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CHAPITRE

dans fon empire, & pour en chaffer l'ufurpateur. Il venoit pour tuer l'im- XXI. pie par le fouffle de fa bouche, comme il avoit été prédit par les Prophétes. Il falloit avant tout le faire connoître & montrer aux hommes qu'il avoit féduits, fa malice & fa foibleffe; & il n'y avoit point de moyen pour cela plus court ni plus fenfible que de permettre à ces efprits malfaifans, d'entrer dans le corps de quelques hommes où ils ne caufoient que des convulfions affreufes & des accidens funeftes, qui les rendoient haïffables, & de les chaffer enfuite avec empire, & par une feule parole, ce qui marquoit leur impuiffance & leur foibleffe, & même leur mifere & leur réprobation.

Ce fut pour cela que lorfque JesusChrist voulut fe manifefter, il permit aux démons de fe manifefter auffi: cat en confentant qu'ils imitaffent en quelque forte fon Incarnation, il les prit dans les pieges mêmes qu'ils tendoient à l'homme; & il fit fervir la proye même, dont ils étoient avides, à les retenir captifs, afin qu'ils devinffent vifibles en un fens & corporels, en s'uniffant au corps de l'homme dans le deffein de lui nuire; & qu'étant liés par

PARTIE

III,

Matth. 9.

les chaînes que leur malice avoit for-
mées, ils fuffent ainfi amenés devant
leur juge & leur maître, condamnés par
lui en public comme des efprits im-
purs, & chaffés enfuite du temple inté-
rieur qu'ils avoient ufurpé pour le
fouiller, & de tous les temples exté-
rieurs où ils cachoient fous une fauffe
majefté le plus honteux abaiffement &
la plus profonde mifere dont la créature
foit capable.

Par ce moyen le Roi légitime & l'u-
furpateur devenoient très-reconnoif-
fables Car l'un ne faifoit que du bien
à l'homme fon fujet, & l'autre ne fai-
foit
que tourmenter l'homme après l'a-
voir féduit. L'un n'avoit qu'à fe mon-
trer & qu'à parler pour mettre en fuite
fon rival; & l'autre étoit contraint,
malgré fon orgueil, de fe profterner
devant le Souverain dont il avoit ufur-
pé le nom, & de reconnoître devant
ceux qu'il avoit trompés, qu'il ne pou-
voit rien fur les bêtes mêmes les plus
impures, qu'il n'avoit aucun droit fur
aucun lieu de la terre, & que fa vérita-
ble place étoit l'abîme.

Chaque poffedé, conduit à Jefus32. Marc.4. Chrift, étoit la preuve fenfible de ces points effentiels à la Religion. L'un

32.

étoit

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toit rendu fourd, aveugle, & muet CHAPITRE tout à la fois par un feul démon. Un XXI. autre étoit pouffé par le fien, tantôt Mare. 9. 215 dans l'eau & tantôt dans le feu, afin Matt. 15.22. Luc. 13. v. 4 qu'il y pérît. L'un fouffroit de cruelles &16. douleurs; un autre étoit tenu courbé Luc. 4. 41€ Į avec violence, enforte qu'il ne pouvoit regarder le Ciel. Tous ces malheureux venoient avec ces cruels fymptômes à Jesus-Chrift qui les guériffoit & les renvoyoit libres, ou par une parole, ou par l'attouchement de fes mains; & qui, en contraignant les démons de confeffer fon nom & fa divinité, leur fermoit enfuite la bouche, comme à des efprits de mensonge, qui deshonoroient la vérité en la publiant.

C'est ainsi que Jesus-Christ, selon la parole d'un Apôtre, marquoit tous fes pas (4) par quelques bienfaits, & qu'il guériffoit tous ceux que le démon tenoit dans l'oppreffion & dans la mifere: Mais il ne bornoit pas fa mifericorde à ces graces extérieures, il s'en fervoit feulement pour montrer la difference du Roi légitime & du Tyran, & pour faire voir qu'il étoit venu pour

(a) Tranfiit benefaciendo & fanando omnes opprefLos à diabolo. A&t. 10. 38.

Tome III.

E

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détruire l'œuvre du démon, (a) pour le chaffer du corps de l'homme, pour lui ôter fes armes en aboliffant la convoitife, & pour anéantir fon pouvoir fondé fur l'ignorance & l'amour propre, en répandant par tout la lumiere & la charité?

L'oppofition des deux regnes auroit été moins évidente pour le commun des hommes, fans l'extrême difference que la délivrance des poffedés mettoit entre les deux Rois : Et ce fut pour cette raifon que les poffeffions continuerent d'être fréquentes après la réfurrection de Jefus-Chrift, afin que les Apôtres & leurs Difciples montraffent à tout le monde, & fur tout aux Gentils, quel étoit fon pouvoir (b) fur des efprits qui avoient jufques là trompé tous les hommes: car ils ne fe

(a) In hoc apparuit fi-
lius Dei, ut diffolvat opera
diaboli. . Joan.3.8.
(b) Omnis hæc noftra in
illos (dæmones) domina-
tio & poteftas de nomi-
'natione Chrifti valet, &
de commemoratione eo-
rum quæ fibi à Deo per ar
bitrum Chriftum immi-
nentia expectant. Chrif.
tum timentes in Deo, &
Deum in Chrifto, fubji-
ciuntur fervis Dei & Chri-

con

& vo

fti. Ita de contactu, deque afflatu noftro, templatione & repræsentatione ignis illius correpti, etiam de corporibus noftro imperio excedunt inviti & dolentes, bis præfentibus erubefcentes..... credite illis cum verum de fe loquuntur, qui mentientibus creditis. Nemo ad fuum dedecus mentitur. Tertul. Apolog: c. 23.

XXI.

contentoient pas de les chaffer au nom CHAPITRE de Jesus-Christ, mais ils les obligeoient très-fouvent à confeffer qu'ils étoient des efprits féducteurs, qu'ils s'étoient jufques là couverts des noms de fauffes divinités, & qu'ils étoient les mêmes qui exigeoient dans tout le monde & dans le Capitole des honneurs divins. Un tel aveu, devant ceux même qu'ils avoient trompés, fervoit infiniment au progrès du Chriftianisme, comme nous l'apprenons de Tertullien, qui ne craint point d'affurer dans un écrit préfenté à l'Empereur & au Senat, que tout Chrétien, qui aura confervé l'integrité de fon batême, contraindra par fes exorcifmes, le démon de confeffer en leur préfence qu'il fe fait adorer par eux, & qu'il n'eft néanmoins qu'un efprit de tenebres, condamné à d'éternels fupplices. Le même Auteur ajoûte avec une pleine fecurité, (a)

(a) Edatur hic aliquis fub tribunalibus veftris, quem dæmone agi confter Juffus à quolibet Chriftiano loqui fpiritus ille, tam fe dæmonem confitebitur de vero, quam alibi Deum de falfo. Æque producatur aliquis ex iis qui de Deo pati exiftimantur, qui aris inhalantes numen de ni

| dore concipiunt... illa ip-
fa virgo cœleftis pluviaru
pollicitatrix; ifte ipfe
Efculapius medicinarum
demonftrator... nifi fe da-
mones confeffi fuerint
Chriftiano mentiri non au-
dentes, ibidem illius Chri-
ftimi procaciffimi fangui-
nem fundite. Quid ifto
opere manifeftius? quid

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