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Que fi on me demande pourquoi les Poëtes ont dit que ces Jardins étoient gardés par un dragon, je reponds avec Solin, que c'est parce que la mer fait dans cette extrêmité de l'Afrique differens tours & replis dans les terres, dont l'inegalité des côtes rend affez témoignage (a). Pour les Pommes d'or, c'étoient ou des oranges & des citrons, dont le pays abonde, ou felon quelques Anciens, des brebis dont la toi (1) Voyez fon étoit extrêmement riche (1). Mais il eft inutile de s'étendre davantage fur la recherche d'une chofe qui eft plutôt le fruit de l'imagination des Poëtes, que celui d'une defcription exacte de cette partie de l'Afrique, qu'ils ne con noiffoient que par la relation d'Hannon, à laquelle ils ont mêlé tant de fables ; ce qui a porté Pline à appeller le MontAtlas, montem fabulofissimum (b).

l'hiftoire d'Hercule.

Les Poëtes qui ont fuivi l'hiftoire de ce Heros, racontent qu'après l'avanture d'Atlas, il pénetra jufques dans l'Ethiopie, où il délivra Andromede, fille de Cephée & de Caffiopée, du monftre auquel elle étoit expofée, l'époufa & l'emmena dans la Grece. Ce trait d'hiftoire, ( car il eft vrai que Perfée époufa Andromede, & en eut plufieurs enfans fe trouve mêlé avec des fictions qu'il faut rapporter, avant. que de les réduire à l'exacte verité.

(2) Met. L. 4. Ovide qui a décrit fort au long cette fable (2), dit

que

Caffiopée mere d'Andromede, ayant voulu égaler fa beauté à celle des Neréides, les avoit irritées ; & que leur courroux fe faisant sentir dans le pays, on fut obligé d'aller confulter l'Oracle d'Ammon, & que ce Dieu avoit répondu que pour appaifer ces Déeffes Andromede devoit être expofée à un monftre marin: ce Poëte traite d'injufte cet Oracle (c).

Il l'étoit en effet ; car pourquoi punir si cruellement la

(a) Je n'explique cette particularité de P'Hiftoire de Perfée, que parce qu'elle eft dans Ovide, car je fuis perfuadé, comme je l'ai déja dit, que ce Heros ne s'éloigna fi fort de la Grece.

pas

(b) Fluctuofo meatu aftuarium è mari fertur, adeo finuofis lateribus tortuofum ut procul videntibus lapfus anguces fracta

vortigine mentiatur, idque, quod Hortos appellavere, circumdat; undè pomorum cuftodem interpretantes, ftruxerunt iter ad mendacium fabulandi. Solin. c. 14.

(c). .... Maternæ pendere lingue Andromedam panas, injuftus jufferas.

Ammon.

fille de la vanité de la mere? Cependant la jeune Princeffe, ajoute le même Poëte, fut expofée fur un rocher, & le monftre qui fortit de la mer étoit prêt à la dévorer, lorfque Perfée monté fur Pegafe, l'apperçut du milieu des airs, vint à fon fecours, tua le monftre, brifa les chaînes d'Andromede, & la rendit à fes parens témoins de ce fpectacle. Comme elle devoit être la récompenfe de celui qui la délivreroit, Perfée l'époufa: mais pendant qu'on célebroit la céremonie du mariage, Phinée, neveu de Caffiopée, à qui Andromede avoit été promife, entra dans la falle du feftin avec une fuite de gens armés, & commença un combat très-fanglant, & qui auroit fans doute été funefte à Persée accablé par le nombre, s'il n'avoit eu recours a la tête de Meduse, dont la vûe petrifia Phinée & fes compagnons.

1. 1.

On voit bien que le fond de cette narration d'Ovide eft hiftorique; mais que pour l'orner, il a emprunté le fecours de la fiction. Girard Voffius (1) qui a voulu en pénetrer le (1) De Orig. myftere, dit qu'Andromede avoit été fiancée à un Corfaire & progr. Idol. fier & brutal qui incommodoit par fes courfes les côtes d'Ethiopie, à condition qu'il ne troubleroit plus le commerce; Perfée, qui arriva en ce temps-là chez Cephée avec fa petite flotte, lui ayant donné la chaffe, le tua & épousa Andromede. Peut-être que dans les épithalames qui furent faits à l'occasion de fon mariage, on représenta le Corfaire comme un monftre dont Andromede avoit été délivrée la valeur de Perfée.

par

Il y a des Mythologues qui prétendent que ce qui a donné lieu à la fiction, c'eft que le vaiffeau avec lequel le Corfaire, dont nous venons de parler, ravageoit les côtes d'Ethiopie, s'appelloit la Baleine, & en portoit la représentation fur fa proue Cette opinion ne manque pas de vraifemblance: ce vaiffeau pouvoit s'appeller la Baleine, comme celui de Perfée lui même fe nommoit le Pegafe.

