Le courier présenta la lettre du roi au cardinal de Florence, doyen du collége. Les cardinaux jugerent bien ce qu'elle contenoit ; & pour ne paroître pas mépriser la priere du roi, ils réfolurent tout d'une voix de n’ouvrir la lettre qu'après qu'ils auroient élu un pape. Or voici comme ils y procederent. Premiérement pour pouvoir dire qu'ils n'étoient point fauteurs du fchifme, ils drefferent un acte, où ils difoient en fubftance: Nous promettons & jurons que nous travaillerons de bonne foi à finir le fchifme qui regne maintenant dans Péglife, & donnerons pour cet effet aide & confeil au pape futur, fans faire rien au contraire; ce que chacun de nous observera, quand même il seroit élevé au pontificat: jusqu'à céder cette dignité, fi les cardinaux jugent qu'il foit expedient pour Punion de l'églife. Les cardinaux foufcrivirent cet acte, & en jurerent Pobservation fur les évangiles dans le conclave, devant Pautel où Pon célébroit la meffe commune. Ceux qui foufcrivirent étoient au nombre de dix-huit, dont le premier étoit Gui de Maloesse, évêque de Palestrine, dit le cardinal de Poitiers, & Pierre de Lune étoit le feiziéme; il y en avoit trois autres préfens qui ne foufcrivirent point, fçavoir, le cardinal de Florence, doyen, le cardinal d'Aigrefeuille & celui de saint Martial, Hugues du titre de fainte Marie au Portique. Deux étoient absens d'Avignon, Jacques évêque de Sabine, de la maison royale d'Arragon, & Jean de Neufchatel, évêque d'Oftie: c'étoit en tout vingt-trois cardinaux de Pobedience de Clement VII. IV. Benoit XIII. pape. Le lundi vingt-huitième de Septembre, veille de la faint Michel, les cardinaux préfens élurent pape tout d'une voix Pierre de Lune, puis à Pheure du dîner ils Vita p. 566. fortirent du conclave, & menerent le nouveau pape à AN. 1394. Péglise cathédrale d'Avignon, où il prit le nom de Benoît XIII. & le garda pendant trente ans. Il y en avoit dix-neuf qu'il étoit cardinal, Payant été fait par GreSup. liv. XCVII. goire XI. en 1375. on le nommoit le cardinal d'ArraVita p. 1182. gon. A la mort de Gregoire il fut eftimé digne de remVita p. 1186. plir le faint fiége à cause de ses bonnes mœurs, n. 37. &c. quoique fort jeune. Il fut de ceux qui élurent Urbain VI. & témoigna d'abord être perfuadé de la validité de fon élection: mais il n'affifta que malgré lui à l'intronisation, & fit ce qu'il put pour s'en exempter. Il fut toutefois le dernier qui fortit de Rome & vint à Anagni, où il élut Clement VII. avec les autres, & lui demeura toujours attaché. Clement Penvoya légat en Arragon & en Castille, Th. Niem. II. & il demeura plufieurs années en Espagne, travaillant à étendre, autant qu'il pouvoit, Pobedience d'Avignon, mais fans négliger fes intérêts particuliers; de forte qu'il y amaffa beaucoup d'argent. Il ne laiffoit c. 33. Spicil. p. 65. Rain. n. 7. pas Quand Puniverfité de Paris eut appris Pélection du pape Benoît, elle lui écrivit une lettre, où elle dit: AN. 1394. Nous avions prié les cardinaux de différer un peu Pélection, efpérant que ce feroit un moyen de faciliter Pextinction du schisme: mais quand nous avons fçu certainement qu'ils s'étoient tous accordés à vous élire, nous avons été comblés de joye, espérant que le defir ardent que vous avez eu jusqu'ici dans le cœur, de la réunion de Péglife, & que vous avez encore, comme nous l'apprenons & le croyons, fe produira enfin au dehors en une occafion fi favorable. Ils l'exhortent enfuite par les motifs les plus pressans à ne pas différer un jour, & ajoûtent: Vous direz peut-être : La chose ne dépend pas de moi feul. Croyez-nous, faint pere, Spicil. p.68. la paix de l'église est en votre pouvoir; nous ne vous demandons que d'accomplir fidélement ce qui dépend de vous. Si votre adverfaire en fait autant, la chofe fera finie; s'il s'opiniâtre à rejetter toute voye d'union, tout le monde le condamnera & s'accordera à le pourfuivre comme un malheureux fchifmatique, & le chaffer du fiége qu'il a ufurpé. La lettre eft du neuviéme d'Octobre 1394. Avant que le pape Benoît reçût cette