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AN. 1394.

ne fonge qu'à fatisfaire fon avidité insatiable.

Voici la peinture que fait Pauteur du triste état de P. 95. Péglise pendant le schisme. Elle est tombée dans la fervitude, la pauvreté, le mépris: elle eft expofée au pillage: on éleve aux prélatures des hommes indignes & corrompus, qui n'ont aucun fentiment de juftice ni d'honnêteté, & ne fongent qu'à affouvir leurs paffions brutales. Ils dépouillent les églifes & les monafteres: le facré & le profane tout leur eft indifférent, pourvû qu'ils en tirent de Pargent : ils chargent les pauvres miniftres de l'église d'exactions intolérables, & les font lever par des hommes inhumains qui n'épargnent perfonne, & ne laiffent pas de quoi vivre: on voit par tout des prêtres mandians, & réduits aux fervices les plus bas. On vend en plufieurs lieux les reliques, les croix, les calices & tous les vafes facrés, pourvû qu'ils foient d'or ou d'argent: on voit les églises tomber en

ruine.

Que dirons-nous de la fimonie qui domine tellement dans Péglise, que presque tout lui est soumis? Sans argent peu de gens obtiennent des graces & trèsdifficilement: celui qui en a, peut dormir en repos, il n'a rien à craindre. C'eft la fimonie qui diftribue aux plus corrompus, pouryû qu'ils foient riches, les bénéfices qui font de quelque profit, principalement les cures: elle méprise les pauvres, quelques doctes qu'ils foient; au contraire plus les clercs font fçavans, plus elle les hait, parce qu'ils la condamnent plus librement, & ne veulent point employer fon fecours pour obtenir des bénéfices. Ce qui eft de plus déplorable, c'eft qu'on vend jufqu'aux facremens, principalement Pordination & la pénitence; Pon éleve ainsi aux digni

tés

tés eccléfiaftiques des perfonnes très-incapables & trèsviles.

Que dirons-nous du fervice divin diminué par tout, & en quelques lieux entiérement abandonné? Que dirons-nous des mœurs & des vertus de l'ancienne église tellement oubliées, que fi les peres revenoient, à peine pourroient-ils croire que ce fût la même église qu'ils ont autrefois gouvernée? Enfin ce malheureux schisme expofe notre fainte religion à la risée des Egyptiens & des autres infidéles, qui croyent avoir trouvé Poccafion favorable de nous infulter: ce fchifme enhardit les hérétiques qui commencent à lever la tête impunément, & à femer leurs erreurs, du moins en cachette, en forte que la foi eft attaquée de toutes parts.

AN. 1394.

Labou. p. 267.

Cette lettre ayant été luë au roi, il en parut content, & la fit traduire en François pour être examinée plus à loifir; car elle étoit écrite en Latin, fuivant Pufage de Puniverfité. Il donna jour aux députés pour recevoir sa réponse. Mais pendant l'intervalle le cardinal Id. ibid. de Lune fe donna tant de mouvement, qu'il fit changer la disposition de la cour; & le jour de l'audience étant venu, le chancelier Arnaud de Corbie dit aux députés de Puniverfité: Le roi ne veut plus entendre parler de cette affaire, il vous défend absolument de la poursuivre, ni de recevoir aucunes lettres sur ce sujet, que vous ne les lui apportiez fans les ouvrir. L'univerfité après avoir infifté inutilement, fit ceffer les leçons, les prédications & les autres exercices de fa profeffion, jusqu'à ce qu'on lui fît justice.

102.

Cependant Puniverfité de Cologne écrivit à celle Spicil. to. 6. p. de Paris, louant beaucoup fon zele Pextinction pour du fchifme, & les pourfuites qu'elle faifoit auprès du

Tome XX.

Hhh

roi; & la lettre ajoûte : Nous ne doutons point du bon AN. 1394. droit du pape Boniface; & quoique nous fçachions que vous êtes d'un autre avis, nous ne laiffons pas de vous supplier que fi Dieu vous inspire quelque bon moyen pour parvenir à Punion de Péglise, vous vouliez bien nous en faire part. La lettre eft du cinquième de Juillet 1394. & Puniversité de Paris y répondit, louant les bonnes intentions de celle de Cologne, mais Pexhortant à quitter Boniface & reconnoître Clement.

Spicil. p. 109.

La lettre de Puniverfité au roi fut envoyée par fon Duboulai p. 699. ordre au pape Clement, auquel Puniverfité elle-même écrivit ensuite, le priant d'y avoir égard, & aux trois voyes d'union qui y font propofées. Elle fe plaint amérement du cardinal de Lune fans le nommer. Il a tenté premiérement, dit-elle, d'empêcher que nous n'euffions audience du roi, & n'y ayant pas réuffi, il s'est efforcé de nous faire impofer un perpétuel filence; mais on le lui a refusé. L'univerfité demande justice au pape, & Pexhorte à travailler sérieusement à Punion, puis elle ajoûte: Le mal eft venu à ce point, que plufieurs difent tout haut: Il n'importe qu'il y ait plufieurs papes, nonfeulement deux ou trois, mais dix ou douze : on en pourroit mettre un en chaque royaume, qui fussent tous égaux en autorité.

