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1697.

LETTRE LXXXI.

LA MÊME A LA MÊME.

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A Paris, le 7 Mars.

E fuis charmée de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Madame ;. comme il y a longtemps qu'on n'a eu celui de vous voir, on eft étonné de trouver tant de fageffe, de raifon & de bon fens avec tous les charmes de la jeuneffe; il n'y a que vous qui ayez fçu accorder des chofes fi oppofées. Je fuis très-fâchée d'avoir ignoré fi long-temps le féjour de M. de Simiane en ce pays-ci; le hazard me l'a fait trouver à dîner chez M. de S. Amand, il m'a fait enfuite l'honneur de me venir voir deux fois ; il m'a paru tout comme il vous paroît, je ne crois pas peu dire; il a bien rai fon d'être pour vous, comme il eft; j'avoue que cela m'a fait un fenfible plaifir; je n'aime point qu'on ignore de tels bonheurs ; ah! Mada

me

me, que ne feroit point notre pauvre Me de Sévigné dans une pareille occafion? Le malheur de ne la plus avoir, m'est toujours nouveau ; il manque trop de chofes à l'hôtel de Carnavalet; je ne fçaurois m'empêcher de vous defirer; & toute votre indifférence pour ce païs-ci ne m'en peut infpirer pour votre retour ; je le fouhaite, comme fi j'étois d'âge à en profiter; mais il me femble que mon inclination fi naturelle pour vous vous fait fouffrir mon âge avec quelque bonté. J'ai eu la conduite que vous m'avez prefcrite au fujet de votre lettre; cependant je vous avouerai, Madame, que je l'ai montrée à Me de Chaulnes, qui m'a fait promettre de vous dire de fa part qu'elle vous approuve, autant qu'elle defapprouve, je ne dirai pas qui. Sçavez-vous que Me de Chaulnes a un nouveau mérite à mon égard ? c'eft celui de ne fe point du tout confoler de la perte de Me de Sévigné; nous en parlons fans ceffe ; car pour moi, c'eft ma manière, j'aime à parler de ce que j'ai aimé, & à ne me point ménager fur les fouvenirs qui me font chers.

M

Je fis une longue réponse à une lettre, que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire avant la dernière ; je la donnai à Me votre mère ; & ma lettre s'eft trouvée perduë; je vous le dis, Madame, afin que vous ne me foupçonniez pas d'une groffièreté pareille à celle d'y avoir manqué. Au refte, le mariage de ma niéce avec M. de Poiffi eft rompu; fi j'étois à fa place, j'en ferois auffi aife qu'elle en eft peut-être fâchée; il ne la defiroit point autant qu'il convenoit pour furmonter les plus petites difficultez ; quand cela eft ainfi, il me paroît qu'on fe doit trouver heureuse de ne point entrer dans une maison, où l'on eft fi peu fouhaitée je fuis affurée que c'eft-là : votre avis. Quel bon fens, Madame que le vôtre de n'être point entêtée de la Cour! Songez que Me du Lude, qui avoit une fi bonne fanté eft accablée de rhumatifmes; fongez qu'il faut qu'elle couche dans la chambre de la Princeffe ; qu'elle fe fatigue jour & nuit, & pour qui * ?

*Me du Lude n'avoit point d'enfans.

Cependant je fçais une perfonne du monde, qui admire les agrémens de la place, & qui la trouve préférable à tout le repos, dont Me du Lude pouvoit jouir ; j'ai eu quelque efcarmouche avec cette perfonne fur une telle façon de penfer, que je vous avouë que je ne comprens point. Continuez-moi toujours un peu de part dans votre amitié, Madame; il faudroit que vous puffiez bien fcavoir comme je fuis pour vous, afin de vous perfuader que je n'en fuis pas indigne. Permettez-moi de prendre part à la joie de M. le Marquis de Simiane de fe trouver auprès de vous; fa joie eft d'autant plus raifonnable qu'il n'eft pas aife tout feul. J'ai eu affez l'honneur de le voir pour defirer beaucoup de le voir davantage.

1700.'

LETTRE LXXXII.

LA MÊME A Me DE GRIGNAN.

L

A Paris, le 19 Avril.

y a fi long-temps, Madame que je ne fais rien de ce que je defire, que je n'ai pu trouver le moment de vous remercier de la dernière lettre, que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Ma mère a depuis quinze jours la fièvre continuë avec des redoublemens; & moins elle eft en état de penfer, plus je fuis attachée auprès d'elle; c'est un terrible fpectacle; ce qui fe paffe en moi dans cette cruelle occafion, ne fe peut concevoir: mais en voilà trop fur un fi trifte fujet; il vaut mieux vous faire de très-fincéres complimens fur le voyage que M. le Marquis de Grignan va faire en Lorraine; toutes les diftinctions font agréables à fon âge; & vous ne fçau riez croire, Madame, combien cel

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