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PARTIE

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le poffedé ne le fût véritablement. Je n'infifte ni fur fa violence & fa fureur ni fur fa force capable de brifer les chaînes, ni fur fa vie farouche, accompagnée d'excès contre foi-même, de clameurs & d'agitations infatigables. Je me réduis à ces quatre ou cinq circonftances qui font certainement décifives: 1°. A la maniere dont il accourt pour le profterner aux pieds de Luc. 8. 7. Jefus, qu'il n'avoit jamais vû puifqu'il étoit poffedé depuis long-tems, & qu'il appelle le Fils du Dieu trèshaut, ce que tout au plus fes Apôttes alors auroient pû dire. 2°. A la fupplication & à la conjuration même par le nom de Dieu que lui fait le poffedé de ne le pas tourmenter, & de ne lui pas commander d'aller dans l'abîme; terme qui fignifie certainement l'Enfer. le plus profond, peu connu des Juifs, & nié par les Sadducéens. 3°. A la permiffion qu'il lui demande d'entrer dans les pourceaux, ce qui étoit impoffible au poffedé, & fans aucun fens à fon égard. 4o. A la violence avec laquelle deux mille pourceaux allerent fe précipiter du haut des rochers dans la mer, à l'inftant même que Jefus-Chrift eût accordé à ceux qui parloient par la

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bouche du poffedé la permiffion d'entrer dans ces animaux impurs. 5°. Enfin à la tranquillité, au bon fens, au changement univerfel & fubit du poffedé, auffi-tôt que les démons l'eurent quitté pour entrer dans les pourceaux & les précipiter.

La poffeffion eft donc indubitable, & par confequent la délivrance du poffedé l'eft auffi. Mais examinons le fond de l'hiftoire par une autre voye. Auroit-on pû faire croire aux Gerafe niens un fait de cette importance, s'il leur avoit été abfolument inconnu ? fi aucun homme dans leur voisinage n'avoit reffemblé à celui dont parlent les Evangelistes? fi les perfonnes inter reffées au troupeau qu'on fuppofe noyé n'avoient rien perdu? fi dans le païs de Décapolis on n'avoit point oui parler des grandes graces qu'un homme plein de reconnoiffance difoit avoir reçuës de Jesus-Chrift ?

Etoit-il naturel de feindre dans un feul poffedé une légion de démons? de faire demander à ces efprits comme une grande grace la permiffion d'entrer dans des pourceaux, & de demeurer ainfi dans le pays: & de fuppofer enfuite que ces efprits précipiterent en un mo

CHAPITRE
XXI.

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PARTIE ment tous ces animaux dans la mer ? L'abîme où ces efprits craignoient d'être précipités eux-mêmes avant le tems de leur derniere condamnation, & une telle crainte font-ils conformes aux préjugés communs? Se feroit-on attendu que l'homme délivré par un fi grand miracle, & demandant comme une nouvelle grace de fuivre Jesus-Christ, n'en auroit pas la liberté, lui qui auroit par fa présence donner tant de poids à la doctrine & aux autres miracles de fon Liberateur? Enfin auroit-on crû, fi l'évenement ne l'avoit déclaré, que Jefus-Chrift ne feroit allé que pour un feul homme aux païs des Gérafeniens, & qu'il auroit fi facilement cédé à la priere qu'on lui fit d'en fortir? Tout cela, & beaucoup d'autres obfervations qu'on peut faire, démontrent invinciblement la vérité du miracle.

Mais le miracle lui-même de combien de chofes devient-il la démonftration? Je laiffe à part l'aveu que font les démons que Jefus - Chrift eft le Fils du Dieu très-haut: je me contente de les voir profternés & tremblans devant lui, quoiqu'ils foient une légion, reconnoître à fes pieds qu'il peut les envoler dans l'abîme & prevenir le tems

où il les contraindra de s'y précipiter; CHAPITRE lui demander comme une grace la

per

miffion d'entrer dans des animaux immondes, & avouer ainfi leur dépendance, leur dégradation, leur amour pour ce qui eft le plus bas & le plus

impur.

J'admire avec quelle bonté JesusChrist a protegé fi long-tems un homme que ces bêtes cruelles avoient ce femble en leur pouvoir, qu'elles tenoient dans des folitudes écartées loin de tout fecours, qu'elles portoient inceffamment à crier, à s'agiter, à fe fraper avec des pierres, & contre qui une légion entiere étoit acharnée, mais fans avoir le pouvoir de le tuer ou de le précipiter dans la mer où ces furieux poufferent tout un troupeau qui n'avoit pas la même fauve-garde.

J'admire la mifericorde qui est allé chercher cette brebis au milieu de tant de loups, & qui la portoit même dans fon fein; & qui a crû avoir affez fair que de l'avoir fauvée malgré la tempête qui fembloit s'oppofer à fon falut, & malgré tout l'enfer qui avoit conjuré fa perte; confentant fans peine à quitter le païs après une telle action de charité, & voulant que cette cir

XXI.

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conftance finguliere, qui dépendoit uniquement de lui, fervit de preuve dans tous les fiècles de fon amour pour le moindre de fes élus, & pour le plus abandonné felon les apparences.

ARTICLE VII.

Pourquoi le nombre des poßedés étoit fort grand au tems de Jesus-Chrift & de fes Apôtres, & pourquoi il eft fi fouvent parlé de leur délivrance dans l'hiftoire de l'Evangile

Ce que je dis ici m'engage à rendre raifon d'une chofe qui fait quelquefois de la peine à des hommes très éloignés de l'incredulité, mais peu inftruits du fond de la Religion, & qui font moins touchés de tant de miracles faits fur les poffedés, dont l'hiftoire de Jefus Chrift eft remplie.

Il y avoit long-tems que le monde. adoroit les démons fans le fçavoir, & que ces efprits de menfonge avoient ufurpé le culte qui n'étoit dû qu'à Dieu. Ils avoient dans toute la terre des temples & des autels; & fous de faux noms ils fe donnoient pour les maîtres du Ciel & de la Terre, & de toute la Na-, ture. Jefus-Chrift venoit pour rentrer

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