II.

ment VII.

Le

Clement pape ayant reçu ces lettres, les lut en Mort de Cle-préfence de ceux qui étoient avec lui; puis fe levant en grande colere, il dit tout haut: Ces lettres font empoip. 536. 1396. fonnées & tendent à diffamer le faint fiége. Il n'y

Vita PP. to. I.

fit

point d'autre réponse ; & ceux qui les avoient apportées craignant pour leurs perfonnes, fe retirerent promptement. Depuis ce jour Clement demeura trifte & penfif, & peu après il lui vint une maladie qui parut légere,

& ne lui fit point garder le lit: mais le mercredi feiziéme Septembre 1394. après avoir oüi la messe, étant rentré dans fa chambre, il fut attaqué d'apoplexie, comme il étoit affis, & en mourut. Il avoit tenu le faint fiége près de feize ans, & il n'y eut que onze jours de vacance.

AN. 1394.

Duboulai to. 4.

& P. 701.

Avant que la nouvelle de cette mort fût arrivée à Paris, les envoyés de l'univerfité étoient revenus, avoient rapporté comment le pape avoit reçu leur lettre, & Pavoit traitée de mauvaise & d'empoifonnée; fur quoi Puniversité le croyant encore vivant, lui écrivit une autre lettre, où elle se plaint fortement de la dureté de cette expreffion, & prie le pape de lui envoyer une réponse plus favorable. Mais quand on fçut la mort de Clement dès le lendemain mercredi, vingt-troisiéme de Septembre, Puniverfité envoya au roi une députation de docteurs en petit nombre, qui le prierent de demander aux cardinaux d'Avignon qu'ils retardafsent Pélection, jusqu'à ce qu'il eût plus amplement délibéré fur Paffaire de Punion. Ils le prierent encore d'affembler les prélats & les barons du royaume, membres les plus fameux des univerfités, & quelques notables bourgeois qui donnaffent leur avis fur la maniere de procéder en cette affaire fi difficile. En troifiéme lieù ils le prierent d'écrire au pape Boniface & aux feigneurs qui tenoient fon parti; & de permettre à Puniverfité de Paris d'écrire aux autres univerfités fur ce fujet : enfin de faire faire dans fon royaume des proceffions & des prieres publiques, pour la paix de Péglife.

les

Le roi trouva ces demandes fi raisonnables, qu'il les accorda toutes, & fit aux députés une douce répri

Spicil. p. 6o.

AN.

gnon.

1394.

III.

mande d'avoir ceffé fi long-temps leurs leçons & leurs autres exercices, leur ordonnant de les reprendre: ce qu'ils promirent de bon cœur, & s'en retournerent pleins de joye.

Le même jour après-dîné le roi Charles VI. assembla fon confeil, où étoient fon frere le duc d'Orléans, fes oncles le duc de Berry & le duc de Bourbon, l'évêque du Pui & quelques autres feigneurs, entr'autres Jean le Maingre, dit Boucicaut. Le chancelier leur dit de la part du roi, la réponse qu'il avoit faite à Puniversité, puis il ajoûta: L'intention du roi eft après avoir écrit aux cardinaux d'Avignon de leur envoyer le patriarche Simon de Cramaud, maître Pierre d'Ailli, fon aumônier, & le vicomte de Melun, pour travailler à Punion de Péglise. Alors le duc de Berry dit: Je connois bien les difpofitions de ces cardinaux ; ils recevront plus volontiers des laïques qui n'auront autre chose à négocier, que d'expliquer la volonté du roi, qu'ils ne recevroient des eccléfiaftiques. Je fçai encore que l'aumônier du roi ne leur eft pas agréable, parce qu'ils croyent qu'il a été le principal confeil de Puniverfité en ce qu'elle a fait. Il fuffira donc d'y envoyer un chevalier & un fécretaire avec le maréchal de Sancerre qui demeure près d'Avignon. Tout le confeil fut de cet

avis.

Le roi choifit donc pour envoyer à Avignon ReConclave à Avi- naud de Roye & le maréchal de Boucicaut, & fit partir devant un courier chargé d'une lettre, où il prioit les cardinaux de différer Pelection jusqu'à Parrivée de fes Spicil. p. 63. envoyés. Mais quand le courier arriva, ils étoient entrés au conclave dès le famedi au foir, vingt-fixiéme de Septembre, feulement il n'étoit pas encorę fermé,

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