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fois ont correspondance entre elles: méprisant tous AN. 1349 les autres menant une vie finguliere, fans permission d'aucun fupérieur, & nonobftant les loix qui défendent de telles affemblées, & fe font fait de leur autorité des statuts & des réglemens déraisonnables. Ce qui nous afflige le plus, c'est que quelques religieux principalement des Ordres Mandians fe laiffent entraîner à leur féduction, & prêchent en leur faveur.

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Afin donc de prévenir les maux que ces assemblées pourroient causer dans l'église & dans létat, nous vous ordonnons de les dénoncer publiquement réprouvées & illicites; & d'avertir & exhorter tous les fidéles, clercs ou laïcs engagez dans cette fuperftition de s'en retirer: s'ils ne le font, vous les y contraindrez par cenfures eccléfiaftiques, & ceux fur lesquels vous avez jurisdiction temporelle, par peines temporelles. Quant aux religieux ou aux autres qui prêchent ou dogmatifent pour autorifer ces erreurs, vous les ferez prendre, & les tiendrez prisonniers jusques à nouvel ordre. Nous ne prétendons pas toutefois empêcher que les fidéles n'accomplissent la pénitence qui leur fera imposée canoniquement ou qu'ils feront par dévotion & avec une intention pure dans leurs maisons ou ailleurs fans fuperftitions ni affemblées telles que deffus. La bulle eft du vingtiéme d'Octobre 1349. & fe trouve auffi adreffée à l'évêque de Magdebourg & à fes fuffra

gans.

A Paris le recteur & ceux que l'on avoit députez firent une conclufion contre les flagellans, qui fut examinée & approuvée par toute l'univerfité dans une asfemblée générale le mardi d'après la Touffaints, c'està-dire, le troifiéme de Novembre de la même année.

AN. 1350.

C. Nang. P.

Radulfi pontif.

Par le conseil des docteurs en théologie de Paris le roi
Philippe défendit que les flagellans ne vinffent en Fran-
ce fous peine de la vie ; & ce fut auffi par ces docteurs 811.
que le pape fut pleinement informé de cette nouvelle Leod. c.3.
fuperftition; car ils lui envoyerent des députez pour ce
fujet. Les flagellans difoient entr'autres folies que le fang
qu'ils répandoient abondamment fe mêloit avec celui de
J. C. pour la rémiffion des péchez.

L.

Jubilé de 1350.

Rain. n. 11.

Comme le Jubilé réduit à cinquante ans devoit être Pannée fuivante, le pape Clement crut à propos d'en rafraîchir la mémoire par une bulle qu'il envoya à tous les évêques, & qui contient celle qu'il avoit donnée le vingt-feptiéme de Janvier 1343. Celle-ci eft du dix-hui- Sup. n. 14. tiéme d'Août 1349. & ajoûte feulement ordre aux évêques de la publier dans leurs diocèses, afin que tous les

fidéles fe difpofent à gagner Pindulgence.

n. 69.

L'effet de ces bulles fut grand, & le concours de M.Vill.I.c. 56. pelerins à Rome prodigieux. L'ouverture du Jubilé se fit à Noël 1349. où l'on comptoit 1350. car Pannée commençoit à Rome par cette fête, comme on voit dans la bulle du premier Jubilé de 1300. Or cette an- Sup.liv.LXXX1% née le froid fut extrême, mais la dévotion & la patience des pelerins étoit telle, que rien ne les arrêtoit, ni les glaces, ni les neiges, ni les eaux chemins rompus. Ils étoient pleins jour & nuit d'hommes & de femmes de toute condition. Les hôtelleries & les maisons qui fe rencontroient fur les chemins n'éFoient pas fuffifantes pour y contenir les hommes & les

ni les

chevaux, & leur donner le couvert. Les Allemands &

les Hongrois plus accoûtumez au froid se tenoient dehors, & paffoient la nuit ferrez ensemble à grandes troupes avec de grands feux. Les hôteliers ne pouvoient

donner

répondre à tout le monde, non-seulement pour AN. 1350. du pain, du vin & de lavoine, mais pour recevoir de Pargent; & il arriva fouvent que les pelerins voulant continuer leur voyage, laifferent Pargent de leur écot fur la table, & aucun des paffans n'y touchoit, jusqu'à ce que Phôte le vînt prendre. Par le chemin il n'y avoit ni querelles ni bruits, mais ils compatisfoient les uns aux autres, s'aidoient, fe confoloient avec patience & charité. Quelques voleurs du pays commencerent à en piller & à en tuer, mais les pèlerins eux-mêmes se secourant réciproquement, les tuoient ou les prenoient, & les gens du pays faifoient garder les chemins.