lettre, il en écrivit une à l'université, lui donner de fon , pour part élection, où après en avoir raconté la maniere, il ajoûte: Comme nous connoiffons par une longue expérience de diverses légations la grandeur du fardeau, principalement dans le temps de ce malheureux schifme, nous avons représenté notre insuffisance & notre foibleffe, & demandé plufieurs fois instamment d'être déchargé; & n'ayant pû Pobtenir, nous nous fommes enfin foumis avec confiance en la miféricorde de Dieu. La fuite fera voir la fauffeté & Phypocrifie de cette protestation, qui depuis quelques fiécles avoit presque P. 120. AN. 1394. 123. paffé en ftyle. La lettre est du onzième d'Octobre. Mais après que Benoît eût reçû la lettre de PuniverSpicil. p. 70. fité, il lui en écrivit une feconde en date du douzième de Novembre, où il témoigne toujours le même désir de Punion, & ajoûte: Nous avons fait fçavoir notre intention fur ce sujet aux rois & aux princes catholiques par divers nonces, particuliérement à notre cher fils le roi de France, & aux princes de sa maison, par Gilles, évêque d'Avignon, & Pierre de Blaie, docteur en decret, qui vous Pauront fait connoître. L'évêque d'Avignon étoit Gilles de Bellemere, fameux docteur de droit, qui fut premiérement archidiacre d'Angers, évêque de Lavaur, ensuite du Pui, & enfin d'Avignon Gall. Chri. nova p. 826. 15. Spic. p. 70. Rain. 1394. n. en 1390. Etant arrivé à Paris, il rendit à Puniverfité la lettre du & lui déclara que fi elle vouloit envoyer au pape, pape un rôle des bénéfices qu'elle demandoit, il le figneroit volontiers. L'univerfité envoya en effet à Avignon un rôle dressé par un conseil des docteurs & du recteur. Gilles de Bellemere vit auffi le roi Charles & Pexhorta à s'appliquer à Punion de l'églife: c'eft pourquoi le roi envoya à Avignon Pierre d'Ailli, docteur en théologie & fon aumônier, pour avoir une conférence fecrete avec le pape. Boniface de fon côté ne faifoit autre démarche vers Punion, que de ramener, s'il eût pû, tout le monde à fon obedience. C'eft pourquoi ayant eu avis qu'en France, en Provence, en Piémont & en d'autres Provinces, quelques perfonnes qui avoient reconnu Clement VII.pour pape vouloient revenir à Pobedience de Rome, il donna pouvoir à Pierre, patriarche de Grade, qu'il envoyoit à la cour de France, de les abfoudre de toutes les les cenfures qu'ils avoient encouruës, après avoir reçû leur abjuration, fuivant la formule qu'il lui en donne. La commiffion est du dix-fept d'Octobre 1394. Dès le mois d'Avril Boniface avoit envoyé en Espagne avec une pareille commiffion François Hugacion, archevêque de Bourdeaux, Italien, natif d'Urbin, Jurifconfulte fameux : mais fa légation n'eut pas plus d'effet que celle du patriarche de Grade; & les Espagnols comme les François demeurerent attachés à Pobedience de Benoît, ou plutôt de celui qui feroit élu pape à la place des deux contendans. AN. 1394. ris. V. conci'e de Pa Spicil. p. 71. 2511. En France le roi Charles & fon conseil voyant que le temps fe paffoit inutilement en députations & en ambaffades, convoqua une grandé assemblée à Paris To. xi. conc. p. pour le jour de la Chandeleur, fecond de Février 1-395. Juven. J. 10. & le palais fut marqué pour le lieu des conférences. & 108. Plus de cent cinquante prélats étoient mandés à cette affemblée, mais plufieurs s'en excuferent fur leur grand âge, leur infirmité ou leur pauvreté. De ceux qui vinrent, les plus remarquables font: deux patriarches, Simon de Cramaud d'Alexandrie, administrateur de Pévêché de Carcassone, & N. de Jerufalem, administrateur de l'église de faint Pons: fept archevêques, de Lyon, Sens, Reims, Rouen, Tours, Bourges & Be+ fançon quarante-fix évêques, neuf abbés, quelques doyens & grand nombre de docteurs, qui font tous nommés. Avant que le concile commençât, tous les prélats élurent pour préfider, le patriarche Simon de Cramaud, fameux docteur en decret, fubtil & éloquent. Alors le docteur Pierre d'Ailli revint d'Avignon, & rendit compte au roi de fa députation vers lé pape Benoît; Tome XX. Iii I |