Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de fuite, & ne lui fait époufer la fille du Roi de Lycie ; qu'après tous les combats; puifque nous fçavons que lorfqu'il fit aux Solymes la guerre dont nous allons parler, il avoit un fils de cette Princeffe qui l'y fuivit, & qui y fut

tué.

C. 173.

(2) Liv. 6,

Les Solymes, ennemis de Jobate, étoient, felon Herodote (1), des Peuples de Lycie, qui furent dans la fuite nom- (1) Liv. 1. més Myliens. Strabon qui n'eft pas du fentiment de cet ancien Historien, fe fert pour combattre fon opinion du paffage d'Homere, où ce Poëte dit (2) que Bellerophon partit de Lycie pour aller combattre les Solymes; car, dit-il, il n'auroit pas parlé exactement, fi les Solymes avoient habité dans la Lycie même : ainfi ce fçavant Geographe, & Pline après lui, placent ces Peuples dans la Pifidie. Bellerophon à la tête des troupes de Jobate, alla leur faire la guerre, & les vainquit dans un combat que Glaucus dit dans Homere avoir été très-fanglant. Ifandre, fils de notre Heros, y perdit la vie, & fut enterré aux environs du Méandre, dans un vallon qui, felon Strabon (3), fe nommoit la (3) L. 13. vallée de Bellerophon, & qui étoit fans doute le champ de bataille où s'étoit donné le combat. Homere dit poëtiquement que le Dieu Mars avoit ôté la vie à ce jeune Prince; l'allegorie eft trop sensible pour n'être pas faifie de tout le

monde.

Après la défaite des Solymes, Bellerophon tourna fes armes contre les Amazones. Je ne m'étendrai pas beaucoup au fujet de ces Heroïnes, dont les Anciens ont tant parlé. Je dirai feulement qu'il paroît par Strabon, qu'elles avoient quitté les bords du Thermodon, vers le temps de la guerre de Troye, & fait une irruption dans la Phrygie & les autres pays voisins, où Priam (4) & Bellerophon leur firent (4) Strabon. la guerre. Ces Amazones dont parle ici Strabon, font fans Loc. cit. doute celles contre lefquelles Hercule combattit, & qui, felon Paufanias (5), étoient venues s'établir aux environs d'Ephefe, où le Temple de Diane leur avoit fervi d'afyle: ce pays étoit entre la Phrygie où regnoit Priam, & la Lycie où Bellerophon venoit de s'établir.

Au retour de cette expedition notre Heros fut attaqué par une troupe de Lyciens, qui jaloux de la reputation & du crédit qu'il s'attiroit dans le pays, lui drefferent une embufcade. Les traitres furent défaits malgré une vigoureuse résistance, & Bellerophon revint victorieux de tant d'ennemis à la Cour de Jobate. Ce fut alors, felon Homere que le Roy de Lycie connoiffant à ces grands exploits qu'il étoit de la race des Dieux, lui donna fa fille en maria»ge, avec la moitié de fon Royaume pour dot. Les Ly» ciens eux-mêmes, à l'exemple de leur Prince, lui donnerent en propre un grand Parc où il y avoit le plus beau » vignoble du pays, des bois & des terres labourables; prefent ordinaire que les peuples faifoient aux Heros, en quoi il les traitoient comme les Dieux, qui avoient auffi des ter» res qui leur étoient confacrées «.

[ocr errors]
[ocr errors]

Après la mort de Jobate, qui ne laiffa point d'enfans mâIes, Bellerophon lui fucceda, & fes defcendans regnerent dans cette partie de la Lycie dont fon beau-pere avoit été Roi. Il eut de fa femme trois enfans; Ifandre, qui mourut dans le combat contre les Solymes; Hippolochus, qui regna après lui, & fut pere de Glaucus, & une fille nommée Laodamie, qui eut une galanterie qu'elle mit fur le com(1) Ibid. pte de Jupiter, & devint mere de Sarpedon. Homere (2) dit que Diane lui ôta la vie ; ce qui fignifie qu'elle mourut. fubitement, ou d'une maladie contagieufe.

Le même Poëte ajoute qu'après que Bellerophon fe fut attiré la haine des Dieux, il fe livra à une fi noire mélancolie, qu'il erra feul dans les deferts, rongeant fon cœur & évitant la rencontre des hommes. Il ne dit point ce qui lui avoit attiré la haine des Dieux : feroit-ce, comme l'a remarqué Madame Dacier, qu'il fut plus facile à ce Prince de conferver fon innocence pendant qu'il étoit perfecuté, que dans la profperité, & que l'orgueil le perdit? Je croirois plutôt que comme ce Poëte rapporte dans cet endroit la mort d'Ifandre & celle de Laodamie, il a voulu nous faire en

tendre que la perte de ces deux enfans l'avoit rendu inconfolable, & qu'il avoit abandonné le foin des affaires à fon

Fils Hippolochus, pour chercher une retraite.

y

Voilà, je penfe, ce qu'on peut dire de plus raisonnable au fujet de Bellerophon & de fa famille. Je me fuis principalement attaché à Homere,qui raconte cette hiftoire dégagée de la plupart des fictions que ceux qui font venus après lui ont ajoutées. Ainfi je n'ai point parlé du Pegafe, ce cheval fameux qui fut dreffé par Minerve elle-même, qui le donna à ce Heros, & qui fut caufe de fa mort: car ce Prince, dit-on, monté fur Pegase ayant voulu s'élever jusqu'au Ciel, un taon piqua le cheval, & le Heros fe tua en tombant : on ajoute que Pegase prit alors fa place parmi les conftellations, où l'Aurore l'employe les matins pour ouvrir les barrieres du jour (1). Premierement, parce que c'eft une épifo- (1) Hygin de dont Homere n'a rien dit, & ce ne fut que dans la fuite Cal. Poct. que Pindare publia le premier cette fiction. Hefiode, qui Aftr. c. 6. parle du cheval Pegafe, ne dit pas, ainsi qu'on vient de le voir dans l'hiftoire de Perfée, que Bellerophon s'en fût servi. En fecond lieu, parce que je crois avoir fuffifamment prouvé que le Pegafe n'étoit point un cheval, mais un vaiffeau qui en portoit la figure fur fa proue. Troifiémement, quand Hygin dit que Bellerophon étoit fils de Neptune, il prouve clairement qu'on le regardoit, non comme un cavalier mais comme un célebre navigateur, qui étoit venu par mer d'un pays éloigné.