On ne crut pas poffible de compter le nombre des pelerins: mais par Peftimation des Romains le jour de Noël, les fêtes folemnelles qui fuivirent, & pendant le carême jufqu'à Pâques, il y en eut continuellement à Rome depuis un million jusqu'à douze cens mille. A PAfcenfion & à la Pentecôte plus de huit cens mille. Mais quand l'été vint, les pelerins commencerent à manquer par Poccupation de la récolte, & le chaud exceffif; & toutefois le moins de pelerins qu'il y eût, fut de deux cens mille étrangers. Les rues de Rome étoient continuellement fi pleines qu'il falloit fuivre la foule, foit à pied foit à cheval. Les pelerins offroient tous les jours de la vifite à chacune des trois églifes qui plus qui moins fuivant leur dévotion.

Le dimanche de la paffion on montra pour la premiere fois le fuaire de N. S. c'est-à-dire, l'image portée par la Veronique : & alors la preffe fut fi grande dans l'églife de faint Pierre que plufieurs furent étouffez en ma préfence. Ce font les paroles de Henri moine de Rebdorf, par lesquelles il femble montrer que dès lors on

attribuoit

AN. 1350.

Chafiel. martyr.

205.

attribuoit le nom de Veronique à la femme que les peintres représentoient portant la fainte face de N. S. & dont on a fait enfuite une femme effective & une fainte: 13. Janvier. p. au lieu que le nom de Veronique fignifie l'image même de la fainte face, ainfi nommée dès le temps du pape Innocent III. Matthieu Villani ajoûte que pour la con- Sup. liv. LXXVI. folation des pelerins on montroit le faint fuaire tous les dimanches, & toutes les fêtes folemnelles, & qu'il y eut quelquefois jusqu'à douze personnes écrasées dans la preffe.

Les Romains étoient tous devenus hôteliers, donnant leurs maisons aux pelerins à cheval, & leur faisant payer le gîte fort cher tant pour eux que pour leurs chevaux. De plus il falloit que les pelerins pourvussent à leur nourriture, & les Romains pouvant avoir les vivres en abondance & à bon marché, eurent la malice de tenir fort chers toute Pannée le pain & le vin & la viande : faifant défenses aux marchands d'en apporter de dehors, pour vendre le leur plus cher. Ala fin de Pannée comme au commencement la multitude des pelerins fut plus grande; & alors vinrent les grands feigneurs, les dames & les perfonnes confidérables d'Italie & des autres pays. Aux derniers jours on difpenfa tous ceux qui fe trouverent à Rome de ce qui leur manquoit du temps de leurs ftations, afin que tous puffent gagner l'indulgence.

12. II.

M. Vill. 1. c. 88.

Pendant le cours de cette année le cardinal Anni- Rain. n. 3. 4. bal de Cecano évêque de Tufculum, vint à Rome en qualité de légat, afin de pourvoir à la tranquillité publique & à la commodité des pelerins. Mais les Romains en furent mécontens, parce qu'il donnoit des difpenfes pour abreger le temps des stations : ainsi les

Tome XX.

N

pelerins faifoient à Rome moins de fejour & de dépenAN. 1350. fe. Plufieurs fois comme il étoit dans fon logis ils y tirerent des fleches, & firent infulte à fes domestiques, & les attaquoient quand ils marchoient par la ville. Le légat indigné partit de Rome, & s'en alla en Campanie: mais il mourut en chemin empoisonné avec plufieurs

11,

15.

Rain. 1349.n.

des fiens.

Plufieurs princes représenterent au pape qu'ils ne pouvoient aller à Rome gagner le Jubilé: entr'autres les rois de Castille, d'Arragon, de Portugal, & de Chipre, & le Duc d'Autriche. C'est pourquoi ils demandoient en grace au pape qu'ils puffent gagner l'indulgence d'une autre maniere. Le pape différa de leur répondre, & manda feulement au Duc d'Autriche AlId. 1350. m. 2. bert, qu'il en délibéreroit avec les cardinaux. Ensuite il fit cette réponse à Hugues roi de Chipre : Nos freres les cardinaux confiderant que cette indulgence est accordée non-feulement pour le falut des ames, mais encore pour l'honneur des faints, n'ont aucunement voulu confentir qu'on l'accordât à perfonne, qu'à ceux qui vifiteroient leurs églises. La lettre eft du quatorziéme d'Août. Depuis le pape permit à Jean archevêque de Brindes inter-nonce en Sicile, de donner Pindulgence de Jubilé à trente perfonnes, à condition que s'ils avoient effectivement réfolu d'aller à Rome, & avoient été retenus par des empêchemens légitimes, ils payeroient la fomme à laquelle feroient évalués les frais de leur voyage, pour être employée à l'augmentation de la foi, & en autres œuvres pies, suivant la difpofition du pape.

Mar.lib.xvI. c. Le roi de Caftille étoit Alfonfe XI. furnommé le M.Vill.1.c.41, jufticier. Il n'avoit garde d'aller à Rome gagner le Ju

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