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de Itro & Leonard de Giffon, avec d'autres prélats, AN. 1381. tant évêques, qu'abbés du même parti. Ils furent arrêtés & mis en de dures prisons, où ils vécurent dans la pauvreté & la mifere, ayant perdu leurs bénéfices & leurs autres biens: quelques-uns même Y moururent, entr'autres, le cardinal de Itro, que les Clementins regarderent comme un martyr.

VI.

Fin de Rusbroc.
Sup. xcvi. n. 21.

Vita 6, 12,

C. 15.

& 16.

Le vendredi fixiéme de Décembre, le pape Urbain fit trois cardinaux, Landulfe Napolitain, nommé archevêque de Bary, cardinal diacre du titre de faint Nicolas in carcere. Pierre ou Perin Thomacelli, auffi Napolitain, protonotaire apoftolique, cardinal diacre du titre de faint Georges au voile d'or, qui fut depuis pape fous le nom de Boniface IX. Le troifiéme cardinal fut Thomas des Urfins de Manupelle, Romain, protonotaire, diacre du titre de fainte Marie in Dominica.

Cette année mourut Jean Rufbroc, ce fameux contemplatif, dont j'ai déja parlé, étant parvenu à la quatre-vingt-huitième année de fa vie, & la foixante-quatriéme de fa prêtrife. Son application continuelle à Poraison, ne l'empêchoit pas de travailler quelquefois de fes mains avec les autres chanoines de fa communauté, pour leur donner l'exemple; & il ne dédaignoit point les travaux les plus bas, comme de porter du fumier. Il eft vrai que quelquefois il étoit plus à charge au jardinier, qu'il ne le foulageoit, arrachant les bonnes herbes avec les mauvaises: mais fa présence servoit à exciter les freres au travail, pendant lequel il confervoit toujours Punion intérieure avec Dieu. Il difoit la meffe tous les jours, & continua jusques à son extrême vieilleffe, finon en cas de maladie, ou d'autre empêchement notable. Il mourut le fecond jour de

Décembre 1381. & laiffa grand nombre d'écrits.

AN. 1381.

Lib. 1. c. 14

Le plus célébre eft le traité de Pornement des nôces fpirituelles, fondé fur ce paffage de Pévangile : voici Math. xxv. ♫. l'époux qui vient, allez au-devant de lui; ce que Pauteur applique aux différens avénemens de J. C. & aux différentes manieres, dont lame chrétienne va à sa rencontre. Voici ce que j'y trouve de remarquable. Parlant de Pobéiffance, il dit qu'elle produit en Phomme le renoncement à fa propre volonté, enforte que Dieu prend un plein pouvoir fur lui; & fa volonté eft tellement unie à celle de Dieu, qu'il ne peut vouloir ni défirer autre chose. Et enfuite: Il faut se reposer uniquement en Dieu & non pas en fes dons, comme la grace, les vertus & les bonnes œuvres. Il parle enfuite d'une yvreffe fpirituelle qu'il décrit ainfi.

c. 29

Elle arrive, quand un homme reçoit plus de goût Lib. 11. 6. 20. & de plaifir spirituel que fon cœur n'en peut contenir, & produit en celui qui en eft attaqué des geftes extraordinaires. Les uns chantent des cantiques de louanges, les autres pleurent de joye & répandent quantité de larmes. D'autres font tellement agités, qu'ils ne fe peuvent contenir. Ils courent, ils fautent, ils dansent, ils battent des mains; d'autres témoignent par de grands cris le plaifir qu'ils fentent : quelques-uns enfin tombent en défaillance. Ceux qui fe trouvent en ces états doivent en remercier Dieu, & s'humilier profondément. L'auteur vient enfuite à la parfaite réfignation à la . 30. volonté de Dieu, & fait dire à son contemplatif: Seigneur, Je fuis tout à vous ; s'il peut fervir à votre gloire, j'aimerois autant être plongé dans Penfer, qu'être dans le ciel. C'est affurément pouffer trop loin la résignation. En parlant de la communion & des fentimens

reçu

AN. 1381.

c. 50.

c. 76.

qui doivent la précéder & l'accompagner, il dit: En cet exercice Pamour fenfible, la compaffion & la confidération attentive des plaies de J. Ĉ. aidée de limagination peut être fi vive, que Phomme spirituel croie en fentir la douleur, non-feulement dans fon cœur mais dans ses membres, de forte que fi les stigmates devoient être imprimées à quelqu'un, perfonne n'y feroit mieux difpofé. Voilà prefque une méthode pour fe donner les ftigmates.

