi, il offroit de payer d'avance, il exigeoit feulement qu'on lui livrât fur le champ ce qu'il demandoit, parce que le général en avoit, difoit-il, un befoin preffant. Sur les représentations qu'on lui faifoit de l'impuiffance abfolue de le fatisfaire, il s'emportoit en invectives contre la mauvaise volonté des habitans, & les menaçoit de toute la colére de l'Empereur. Ces miférables fe jettant à fes pieds, fe tenoient fort heureux qu'il voulût bien accepter en échange de ce qu'ils ne pouvoient fournir, tout l'argent qu'ils avoient pû rafiembler. Avant que d'être arrivé en Lazique, il avoit doublé fon capital, par ce manége violent & frauduleux. Il le continua dans cette province

An. 555.

An. 555.

& de plus, il achetoit au prix qu'il JUSTINIEN. vouloit toutes les productions du pays, dont il chargeoit des vaiffeaux, pour les envoyer vendre en d'autres contrées. Ce qui caufa bien-tôt la cherté des vivres. Tant d'extorfions & de monopoles, procurerent à Jean d'immenfes richeffes, & il les mit à couvert par fa fidélité à remplir les conditions de fon traité avec Juftin, qui de fon côté étoit sourd aux plaintes, & infenfible aux larmes des peuples.

XXVII.

Nachoragan.

Jean l'Afriquain aurois mérité le Supplice de fupplice que fouffrit en ce temps-là Nachoragan. Ce malheureux général ayant été rappellé d'Ibérie, éprouva toute la colere de l'impitoyable Chofroës, irrité du mauvais fuccès de fes armes devant la ville de Phase. Il fut écorché vif, & fa peau, remplie de paille, confervant la forme de tous fes membres, fut fufpendue au haut d'une perche, dans la place la plus fréquentée de Ctéfiphon : fpectacle affreux, que le premier Sapor avoit autrefois donné à la Perfe, mais avec moins de barbarie,

n'ayant fait écorcher l'Empereur Valérien, qu'après la mort de ce Prince infortuné..

JUSTINIEN. An. 555.

d'armes entre

les Romains.

Tant de tentatives inutiles, re- XXVIII. buterent enfin Chofroës. Il confidé-,, Sufpenfion roit que les Romains avoient fur lui les Perfes & un grand avantage en Lazique, parce Agath. 1. 4. qu'étant maîtres de la mer, ils ne Menand. pag. couroient aucun rifque de 733 manquer de vivres; au lieu que fes convois ne pouvoient arriver à leur deftination, que par des chemins fort longs & fort difficiles. Il réfolut donc de faire la paix pour la Lazique, comme elle étoit déjà établie pour toutes les autres provinces des deux Etats. Dans ce deffein il fit partir pour Conftantinople fon grand Chambellan, qui convint d'une fufpenfion d'armes, pendant laquelle les deux Empires demeureroient en poffeffion des places & des contrées qui leur étoient actuellement foumifes, jufqu'à la conclufion d'un traité définitif.

An. 556.

L'armée de Lazique délivrée de la guerre des Perfes, en eut une autre à foutenir contre les Zannes. De- Les Zannes

XXIX.

Agath. L. 3.

puis que ces barbares avoient enleJUSTINIEN. vé les bagages des Romains devant An. 556. Petra en 549, ils étoient divifés en fubjugués. deux partis : les uns demeuroient attachés à l'Empire, & continuoient de fervir dans les armées Romaines ; les autres faifoient des courses continuelles dans le Pont & dans l'Arménie. Pour les réduire, Juftin envoya Théodore, un de fes meilleurs capitaines, qui étant né dans le pays, en connoiffoit parfaitement la local. Cet Officier pénétra dans l'intérieur de la contrée, & alla camper aux environs de Théodoriade & de Rhizée fur le Pont-Euxin. S'y étant rétranché, il attira dans fon camp ceux qui étoient reftés fideles, & les combla de préfens. Il fe difpofoit à forcer les autres par les armes, lorfqu'il fut prévenu par l'audace de ces barbares, qui vinrent en grand nombre fe pofter fur une éminence voifine, d'où ils faifoient pleuvoir les fléches jufqu'au milieu du camp. Les plus hardis des Romains, n'écoutant que leur colere, fortirent de leurs retranchemens, & monterent à eux

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