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Je fuis perfuadé qu'il ne faut pas aller chercher l'Ethiopie, dont parle Ovide, dans le fond de l'Afrique, Perfée n'y pénetra jamais. Ce Prince, au fortir de l'Ile de Seriphe, alla fur les côtes de Libye, qui n'en font pas fort éloi

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(1)Bell. Jud. 1.5.

5

gnées, & delà au pays où regnoit le pere d'Andromede. It
n'est douteux que
pas
les Anciens ayent connu deux Ethio-
pies; celle qui eft au midi de l'Egypte, & une autre qu'ils
croyoient etre dans l'Afie; c'eft de celle-ci qu'il s'agit dans
l'hiftoire d'Andrómede. Ses bornes ne font pas déterminées
dans les Auteurs, mais rien ne nous empêche de croire
qu'elle commençoit fur les côtes d'Afie; & comme j'ai des
preuves affez fortes pour dire que l'avanture dont il est que-
ftion, fe paffa aux environs de Joppé, aujourd'hui Japha
fur les côtes de la Phenicie, ou plutôt de la Palestine, c'eft-
là qu'il faut chercher l'Ethiopie dont parle Ovide, & y pla-
cer la fcéne de cet évenement, ou convenir que ce Poëte
s'eft trompé, en faisant traverser l'Ethiopie à Perfée.

Des côtes de Libye, où il étoit alors, il ne lui fut pas difficile d'aller fur celles de la Palestine; & on peut même fuppofer d'autant plus vraisemblablement qu'il avoit oui parler de l'Oracle d'Ammon, qui ordonnoit d'expofer une jeune Princeffe à un monftre qui devoit la dévorer; puisque cet Oracle étoit dans la Libye où il étoit alors. L'amour de la gloire le porta à tenter l'avanture, & il fit voile de ce côté de Joppé. Il eft inutile d'abord d'examiner fi véritablement quelque monftre ravageoit le pays, oufi c'étoit quelque ennemi de Cephée. Il fuffit de fçavoir que la jeune Princeffe devoit être la récompenfe de celui qui la délivreroit mon objet principal eft de prouver que les côtes de Phenicie, & non l'Ethiopie, furent le théatre où fe passa cette scene.

J'ai d'abord, pour le prouver, l'autorité de Jofeph (1), qui dit qu'on croyoit que cette avanture étoit arrivée près de la ville de Joppé, où l'on voyoit encore fur un rocher les marques des chaînes avec lefquelles la belle Andromede avoit été attachée. Il eft vrai que cet Hiftorien ajoute, que peut-être on y avoit gravé ces marques, pour le faire croire; mais il eft toujours vrai de dire que c'étoit une an(2) Liv. 1. cienne tradition de Joppé. Strabon (2) dit la même chose en deux endroits de fa Géographie; & cet Auteur parlant de l'Ethiopie, foutient qu'on ne manquoit pas d'Auteurs qui la

& l. 16.

plaçoient fur les côtes de Phenicie, ajoutant que c'étoit près de la ville que je viens de nommer, qu'étoit arrivée l'avanture d'Andromede, felon ces mêmes Auteurs, ajoute ce fçavant Auteur, qui n'avançoient pas ce qu'ils difoient fur l'Ethiopie, par ignorance de la Géographie, mais feulement à l'occafion de la Fable dont il eft queftion.