Après avoir parlé de la rencontre de Pépoux avec Pame, & de lunion de Pefprit de Phomme avec celui de Dieu, Rufbroc rapporte les illufions des faux miftiques de fon temps, & dit: Comme tous les hommes cherchent naturellement le repos, ceux qui ne font pas éclairés & touchés de Dieu, ne cherchent qu'un repos naturel, fous prétexte de contemplation. Ils demeurent affis & entierement oififs, fans aucune occupation intérieure ou extérieure: mais ce mauvais repos produit en Phomme Pignorance & Paveuglement, puis la paresse par laquelle il se contente de lui-même, oubliant Dieu & toute autre chose. On ne peut trouver Dieu dans ce repos naturel, où peuvent arriver les infidéles & les plus grands pécheurs, s'ils étouffent les remords de leurs confciences, & fe délivrent de toutes les images & de toute forte d'action. Au contraire cette mauvaife quiétude produit la complaifance en foi-même & forgueil, fource de tous les autres vices. Ces faux fpirituels n'ont aucun defir ni exercice de vertu ; ils ne louent ni ne remereient Dieu, ils croyent avoir obtenu tout ce que l'église demande par fon culte extérieur. Cette peinture reffemble fort aux mauvais quiétistes de notre

temps.

AN. 1381.

VII.

gleterre.

275.

En Angleterre un prêtre nommé Jean Ball, ou Vallée, difciple de Wiclef, prêchoit depuis plus de vingt ans, allant de village en village, & affemblant le peu- Révolte des ple les dimanches à Piffuë de la meffe. Il leur tenoit payfans en Andes difcours qu'il fçavoit être agréables au petit peuple, Th. Valfing. p. medifant des eccléfiaftiques & des feigneurs temporels; Froiff.vol. 2. c. car il difoit qu'il ne falloit point donner de dîmes ni 74 d'oblations, fi celui qui les donne, n'eft plus riche que celui qui les reçoit; ou fi le paroiffien eft de meilleures mœurs que le curé. Selon lui, perfonne n'étoit propre au royaume de Dieu, s'il n'étoit né en légitime mariage. Il enfeignoit plufieurs autres erreurs tirées de la doctrine de Wiclef. Les évêques Payant empêché de prêcher dans les églifes de leurs diocèfes, il prêchoit dans les rues & les places publiques, ou à la campagne; & il avoit toujours un grand nombre d'auditeurs de la populace. Comme il ne ceffoit point, quoiqu'il eût été excommunié, il fut mis en prifon par ordre de Parchevêque de Cantorbery, mais il fe vantoit qu'il en feroit tiré par vingt-mille de fes amis. L'archevêque faifoit confcience de le faire mourir, ainfi après deux ou trois mois de prison il le délivroit; car il le fit arrêter plufieurs fois : mais fi-tôt que Jean Vallée étoit hors de la prifon de Parchevêque, il recommençoit à prêcher com

me avant.

Un jour il prit pour texte de fon fermon un proverbe Anglois, qui porte : Quand Adam labouroit & qu'Eve filoit, qui étoit le plus noble? Sur ce fondement il prétendoit prouver que tous les hommes ont été créés égaux, & que la fervitude a été introduite par Poppreffion injufte des méchans contre la volonté de Dieu: car, ajoutoit-il, s'il avoit plû à Dieu de créer des ferfs,

il auroit établi dès le commencement du monde, qui AN. 1381. devoit être le ferf & le feigneur. C'est à préfent le temps

&c.

Deut. xv. 12.

où vous pouvez, fi vous voulez, fecouer le joug de la fervitude. Soyez donc gens de cœur, & ne perdez point Poccafion: défaites-vous premierement des plus grands feigneurs du royaume, enfuite des jufticiers & des autres juges, enfin de tous ceux qui peuvent nuire à la communauté : délivrez-en le pays, afin que vous puiffiez vivre en paix & en fûreté : ainfi vous ferez tous égaux en liberté, en nobleffe & en puiffance.

Ces difcours fpécieux flattoient agréablement un peuple groffier, & dont les feigneurs abufoient fouvent de leur pouvoir: mais au fond les maximes de ce prêtre ignorant tendoient au renversement de la fociété civile. Il eft faux même que la fervitude foit contraire à la volonté de Dieu. Sans en chercher Porigine, il eft certain qu'elle eft autorisée par la loi & par lévangile. L'ancienne loi fans Papprouver expreffément, la fuppofe légitime & établie entre les Ifraélites, même à Pégard Exod. xx1. 2. 3. de leurs freres. L'évangile n'en dit rien, mais S. Paul dit: Que chacun demeure en l'état où il a été appellé à Jerem. XXXIV. la foi, & ailleurs : Efclaves, obéiffez à vos maîtres, mê1. Cor. VII. 20. me fâcheux: Maîtres, ne maltraitez point vos esclaves; Eph. VI. 5. car il ne faut pas s'y tromper, les ferviteurs dont il eft 1. Pet. 11. 18. parlé dans ces paffages, n'étoient pas des hommes libres à gage comme les nôtres, mais des efclaves achetés à prix d'argent, ou nés dans la maifon des maîtres. Or les restes de fervitude qu'on voyoit encore en Angleterre comme en France dans le quatorziéme siècle, ne confiftoient guéres qu'en quelques courvées que les payfans devoient à leurs feigneurs, ou à la taille que Valfing. p. 275. les seigneurs levoient en certains cas. Le peuple étoit fi

14.

21.

1. Tim. VI. I.

charmé

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