Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CHAP VIII. de cette action dans le tems même que fa volonté y confent. Cet autre qui fe parjure en juftice pour gagner un procès, où il s'agit de fes biens, de fon honneur ou de fa vie, ne le fait qu'à regret & avec horreur. Plufieurs déteftent dans le fond de leur cœur la fureur des duels, dans le tems même qu'ils vont fe battre ; parce qu'ils craignent encore plus la honte dont ils croiroient fe charger devant les hommes, s'ils ne fe bat-toient pas, qu'ils ne craignent de tomber dans la haine de Dieu, & de perdre leur ame. C'est ainsi que Pilate livra Jefus Chrift à la mort. Il déteftoit la perfidie des Juifs qui pourfuivoient fa mort; & cependant la, crainte de perdre l'amitié de l'Empereur lui fait commettre une injuftice qui lui paroiffoit horrible. Hérode fut faifi de trifteffe & de douleur lorfque la fille d'Hérodiade lui demanda la tête de Jean- Bâtifte: &. cependant par une complaifance cri minelle pour cette femme, & par la crainte de ce que fes Oficiers pourroient penfer de lui, il commit un crime qui l'a rendu l'horreur de tous les fiécles, & dont lui-même avoit

horreur. Il eft donc conftant qu'il ne CHAP. VII. fufit pas pour être converti, d'avoir quelque douleur, quelque horreur pour le péché, & que cette douleur & cette horreur n'exclud pas toujours l'afection, & la volonté de pécher. Car comment pourroit-on s'imaginer que des pécheurs foient fincerement convertis, & que la volonté de pécher eft détruite en eux, quand ils n'auront après leurs crimes qu'une averfion, une haine, & une horreur du péché, comme celle qu'ils en avoient auparavant, & qui n'a pas été fufifante pour les empêcher de le com

mettre.

D. Faut-il faire une grande atention à ce qu'on vient de dire?

R. On ne fauroit y faire trop d'atention; car une infinité de perfonnes s'abufent, & fe trompent euxmêmes, s'imaginant être bien convertis, croiant avoir une véritable contrition ou atrition, dès-qu'ils fentent qu'ils ont quelque douleur, & quelque horreur de leurs péchez, & quelque amour pour la loi de Dieu & pour la vertu. Cependant leur converfion, leur contrition ou leur atri

CHAP. VIII. tion n'eft point véritable & fufifante; fi la douleur, la haine & l'horreur du péché n'est point fouveraine, fi elle ne change point les difpofitions du cœur, fi elle n'eft point affez forte pour ôter abfolument l'afection & la volonté de tout péché mortel, & s'ils ne font fortement & abfolument réfolus de n'en commettre jamais aucun, quoiqu'il leur puiffe arriver ;. étant prêts à facrifier leurs biens leur honneur, & la vie même, plûτότ que de perdre Dieu par un péché. mortel, qu'ils doivent regarder comme le fouverain mal.

>

D.

CHAPITRE IX.

Q

Du bon propos.

Uelle eft la feconde difpofition que doit enfermer toute contrition parfaite, ou imparfai

te?

R. C'eft le bon propos, c'est-à-diré, la réfolution de ne plus pécher à l'avenir.

D. Qu'entendez-vous par ce bon

3 propos, ou cette réfolution de ne plus CHAP. IX. pécher à l'avenir ?

R. J'entens une volonté conftante & arrêtée de tout foufrir, & de tout perdre, même la vie, plûtôt que de commettre jamais un feul péché

mortel.

D. Que concluez-vous de là pour la pratique?

R. Je conclus que ce bon propos, ou cette résolution eft dans le cœur ou la volonté, & ne consiste pas dans les pensées, comme fi ce bon propos & cette réfolution n'étoit qu'une action de l'efprit; & que par conséquent il ne fufit pas que l'on penfe en foi-même qu'il ne faudra plus pécher à l'avenir; ou qu'on fe forme une idée de bon propos, ou qu'on fe représente par la pensée la volonté de ne plus pécher; comme font plufieurs de ceux qui lifent ces formules de prieres qu'on apelle Actes de Con

tion. Car fouvent ils font fort éloignés d'avoir ce bon propos, & cette volonté conftante & arrêtée de plutôt mourir que de commettre jamais un feul péché mortel. Et cependant ils croient l'avoir éfectivement dans le cœur à caufe qu'ils en ont

CHAR. IX. fidée & la pensée dans leur efprit; prenant l'idée ou la pensée que leur efprit s'eft formée du bon propos & de cette ferme volonté, pour le bon propos même, & pour cette ferme volonté ; quoique ces deux chofes foient tout-à-fait diférentes.

D. Ne peut-on pas croire qu'on a ce bon propos & cette réfolution dès qu'on fent quelque défir, & quelque volonté de fe corriger & de changer de vie?

la bon

R. Non; car, felon la doctrine des Peres, l'Enfer eft plein de ces fortes de bons défirs, & les pécheurs fans fe convertir ont fouvent de ces bonnes volontés. Il faut que ne volonté qui forme ce bon propos, foit affez forte pour convertir & changer le cœur, & pour arrêter toutà-fait la volonté de pécher mortellement,pour quelque raifon que ce puiffe être. Il faut que la volonté nouvelle foit affez robufte & affez vigoureuse, pour furmonter la volonté du vieil homme. Or pour produire cet éfet, il faut que cette volonté de changer de vie, ou cette réfolution de ne plus pécher, ait certaines qualités.

« AnteriorContinuar »