Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cheval avec quatre ferviteurs, demandant à lui parler,
& fe difant envoyé de Dieu. Le lendemain il fe pré-
fenta au pape, vêtu de noir en habits longs, outre
qu'il étoit de grande taille., portant une grande barbe
noire, & baissant les yeux, d'un air férieux. Il déclara
qu'il ne fçavoit pas parler Latin, & dit en François :
Seigneur, je viens vous annoncer ce que Dieu m'a ré-
vélé pour P'union de Péglife. Il y a déja quinze ans que
je vacque à la contemplation dans le défert, où j'ai
appris par révélation que notre faint
pere le feigneur
Clement eft le vrai pape, & que vous n'en êtes qu'un
faux: renoncez donc à la papauté pour procurer Punion
de Péglise & pour votre falut. Le pape Urbain lui ré-
pondit : D'où fçavez-vous que cette révélation vient de
Dieu ? L'ermite ne donna point d'autre preuve que de
s'offrir aux tourmens, & parloit beaucoup fans raifonner.

Le pape le fit mettre en prifon avec deux de fes domeftiques, car les deux autres s'enfuirent: le pape les fit mettre à la queftion tous trois féparément, & Permite confeffa que fa prétendue révélation étoit plutôt une fuggeftion diabolique. Il fembloit devoir être puni comme criminel de leze-majesté; mais les prélats François qui reconnoiffoient Urbain pour pape, représenterent que fi on le faifoit mourir, leurs parens & leurs amis demeuraus en France, feroient peut-être traités de même; car ils fçavoient que le roi de France protégeoit particulierement cet ermite. Le pape donc après avoir pris confeil, fe contenta de fa rétractation publique; & pour cet effet le premier dimanche de Carême, onziéme de Mars, on le tira de prifon, on lui rafa la barbe, & on famena à Péglise, où après la messe du pape & le fermon, il révoqua à haute voix tout ce qu'il

Tome XX.

A a a

AN. 1386.

Rain. 1386. n.

9. ex Gobel.

avoit dit contre le pape Urbain, & reconnut qu'il n'y AN. 1386. avoit point d'autre vrai pape. Quelques jours après

XXXIII.

Fin des cardi

naux prifonuiers.

Gobel.

il s'en retourna en France.

Cependant les amis des cardinaux prisonniers firent une conjuration pour les délivrer. Ils entrerent de nuit Rain. n. 10. ex au palais du pape, croyant que plufieurs autres fe joindroient à eux pour rompre la prison; mais les domestiques du pape s s'étant éveillés au bruit, & ceux qui faifoient la garde ayant pris les armes, les conjurés eurent peur & s'enfuirent. Quelques jours après on forma le deffein d'empoisonner le pape, mais on mit aux fers ceux qui en furent foupçonnés; & comme le pape recherchoit avec foin les auteurs de la confpiration, deux Th. Niem. c. 61. cardinaux s'enfuirent de fa cour: fçavoir, Pile de Prate, archevêque de Ravenne, & Galiot Tarlat de PietraVita pag. 515. mala. Leur fuite les rendit fufpects, & enfin ils fe renSup. liv. xcvi. dirent à Avignon auprès du pape Clement, mais ils n'y arriverent pas fi-tôt: Pile de Prate le treiziéme de Juin 1387. & Galiot le cinquiéme de May 1388. Le premier en paffant à Pavie pour faire dépit à Urbain, brûla en place publique le chapeau rouge qu'il avoit reçu de lui; & Clement ne comptant pour rien leur premiere ordination, les fit tous deux cardinaux, Pile comme prêtre, & Galiot comme diacre.

1358.

n. 55.

Rain. n. 11.

Quant aux cardinaux prifonniers, le pape Urbain Tb. Niem. c. 57. en délivra un à la priere du roi Richard, fçavoir, Adam Efton du titre de fainte Cécile, qu'il renvoya comme un pauvre moine, accompagné feulement d'un François clerc de chambre du pape, pour prendre foin de lui & le garder. Les cinq autres cardinaux demeurerent à Gênes prifonniers dans le logis du pape, qui faifoit partie de la maison des chevaliers Rodiens; & s'il voyoit

quelqu'un venir à heure indue à l'églife, près de laquelle AN. 1387. étoit cette prifon, il croyoit que c'étoit pour délivrer les cardinaux; & fur ce foupçon il fit prendre, emprifonner & mettre à la queftion plufieurs gens de fa cour. Le doge & les citoyens de Gênes le prierent inflamment de délivrer ces cardinaux & leur faire grace, mais il ne les écouta pas. Enfin le pape Urbain voulant retourner au royaume de Naples, fit mourir ces cinq cardinaux pendant une nuit au mois de Décembre, peu de jours avant fon départ de Gênes. On racontoit diversement leur mort; les uns difoient qu'on les avoit jettés dans la mer les autres qu'on les avoit égorgés &

[ocr errors]

enterrés dans une écurie. Pendant ce même mois de

с. бо.

Décembre Urbain partit & passa par mer à Luques, c. 62. où il demeura neuf mois de fuite.

