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fa Differtation imprimée dans les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres (1). Voici, felon cet Académicien, de (1) Tom. II. quelle maniere on peut établir un intervalle de quatre cens ans entre Cecrops & Inachus. S. Juftin, Tatien, & en général tous les Peres de l'Eglife avant Eufebe, affuroient qu'Inachus avoit été contemporain de Moyfe. Or Porphyre, feIon qu'Eufebe l'entend, fuppofoit que Moyfe vivoit du temps de Semiramis que le même Eusebe fair regner huit cens ans avant la guerre de Troye: Inachus contemporain de Moyfe vivoit donc huit cens ans avant cette époque, & par conféquent quatre cens ans avant Cecrops, lequel, fuivant Cenforin, la Chronique de Paros, & tous les Chronologues regnoit quatre cens ans avant la prife de cette ville. Pour les quatre cens ans depuis Inachus jufqu'à Ogygès, ils font clairement énoncés dans Cenforin. Voilà donc l'efpace de la durée des temps héroïques déterminé à feize cens ans. Mais comment pouvoir donner à Ogygès une fi grande antiquité? La prife de Troye qui eft l'époque de tous ces temps fabuleux la mieux établie, tombe, fuivant les meilleurs Chronologues, à l'an 1183. ou 1184. avant l'Ere chrétienne; fr Ogygès étoit au monde douze cens ans avant cette époque, il auroit donc vécu deux mille trois cent quatre-vingt-trois ans avant Jesus-Chrift; & par conféquent, dans le fyftême de la Chronologie abregée, prefque au temps même du Déluge de Noé : ce qui eft infoutenable, à moins que de dire qu'il étoit le même que ce Patriarche, & le Déluge qui arriva fous fon regne, le même que celui dont parle l'Ecriture

Sainte.

Je retranche donc d'abord de la durée des temps dont il s'agit, ces quatre cens ans faifant vivre Ogygès du temps même d'Inachus, ou de Phoronée fon fils.

Il n'eft pas poffible non plus d'admettre un efpace de quatre cens ans entre Cecrops & la guerre de Troye, à laquelle affifta Mneftée onziéme Roi d'Athenes, qui même n'avoit commencé de regner que depuis peu de temps. Or dix regnes, & le commencement d'un onzième, ne durent pas un fi long espace de temps, fuivant le cours ordinaire de la

nature: les regnes mêmes font plus courts que les générations. Reste à douze cens ans pour les temps fabuleux; mais comme je trouve que les fables finiffent prefque au retour des Heraclides dans le Péloponnéfe, c'eft-à-dire quatre-vingts ans après la prife de Troye, & plus de trois cens avant le rétabliffement des Olympiades, je ne pouffe mes recherches que jufqu'à ce retour. Car s'il fe trouve encore dans le refte de cet efpace quelques fictions, elles font plus ifolées, & ne tiennent pas avec la vie des grands hommes qui y vécurent; & je me reserve à les expliquer dans la derniere Partie de cet Ouvrage.

Enfin le nombre des Générations que les Anciens nous ont transmises, m'a engagé à rapprocher auffi les événemens du fiecle qui préceda la prife de Troye, je veux dire le combat des Centaures, la conquête des Argonautes, la chasse de Calydon, la guerre qui la fuivit, & les deux guerres de Troye. Car comment mettre dans un auffi grand éloignement les uns des autres ces événemens, que les placent la plûpart des Chronologues, & en particulier les Commentateurs des Marbres de Paros, quelques fçavans qu'ils foient d'ailleurs, puifque ce font prefque les mêmes perfonnes ou leurs fils en grand nombre, & feulement peu de leurs petits-fils, qui y ont eu part? Quelle autre maniere avons-nous de calculer ces temps reculés, que celle des générations & des regnes, comme les calculoient les Anciens eux-mêmes. On dira peutêtre que le veritable nombre de ces géneraions n'eft pas venu jufqu'à nous, & qu'il en manque plufieurs dans Apollodore, dans Diodore & dans les autres Anciens ; mais comme ce n'eft-là qu'une pure conjecture, il doit m'être permis de me fervir de la maniere de compter des Anciens, jufqu'à ce qu'on ait démontré, de quelque maniere que ce puiffe être, que véritablement on a omis quelques regnes où quelques générations.

L

il

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E pays que nous connoiffons aujourd'hui fous le nom de Grece, n'a pas toujours eu la même étendue qu'il avoit lorsqu'il tomba fous le pouvoir des Romains, & il a a très-fouvent changé d'état ; j'en laiffe la difcuffion aux Geographes, ne devant parler dans cette Mythologie que de celui où il fe trouvoit dans les temps héroïques. Il faut remarquer auffi qu'il a fouvent changé de nom : le texte Hebreu même de l'Ecriture femble ne lui en donner aucun ; y eft feulement fait mention de Javan. Ifaïe dit, felon l'Hebreu; & vers Tubal & Javan, & dans les Ifles éloignées : la Vulgate porte: in Italiam & Græciam, ad infulas longè. Elle rend de même Javan, par la Grece, dans Ezechiel, dans Daniel & dans Zacharie : par tout l'Hebreu porte Javan; mais les Septante difent Hellas, qui, comme nous le verrons en fon lieu, fut un des noms de la Grece, ou Hellenes, qui fut l'un des noms des Grecs ; & notre Vulgate les a imités, en difant toujours Græci, ou Gracia. Il eft remarquable que le nom de Javan, en Hebreu, n'ayant aucuns points qui en déterminent la prononciation, eft le même qu'Ion; & nous trouvons que les premiers Ioniens que l'on connoiffe, étoient dans la Grece. Il y a même lieu de croire. qu'ils en furent les premiers habitans; mais ils n'y furent pas long-temps feuls. Les Phéniciens, grands navigateurs de tout temps, les y allerent trouver, & y établirent des colonies. En faveur de leur commerce ils apprirent aux Grecs naturels la navigation, le commerce, & fur tout l'écriture dont on leur attribue l'invention. Les Egyptiens ne furent pas des derniers à y envoyer des peuplades: ils leur communiquerent le goût des Sciences & des Arts; & les infectant de leur idolâtrie, non contens de leur donner des Rois, ils leur donnerent des Dieux.

