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la réfolution qu'il avoit formée depuis quelque temps, AN. 1363. & qu'il tenoit fecréte; & pria le pape de lui donner la croix pour le paffage d'Outre-mer, ce que le pape lui accorda volontiers. Le cardinal de Perigord Talairand & plufieurs feigneurs fe croiferent auffi, prenant des croix rouges fur leurs habits. Le roi de Chipre en fut très-joyeux, & en rendit graces à Dieu; car il étoit venu à deffein d'exciter à cette croifade. Après l'octave de Pâques le mercredi douzième d'Avril, le pape prêcha expreffément la Croifade contre les Turcs, ordonnant un paffage général, dont il fit chef le roi Jean; & ce prince qui étoit présent, jura de le faire du mois Rain. n. 15. 16. de Mars paffé en deux ans, c'est-à-dire, en 1365. Le pape donna fur ce fujet une bulle adreffée au même roi Jean, & datée du dernier de Mars, qui étoit le famedifaint. Le cardinal Talairand, évêque d'Albane, fut Ma. Vill. XI. c. nommé légat pour commander la Croisade: mais les Sarrafins ayant appris les préparatifs qui fe faifoient contr'eux, prirent grand nombre de Chrétiens en Egypte à Damas & en Syrie, qu'ils firent beaucoup souffrir; & je ne vois point d'autre fruit de cette entreprise. L'archevêque de Crête, Pierre Thomas, avoit suivi avec BernaboVille roi de Chipre & l'accompagnoit en ce voyage, n'étant pas moins zélé que lui pour l'exécution de la Croifade. Or on y trouvoit un grand obftacle en Italie, par guerre qui étoit allumée entre le pape & fes alliés d'une part, & Bernabo Visconti, tyran de Milan, de Vita Pet. Tho.c. l'autre. Le principal fujet étoit la ville de Bologne, qui s'étoit fouftraite à l'obéiffance du pape, & donnée au Visconti. Le roi de Chipre paffant à Milan, pour venir en France, traita de la paix avec Bernabo, & enfuite avec le pape quand il fut à Avignon, où on résolut que

34.

XLVI. Négociation

conti,

12, n.66,

la

a

les deux rois de France & de Chipre, du confentement
du
pape, enverroient à Milan des ambassadeurs pour
cet effet. Le roi Jean s'intéreffoit pour les Visconti,
parce qu'il avoit marié fa fille Isabelle avec Galeas,
frere de Matthieu & de Bernabo; car ils étoient trois
freres. Il envoya donc pour traiter cette paix deux am-
bassadeurs, un comte & un évêque.,

Le roi de Chipre en envoya auffi deux, fçavoir l'ar-
chevêque Pierre Thomas & Philippe de Masieres, chan-
celier de Chipre, qui partirent d'Avignon en même
temps que le roi leur maître : car il alla inviter à la Croi-
fade la plupart des princes Chrétiens, le roi d'Angle-
terre, l'empereur, le roi de Pologne, le roi de Hon-
grie, fe propofant de se rendre à Venise au terme con-
venu, c'est-à-dire, en Mars 1365. Cependant fes am-
baffadeurs arriverent à Milan, où ayant été bien reçus
par Bernabo, & lui ayant expofé le fujet de leur voyage,
ils pafferent dans la Romagne, pour conférer avec le
cardinal Gilles Albornos, legat en Italie, qui comman-
doit les troupes du pape, & conduifoit la
& conduifoit la guerre puis
ils revinrent à Milan, & rapporterent à Bernabo ce
qu'ils avoient négocié avec le légat.

Outre les armes matérielles, le pape Urbain avoit employé contre Bernabo les armes fpirituelles; & après plusieurs procédures, il publia une bulle du dernier jour de Novembre 1362. où il rapporte les actes

le

que

pape Innocent avoit faits contre ce feigneur; & reprenant l'affaire de plus haut, il expofe que dès-lors le faint fiége avoit reçu des avis certains, que Bernabo avoit pris la protection des hérétiques, particulierement de François Ordelafe, condamné comme tel; & avoit défendu de prêcher la Croisade contre lui. Le

AN. 1363.

12.

Rain. 1362.n.

AN. 1363.

n, 13.

pape Urbain ajoûte, parlant toujours de Bernabo.

Il fit un jour venir en fa présence l'archevêque de Milan, Robert de bonne mémoire, parce qu'il avoit refufé, comme il devoit, d'ordonner un certain moine; & lui dit en présence de plufieurs perfonnes: Mets-toi à genoux, ribaud: ne fçais-tu pas que je fuis pape, empereur & feigneur en toutes mes terres, & que Dieu même ne pourroit y faire que ce que je voudrois? Et après plufieurs autres traitemens indignes, il fit enfermer l'archevêque dans une chambre. En tous les lieux de fon obéiffance, il avoit fait défendre à cri public fous peine du feu, d'aller à la cour du pape notre prédéceffeur, ou du légat Gilles, Evêque de Sabine, pour y obtenir des graces: de leur fatisfaire pour quelque dette, ou leur donner aide ou confeil. Il avoit auffi défendu de faire aucune élection, ou pourvoir en quelmaniere que ce fût, à quelque église ou monafteres fans fa permiffion, ou celle d'un certain Girardole, que le peuple nommoit le pape.