XXXIV. Converfion des

Cromer. lib. 15.

Dlugof. lib. 10.

p. 109.

Au commencement de Pannée fuivante 1387. le nouveau roi de Pologne Ladiflas Jagellon, alla en Lithua- Lithuaniens. nie avec la reine fon époufe, quantité de feigneurs p. 143. Polonois & de prélats, entr'autres, Parchevêque de Gnefne, pour établir la religion chrétienne dans le pays. Les Lithuaniens adoroient un feu qu'ils croyoient perpétuel, & qui l'étoit en effet, par le foin qu'avoient leur prêtres d'y mettre du bois jour & nuit. Ils adoroient auffi des forêts qu'ils croyoient facrées, & des ferpens dans lefquels ils croyoient que les Dieux étoient cachés. Jagellon étant arrivé dans le pays, convoqua une affemblée à Vilna pour le jour des Cendres, qui cette année fut le vingtiéme de Février. En cette affemblée le roi & les feigneurs qui Paccompagnoient s'efforcerent de perfuader aux Lithuaniens de reconnoître le vrai Dieu, & d'embraffer la religion chrétienne: mais les Barbares soutenoient que c'étoit une impiété d'aban

A aa ij

AN. 1387.

donner leurs Dieux, & abolir les coutumes de leurs
ancêtres. Alors le roi Ladiflas fit éteindre le feu pré-
tendu perpétuel que l'on entretenoit à Vilna, & qui
étoit gardé par leur prêtre nommé Zinez. Le roi fit auffi
en présence des Barbares renverser le temple, & rom-
Pautel où ils immoloient leurs victimes: il fit cou-
pre
per les bois qu'ils tenoient pour sacrés, & tuer les fer-
pens que l'on gardoit en chaque maison, comme des
dieux domestiques.

:

Les Barbares voyant ainfi détruire leur religion, se contentoient de pleurer & fe lamenter, car ils n'ofoient s'opposer aux ordres du roi. Enfin voyant qu'il ne leur en arrivoit aucun mal, & défabusés par Pexpérience, ils comprirent qu'on s'étoit mocqué d'eux, & consentirent à recevoir la religion chrétienne. Les prêtres Polonois les inftruifirent pendant quelques jours des articles de foi, & leur apprirent Poraifon dominicale & le fymbole mais celui qui travailla le plus efficacement à leur converfion fut le roi lui-même, qui fçavoit leur langue & les perfuadoit plus facilement. Les plus nobles furent baptifés Pun après Pautre; mais pour le peuple, comme ç'eut été un travail immenfe de les baptiser chacun en particulier, le roi les fit féparer en diverses troupes de fun & de Pautre fexe, que Pon afpergeoit fuffilamment d'eau bénite; & à chaque troupe on donnoit un feul nom Chrétien, comme Pierre, Jean, Catherine ou Marguerite, (au lieu de leurs noms barbares.)

C'est le premier exemple que j'ai trouvé du baptême donné par afperfion à une grande multitude; & il y a grande raifon de douter qu'il foit valable, puifqu'il eft au moins très - dangereux que plufieurs dans la foule

AN. 1387.

3. part. q. 66.

art. 7.

ne reçoivent point d'eau. Je fçai que faint Thomas dit que Pon peut baptifer par afperfion à caufe de la multitude, & cite Pexemple de trois mille que faint Pierre convertit le jour de la Pentecôte; mais Pécriture ne dit A. II. 41. pas qu'ils furent tous baptifés le même jour: on doit plutôt croire, fuivant Pefprit de Pantiquité, qu'ils furent baptisés à loifir, après avoir été foigneufement

examinés.

Le roi Jagellon diftribua à tous les nouveaux baptifés des habits d'étoffe de laine, qu'il avoit fait venir de Pologne: ce qui leur fut très-agréable, parce que jufques-là ils n'étoient vêtus que de toile où de peaux de bêtes. Le bruit s'étant donc répandu que le roi faifoit de telles libéralités, ils accouroient en troupes de tout le pays, demandant le baptême pour avoir des habits de laine; telle étoit leur groffiéreté. Les militaires & les anciens que Pon baptifoit en particulier, s'empreffoient de venir à Vilna avec leurs femmes & leurs parens, pour être inftruits & baptifés. Le pape Urbain ayant appris cette heureuse nouvelle de la converfion des Lithuaniens, écrivit au roi pour Pen féliciter, se plaignant toutefois de n'avoir point reçu d'envoyés de la part fur ce fujer. Le bref eft du dix-feptième d'Avril

1387.

Pour affermir la religion dans le pays, le roi fonda à Vilna une église cathédrale en l'honneur de la fainte Trinité, fous le titre de faint Stanisflas, évêque & mar tyr, comme du patron commun des Polonois & des Lithuaniens, réunis déformais par une même domination & une même religion. Le grand autel fut placé au même lieu où avoit été le feu qu'ils croyoient perpétuel; & Péglise dédiée par Bodžanta, archevêque de

« AnteriorContinuar »