α

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Ce que rapporte Pline (1), prouve encore bien plus que (1) Liv. 9.cette tradition de Joppé n'étoit pas fans fondement. Scau- c. s. »rus, dit-il, apporta de Joppé à Rome, pendant fon Edilité, les os du monftre qui devoit dévorer Andromede (a). Belluæ, cui dicebatur expofita fuisse Andromeda, offa Rome apportata, ex oppido Judæa Joppe, oftendit inter reliqua miracula, in Edilitate fua M. Scaurus, longitudine pedum 40. altitune coftarum Indicos Elephantos excedente, Spine craffitudine fef quipedali. Solin fon copiste, dit la même chofe, ne differant de lui que dans l'épaiffeur de la peau de l'épine de ce monftre qu'il dit avoir été, non d'un pied & demi, mais d'un demi pied. Pomponius Mela (2) a quelque chofe d'en (2) De fitu core plus particulier. & Joppé, dit-il, eft une ville qu'on croit ortis.l. 1. c.11. > bâtie avant le Déluge: ceux qui l'habitent affûrent que Cephée y a regné, fondés fur ce qu'on trouve encore fur d'anciens Autels, le nom & la qualité de ce Prince, & de fon frere Phinée (b). Pour ce qui regarde la fable, tant chan≫ tée par les Poëtes, de la délivrance d'Andromede par Perfée, ils en ont la preuve dans les os du monftre qui alloit » la dévorer,& qu'ils font voir avec beaucoup d'oftentation (b). Paufanias (3) rapporte la même tradition, lorfque parlant de la differente couleur des eaux, il dit que près de Joppé c. 25. il y avoit une fontaine, dont l'eau étoit rouge comme du fang, & que les gens du lieu difoient que Perfée s'étant enfanglanté en tuant le monftre marin auquel on avoit expose la fille de Cephée; il fe lava dans cette fontaine, & que c'eft ce qui en avoit rougi l'eau..

(a) Mela s'éloigne ici du fentiment des autres Anciens qui croyoient que Phinée étoit neveu frere de Caffiopée, femme de Cephée.

(b) Eft Joppe 'ante Diluvium, ut ferunt endita, ubi Cephea regnaffe eo figno acco

la affirmant, quod titulum ejus, fratrisque
Phinei, veteres quædam aræ cum religione
plurima retinent. Quinetiam rei celebritate
carminibus & fabulis fervatæque à Perfeo
Andromeda, Clarum veftigium, belluæ ma-
rint offa immania oftentant.

(1) In Mad.

Voilà donc, fuivant Jofeph & Strabon, des marques des chaînes d'Andromede fur un rocher près de Joppé: suivant Mela, les os du monftre confervés dans cette ville; ces mêmes os transportés à Rome, fuivant Pline, fous l'Edilité de Scaurus, & la mesure de ces os, & celle de l'épaiffeur de la peau du monftre, fuivant lemême Auteur & fon Copiste Solin. Ainfi rien ne nous empêche de croire que fous le regne de Cephée il parut un monftre marin près des côtes de Joppé, qui renverfoit les Barques, & troubloit le commerce; & que POracle confulté il répondit qu'il falloit lui expofer Andromede. Ce n'eft pas là la premiere fois que les Oracles ont ordonné de pareilles Victimes: de quoi n'est pas capable la fuperftition! Pour l'exiftence du monftre, outre que l'Hiftoire ancienne eft remplie de pareils prodiges, l'avanture de Jonas eft une preuve qu'il y avoit fur cette côte des poiffons monftrueux par leur grandeur & par leur voracité; car on peut conferver toute la croyance qu'on doit au récit de l'Hiftorien facré, fans multiplier gratuitement les miracles, ni faire venir de loin le gros poiffon qui engloutit le Prophete, quoiqu'on reconnoiffe dans cet évenement la punition que Dieu voulut tirer de fa défob éiffance.

C'est donc fur les côtes de Phenicie, ou pour paler plus jufte fur celles de la Palestine, qu'arriva l'avanture de Persée & d'Andromede; & fi on n'étoit pas frappé des raifons que je viens de rapporter, voici une preuve qui, je crois, n'a pas encore été employée, & qui fert beaucoup à la prouver. Je la tire cette preuve, de la defcription que fait Ovide du combat de Phinée contre Perfée fon rival. Le Poëte nomme plufieurs perfonnages, qu'on ne croira pas aifément s'être trouvés dans le lieu où l'on a crû qu'étoit arrivée cette avanture; mais qui comme plus voifins des côtes de Syrie, auront pu prendre les armes pour Phinée. Le premier à qui Perlée ota la vie dans ce combat, eft le jeune Athis, que la Nymphe Limniate avoit mis au monde dans les antres voisins du Gange, ou plutôt dans une ville de Syrie, que Ptolemée nomme As, & qui étoit le nom patronimique de ce jeune homme. Celui qui venge cette mort eft appellé par le Poëte

Lycabas

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