que

La bulle rapporte encore plufieurs cruautés exercées contre des prêtres & des Religieux : les uns brûlés dans une cage de fer, d'autres tourmentés fur le chevalet, un frere Mineur de grande vertu, eut les oreilles percées d'un fer chaud. Le tyran contraignit un prêtre de Parme à monter fur une tour, & prononcer anathême contre le pape Innocent & les cardinaux. Enfin le même pape après avoir fait informer de fes crimes, dénonça a Bernabo le vingt-cinquième d'Août 1360. de comparoître à son tribunal le quatrième de Novembre fuivant; & comme il ne comparut point, il fut déclaré contumax en matiere de foi, & frappé d'anathême par fentence. Le pape Urbain continue: Bernabo étant de

AN. 1363.

meuré depuis deux ans dans son endurcissement, nous le citons peremptoirement au premier de Mars prochain, c'est-à-dire, en 1363. pour recevoir sa sentence. Au jour nommé le pape tint confiftoire, & envoya Rain. 1363. n. 3. deux cardinaux à la porte du palais pour appeller Bernabo. Un particulier fe préfenta, qui fe disoit porteur de fa procuration, mais elle ne fut pas trouvée fuffifante, non plus que les exceptions & les excuses qu'il propofa. C'eft pourquoi le pape rendit fa fentence, par laquelle il condamne Bernabo comme hérétique, & le déclare déchu de l'ordre de Chevalerie, de tous honneurs, privileges & autres droits, ordonnant à tous les fidéles de l'éviter. La fentence eft du vendredi troifié M. Vill. XI. c. 41. me de Mars 1363. Après l'avoir prononcée, le pape fe leva de fon fiége, fe mit à genoux, & levant au ciel les mains jointes, pria J. C. faint Pierre & faint Paul, & toute la cour céleste, que ce tyran fût lié dans le ciel, comme il l'avoit lié fur la terre. Enfin le pape fit prê- Rain. n, q cher la Croisade contre Bernabo, premierement en Allemagne, puis en Italie; comme il paroît par sa lettre du onzième de Juillet au cardinal Gilles Albornos, où il dit: Nous ne permettons point que l'on prêche la Croisade pour le paffage d'Outre-mer, jusques à ce que l'affaire de cet hérétique foit terminée par la guerre, ou ce que Dieu veuille, par fa conversion,

C'est l'état où étoient les chofes, quand les deux ambassadeurs du Roi de Chipre, l'archevêque Pierre Thomas & le Chancelier Philippe de Mafieres revin-P. rent à Milan, pour traiter la paix. Ils y trouverent les ambassadeurs du Roi de France, qui croyant Pavoir conclue, & voulant s'en faire honneur, ne faifoient pas grand état du roi de Chipre, ni de fes ambassa

Vita P. Tho, c.
Ap. Boll, to. 2.

12. n. 67.

1009,

deurs. Ils avoient auffi trouvé le légat Espagnol, c'estAN. 1364. à-dire, le cardinal Albornos dur, aigri & animé à continuer la guerre; difant qu'on ne pouvoit se fier aux traités que l'on feroit avec Bernabo. Ils trouverent Bernabo lui-même furieux comme un lion, menaçant Péglife, contre laquelle il avoit toujours de mauvais deffeins, & méprifant la paix.

1. 68. 69.

Les ambassadeurs de France fe retirerent fans rien faire, & mécontens: mais ceux de Chipre demeurerent, & deux jours après le départ des François, Bernabo les envoya querir. S'étant affis entre eux deux dans un lieu retiré, il leur dit d'un visage ferein: Maintenant parlezmoi hardiment de la paix, & me dites tout ce que vous en pensez. L'archevêque lui parla avec beaucoup de douceur & de force pour lui perfuader la paix, & après qu'il eut parlé, Bernabo penfa quelque temps; puis jettant un grand foupir, il dit: Je vous ai oui avec plaifir: je veux abfolument avoir la paix avec l'église, & lui être déformais foumis & fidéle. Après une longue négociation, la paix fut conclue au mois de Février 1364. à ces conditions. Le feigneur Bernabo rendra à la premiere requifition du cardinal Androuin, légat du faint fiége, tous les châteaux & les fortereffes qu'il tient dans les districts de Bologne, de Modene & de la RomaPhi. Vill. XI. gne. Le pape de fon côté payera au feigneur Bernabo dans huit ans, à compter du jour de la restitution des places, la fomme de cinq cens mille florins d'or: foixante deux mille cinq cens par an. Le traité est daté du 3. de Mars. C'est ainfi que Bernabo fut déchargé de tous ses crimes; car en conféquence de ce traité, il fut abfous de toutes les cenfures, & rétabli en tous fes droits, & l'interdit de Bologne levé solemnellement.

565.

Corio. 3. par.

C. 64.

Rain. 1364.n.3.

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