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HISTOIRE

DU

BAS-EMPIRE

LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.

JUSTINIEN.

P

ENDANT que

An. 554.

Narsès, toujours fuivi de la vic- JUSTINIEN. toire, travailloit à réduire l'Italie, des généraux d'un mérite fort

1.

des gé- Mauvais

fuccès deskomains en La

inférieur, continuoient la guerre en zique. Lazique avec différens fuccès. Mar- Agath. 1. 2 tin, Beffas & Buzès ne manquoient

JUSTINIEN.

ni d'expérience ni de courage. L'Empereur leur avoit joint depuis peu An. 554. Juftin fils de Germain, déjà con

nu par fa valeur. Mais l'activité de Merméroës & la fupériorité de fes forces les obligeoient de fe tenir fur la défenfive. Nous avons laiffé ce général à Muchirise, où il s'étoit retiré fur la fin de l'année 551, après avoir effuyé plufieurs échecs. L'année fuivante il marcha vers la fortereffe de Téléphis, fituée à l'entrée de la Lazique, entre des rochers & des précipices. Les lieux d'alentour étoient couverts de marais profonds & d'épaiffes forêts, qui en rendoient l'accès très-difficile. Martin connoiffant l'importance de cette place, s'y étoit enfermé avec une partie de fes troupes, qui travailloient avec ardeur à boucher toutes les avenues par de groffes pierres & des abbattis d'arbres. Merméroës n'efpérant pas de forcer le paffage, eut recours au ftratagême. Il se mit au lit, comme s'il eût été dangereufement malade, & paffa plufieurs jours fans fe laiffer voir, même à fes

An. 554.

plus intimes amis. Les efpions ne tarderent pas à faire fçavoir aux Ro- JUSTINIEN. mains, que le général Perfe étoit à l'extrémité; & cette nouvelle fit ceffer les travaux. Perfuadés qu'ils n'avoient rien à craindre d'une armée fans chef, ils ne fongerent plus qu'à fe divertir, fe répandant fans précaution dans les campagnes d'alentour, comme en pleine paix. La négligence s'accrut encore par le bruit qui courut que Merméroës étoit mort. Mais dès le lendemain ce général s'étant montré aux Perfes, les fit marcher en diligence ; & ne trouvant d'obftacle que dans la difficulté des chemins, il arriva bientôt à la vûe de Téléphis. Cette apparition imprévue caufa tant de furprife aux Romains, que Martin ne put les retenir; ils abandonnerent la place, pour aller joindre le gros de l'armée, qui n'étoit éloignée que d'un mille; mais dans un terrein fourré & plein de rochers, la vûe ne s'étendoit pas jufqu'à cette diftance. Martin laiffa dans un bois, près de la fortereffe, cinq cens cavaliers

Zannes, commandés par un de fes JUSTINIEN. plus braves officiers nommé ThéoAn. $54. dore, auquel il ordonna d'observer le nombre & la contenance des ennemis, & de revenir promptement l'avertir, s'il les voyoit difpofés à venir attaquer l'armée Romaine. En effet dès que les Perfes furent maîtres de la Fortereffe, ils en fortirent pour marcher aux Romains. Théodore, conformément à fes ordres prit les devans, & rencontrant fur fon paffage quantité de foldats Romains, qui s'étoient débandés pour piller les cabannes des Lazes, il les avertit du péril où ils étoient. Plufieurs d'entr'eux, aveuglés par l'amour du pillage, ayant refufé de fe joindre à lui, furent bien-tôt furpris & taillés en pieces par les ennemis qui fuivoient de près Théodore. Dejà les fuyards avoient jetté l'épouvante dans le camp; la vûe de l'armée des Perfes acheva de déconcerter les généraux, qui ne s'attendoient pas à une attaque fi brufque. Officiers & Soldats, tous prennent la fuite, abandonnent leur

bagage, & ne s'arrêtent qu'à fept

lieues de-là, dans une ifle formée par JUSTINIEN. un canal, qui réuniffoit les eaux du An. 554. Phafe & du Docone, au-deffus du confluent de ces deux rivieres.

Merméroës s'empara du camp

II.

Mort de

des Romains, & fit beaucoup de Merméros railleries de leur lâcheté. Cependant il n'ofa les attaquer dans leur ifle, craignant de manquer de fubfiftances au milieu d'un pays ennemi. Il paffa le Phase fur un pont de bateaux; & après avoir renforcé la garnifon du château d'Onogure, dont il s'étoit rendu maître, pour tenir en bride la ville d'Archéopolis, il fe retira dans Muchirise. Etant tom-bé véritablement malade, il y laiffa la plus grande partie de ses troupes, pour maintenir fes conquêtes, & repaffa en Ibérie, où il mourut bientôt après. C'étoit le meilleur géné– ral de la Perfe, inftruit par une longue expérience, auffi prudent que courageux. Quoique fes bleffures lui euffent depuis long-temps ôté l'ufage des jambes, &, que fon grand âge & fes infirmités le miffent hors

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