Cette fable d'Hygin en enfanta une autre, ou du moins elle en fut une fuite. Bellerophon, au rapport de Plutarque, étant mécontent de Jobate qui l'avoit expofé à tant de dangers, pria, dit-on, Neptune fon pere de le venger. Après cette priere les flots de la mer le fuivirent & inonderent tout la plat pays. Les Lyciens, qui fe voyoient perdus fans reffource, le fupplierent de vouloir bien appaifer le Dieu courroucé: mais ce Prince étant infenfible à leurs larmes, les femmes Lyciennes se presenterent devant lui d'une maniere peu décente, & l'obligerent enfin à retourner du côté de la mer, & les flots fe retirerent. Cette fiction inconnue à Hefiode & à Homere, & qui s'accorde fi mal avec les marques éclatantes de reconnoiffance que Jobate avoit données à Bel

(1) Hierof. P. 1. 1. 2. c. 6.

lerophon, ne fignifie fans doute autre chofe, finon que la mer ayant inondé la baffe Lycie, ce Heros y fit élever une digue qui arrêta le débordement, à l'exemple d'Hercule qui fit un femblable ouvrage fur les rivages de Troye que la mer avoit inondés.

Finiffons, en difant avec Bochart (1) que le nom de Bellerophon paroît compofé de deux mots Hebreux, Baal-Haroum, Magifter vel Præfectus Jaculatorum; le Chef ou le Maî tre des Archers: & nous pouvons ajouter que le nom d'Hip ponous qu'il portoit avant le meurtre qui l'obligea de fortir de Corinthe, lui avoit fans doute étoit donné, parce qu'il avoit exercé l'art de dompter les chevaux (a).

Quoique Bellerophon eût quitté Corinthe, où il ne revint jamais, cette ville fe faifoit pourtant honneur de lui avoir donné la naiffance; & on le trouve fur fes Médailles avec la Chimere, ainfi qu'on peut le voir dans le fecond Tome du Thefauro Britannico.

Sur ces Médailles la Chimere paroît avec une tête de lion, fur le milieu du corps s'éleve une tête de chevre, & la queue eft terminée par celle d'un ferpent. Bellerophon paroît au milieu des airs, monté fur Pegafe, & prêt à porter au monftre le coup mortel. Nous avons encore une pierre gravée par les foins du feu cavalier Maffei, fur laquelle paroît de même Bellerophon dans les airs, fur le cheval Pegafe, qui darde fon javelot contre la Chimere. Elle a auffi une tête de lion, celle de chevre s'éleve fur fon dos, & fa queue se termine en une groffe tête de dragon. Une autre pierre donnée par Licetus représente le même combat: mais la Chimere ne paroît être qu'un lion, du moins la petiteffe de la pierre empêche qu'on n'y remarque autre chofe.

Je vais fixer maintenant, autant qu'il eft poffible, le temps où vivoient Perfée & Bellerophon: rien n'étant plus propre à éclaircir les Antiquités de ce temps-là, que la véritable époque de ces deux Heros.

(a) Voyez la Differt. de M. Freret fur l'Equitation. Mem. de l'Acad. Tom.7. p. 286.

CHAPITRE V I I.

Où l'on recherche en quel temps ont vêcú Bellerophon &Perfée..

L

Es Chronologues anciens & modernes, perfuadés que Bellerophon avoit été expié du meurtre qu'il avoit commis, par Protus Roi d'Argos, ont été obligés d'avancer qu'il vivoit long-temps avant Perfée, qui n'étoit que le petit neveu de Prœtus; & leur opinion étoit généralement reçûe, lorfque M. Freret & moi ayant examiné cette queftion dans le même temps, & fans nous être communiqué nos idées, nous portames à l'Académie des Belles-Lettres deux Differtations (1), dans lefqnelles nous prouvames l'un (1) Voyez & l'autre par les Synchronismes & les Généalogies que les les Mem. T. 7, Auteurs anciens nous ont confervées, que Perfée étoit anterieur de plufieurs années à Bellerophon; que le premier vivoit à la cinquième génération avant le fiege de Troye, pendant que le fecond n'étoit éloigné de cette époque que de deux générations, & même moins : & que dès-là il falloit nécessairement conclure que le Prince, chez qui fe retira Bellerophon pour être expié de fon crime, n'étoit pas le Roi d'Argos qui avoit detrôné Acrife fon frere. J'efpere que le réfultat de ces deux Differtations fatisfera le Lecteur fur le véritable temps auquel ont vêcu les deux Heros dont je viens de donner l'hiftoire.

A ne prendre la fucceffion des Rois d'Argos & de Mycenes que depuis Danaus, duquel defcendoit Perfée, jusqu'à la prife de Troye, on trouvera dix générations; & Perfée à la cinquiéme: or cinq générations, à en compter trois pour cent ans, avec Herodote, font 166. ans. Pour rendre la chofe plus fenfible, joignons la lifte de ces générations avec celle des Rois d'Athenes, en fuppofant feulement ce qui ne doit pas paroître extraordinaire que que les regnes

« AnteriorContinuar »