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«S. M. ne fut contente, en voulut priver ledit nepveu, << disant qu'ils avoient une promesse ensemble de luy << donner et envoyer à Genefve l'argent desditz béné« fices; ce que nia ledit nepveu, auquel Sa Majesté « laissa l'évesché de Nevers, pour le bon rapport qu'il <«<eut de sa prudomie, mais luy osta l'abbaie dudit << Saint-Paul de Sens, qu'il bailla à ung autre. Le « nepveu susdit s'est toujours bien porté en sa charge. <«<et a esté catholicque. S'il a aydé d'argent à son oncle << estant à Genefve, cela est demeuré secret entre eux. « Lequel oncle, n'ayant à Genefve aultre moyen de << s'occuper, print à ferme les molins de la ville, et d'é<< vesque et abbé devint larron et musnier. »

Un évêque est donc bien devenu meunier: ce qui était à démontrer. L'extrême rareté du fait, surtout à une époque de polémiques violentes, devait l'empêcher de passer inaperçu. Les Parisiens du XVIe siècle, qui avaient connu le personnage en cause, ont dû dire d'abord, en parlant d'une personne qui avait descendu d'un seul coup plusieurs degrés de l'échelle sociale : « C'est comme Spifame, qui est devenu d'évêque meunier ». Puis, le dicton, une fois lancé, s'est employé sous une forme générale et tout à fait anonyme.

2o Ivre ou ivrogne comme un Polonais.

Encore une locution qui court les rues, mais dont l'origine doit être assez peu connue. Le célèbre vers de Voltaire :

Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre,

montre que, dans l'ancien royaume de Pologne, l'exem

ple de l'ivrognerie, parti du rang suprême, était suivi par la nation tout entière. En ce qui regarde notre locution, il est fort probable qu'elle s'est répandue en France vers la fin du règne de Charles IX. Dans ses Mémoires (année 1573), Claude Haton, après avoir relaté l'envoi à Paris de la députation chargée d'offrir la couronne de Pologne au duc d'Anjou, continue en ces termes;

« Après ces premiers ambassadeurs pollonnois, ne «cessèrent d'arriver à Paris aultres seigneurs dudit pays de Pollongne, en nombre tel et si grand, qu'on « ne les peut loger aisément en la ville de Paris avec «<les gens de la suitte du roy. Par quoy furent envoyés «<leur train, chevaux et serviteurs, partie à Meaux, « partie à Melun, partie à Pontoise et aultres villes les «< plus proches de Paris. Les seigneurs demourèrent << bien et magnificquement logez ès maisons bourgeoises « de la ville de Paris, et furent, tant les ungs que les « aultres, desfrayez, hommes et chevaux, aux despens «< du roy et du royaume de France. Pour desquelz la « despense payer, furent faictes tailles sur les villes « du royaume, et en paya la ville de Provins 300 liv. «<t. Il fut grand bruit qu'on envoyeroit desdits Pollo«nois à Provins pour y séjourner jusques au partement « de leur roy hors de France; toutes foys n'y en furent «nulz envoyez. Ils Pollonois estoient tous beaux hom«mes, grands et puissons et parlans latin, jusques à « leurs pallefreniers, mais yvrongnes et gourmans à « merveilles. Deux desdits Pollonnois eussent plus « despensé à ung repas en vin et viande que ne feroient «six Françoys au plus grand repas qu'ils sçauroient faire. Il fut rapporté par gens dignes de foy et par

<«< ceux mesmes qui les avoient nourris, que quatre « hommes de ceste nation avoient beu en ung jour ung << demi-muyd de vin. On s'esbayssoit comment ilz ne <«< crevoient de tant boire. S'ilz eussent demouré encore «demy-an en France, ilz eussent beu tout le vin de ce « pays. »

Ces horrificques beuveries, que Gargantua n'eût pas désavouées, durent, en leur temps, fournir ample matière à raillerie de là vient selon toute vraisemblance, la mise en circulation d'un dicton qui, après plus de trois siècles et malgré la disparition de la nationalité polonaise, semble avoir encore une longue carrière à parcourir.

Epoque du commencement

DE LA

DÉSERTION DES CAMPAGNES

par M. MARCOUT

Lorsque, en 1837, notre Société mettait au concours l'étude et l'exposé des moyens propres à lutter contre la désertion des campagnes, et que le rapporteur de ce concours, l'honorable M. Prin, disait que cette question était neuve et avait passé presque inaperçue jusqu'à cette époque, il commettait une grande erreur puisqu'elle éveillait sérieusement l'attention du gouvernement, qui en saisissait tous les conseils d'arrondissement et de département, et il montrait qu'il n'était pas suffisamment documenté sur cette question, laquelle remonte à une date beaucoup plus ancienne. Quant à l'analyse qu'il fit des mémoires des quinze candidats qui prirent part à ce concours, il est bon d'en dire un mot, afin de pouvoir rapprocher les causes de cette désertion, émises à cette époque, de celles déjà reconnues bien avant et avec lesquelles elles ont beaucoup de ressemblance.

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