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CHAPITRE IV.

Hiftoire des premiers Habitans de la Grece.

L faut convenir d'abord que comme il n'y a rien de moins éclairci que l'origine des anciens Peuples, il ne faut pas s'étonner fi on trouve tant d'obfcurité dans l'ancienne Hiftoire des Grecs. On ne doit pas s'en rapporter aux Auteurs de cette Nation, touchant leur antiquité; car outre que nous n'avons plus la plupart des Ouvrages de ceux qui auroient pû nous en inftruire, & que ceux qui nous reftent font d'Auteurs modernes par rapport aux faits qu'ils racontent, on remarque par-tout dans leurs Livres, qu'ayant voulu divertir par leurs hiftoires la Grece toujours curieuse du merveilleux; que n'ayant que des Memoires mal digerés de ces premiers temps, ils le font contentés de les mettre dans un ordre agréable, fans trop fe foucier de la verité. D'ailleurs les Grecs ignoroient les antiquités de leur Nation, comme le leur reprochent plufieurs Auteurs, entr'autres Ariftote & Jofeph, lequel dans le Livre premier contre Apion leur démontre clairement qu'ils n'avoient eu que fort tard l'ufage des lettres, & que dès-là ils devoient ignorer entierement l'hiftoire ancienne: & ce qu'il faut bien remarquer, c'eft que l'Hiftorien Juif leur fait ce reproche, dans le temps qu'ils avoient encore plufieurs Auteurs qui fe font perdus depuis, & qui faifoient profeffion de bien connoître l'Antiquité, tels que Varron, Caftor, Nicolas de Damas, Jules Africain, Trogue Pompée, & une infinité d'autres, que les Hiftoriens que le temps nous a confervés, citent fouvent comme des Auteurs très-inftruits de l'Antiquité la plus reculée.

Ce qui prouve encore fans replique l'ignorance des Grecs fur leur origine, c'eft que dès qu'ils étoient remontés un peu haut, fe perdant dans l'obfcurité des premiers temps, ils étoient obligés d'avouer que leurs ancêtres étoient fortis de terre,

ou des chênes de la forêt de Dodone; & lorfqu'ils vouloient fuivre leurs généalogies, après qu'ils étoient remontés jusqu'à Deucalion, c'étoit toujours Jupiter, ou quelqu'autre Dieu, qui étoit à leur tête. Ce qui les obligeoit à fe dire Autoctones, ou nés dans le pays même qu'ils habitoient, c'est qu'ils fe piquoient d'une grande antiquité, & ne vouloient defcendre d'aucun Peuple. Ils pouffoient même la vanité jusqu'à vouloir perfuader qu'on devoit regarder leurs Ancêtres comme les peres des autres Nations, qu'ils avoient peuplées par leurs colonies, pendant qu'il eft indubitable que leur propre pays l'avoit été par des colonies étrangeres qui étoient ve nues s'y établir. Ainfi defcendoient, felon eux, les Perfes de Perfée, les Lydiens de Lydus, les Medes de Medus fils de Medée, les Ciliciens de Cilix, les Armeniens d'Armenus, & les Ioniens de l'Afie mineure, fans parler des autres, de Ion fils de Xutus, & petit-fils de Deucalion. Il eft vrai que la Grece envoya des colonies dans l'Afie & dans l'Italie (a), mais ces tranfmigrations arriverent fort tard, & lorsque le pays fe trouva furchargé d'habitans par les frequentes colonies qui y étoient arrivées d'Egypte & de la Phenicie.

Mais pour prendre la chose dans fon origine, on ne fçauroit 'douter d'abord que tous les pays du monde n'ayent été peuplés par les Defcendans de Noé, qui après le partage de fes trois fils, allerent s'établir en differens endroits. Comme l'Ecriture-Sainte dit peu de chose de ces premiers fondateurs des Empires, & qu'elle donne même fouvent aux Pays où les premiers hommes, qui vécurent après le Déluge, allerent fixer leur demeure, des noms qui ne fubfiftent plus depuis long-temps, il eft très-difficile d'éclaircir cette matiere; enforte que quelques peines que fe foient données les Interpretes de l'Ecriture Sainte, on peut affurer que le chapitre dixiéme de la Genefe, qui contient l'hiftoire des premieres Nations établies par les Defcendans de Noé, sera toujours l'écueil des Sçavans. Jofeph n'en dit gueres plus que Moyfe, & pour ce qui regarde les Hiftoriens Orientaux,

(a) Voyez Herodote & les autres Historiens, qui parlent de ces Colonies.

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