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donie (1), & celle de Minoa Lictia, qui fut ainfi appellée (1) Strabon. de fon nom & de celui de Litius fon beau-pere; ce qui eft c. 10. autorifé par l'époque onziéme des Marbres d'Arondel.

Mais rien ne diftingue tant ce Prince que les Loix qu'il donna aux Cretois, puifqu'elles l'ont toujours fait regarder comme un des plus grands Légiflateurs de l'Antiquité. Pour donner plus d'autorité à fes loix, il fe retiroit dans un antre de l'Ifle de Crete, où il feignoit que Jupiter fon pere les lui dictoit ; & il n'en revenoit jamais, au rapport de Nicolas de Damas (2), qu'il n'en rapportât quelque nouvelle Loi : c'eft (2) Voyez Exce qui lui a fait donner par Homere (3) la qualité de Disciple cerpta Stobat verbo Cretende Jupiter; Aíos μegáns ò àpusu's ce qu'Horace exprime ainsi: fes.

Et Jovis arcanis Minos admiffus (4).

Jofeph eft le feul des Anciens, que je fçache, qui ait dit que Minos avoit reçu fes loix d'Apollon, & qu'il avoit voyagé à Delphes pour les apprendre de ce Dieu (5).

Tous les autres Légiflateurs, pour le dire en paffant, ont voulu autorifer leurs Loix de la même maniere. Mnevis Roi d'Egypte, attribuoit les fiennes à Mercure ou Teutat; Zamolxis, le Légiflateur des Thraces, à la Déeffe Vesta; Zoroaftre, à son Génie; Numa Pompilius, à la Nymphe Egerie qu'il alloit confulter

la

blia qu'il étoit descendu dans le Pythagore pu

de

(3) Odyff. 19. (4) Od. 10. I. 1.

(s) Liv. 2. contre Appion.

menidès dit qu'il avoit dormi cinquante ans dans une caverne de l'Ile de Crete: & tous fans doute d'après Moyfe, qui avoit reçu les Tables de la Loi fur le mont Sinaï, avec tant d'éclat que la tradition s'en étoit répandue parmi tous les Peuples. Maxime de Tyr (6) a cru que cet antre où Minos se (6) Diff. 22. retiroit, étoit dans le mont Ida; mais Eufebe le place dans un autre endroit.

Strabon, après Ephorus, prétend (7), que Minos demeu (7) Liv. 10. ra neuf ans en retraite dans la Caverne dont nous venons de parler, & ce fçavant Auteur rapporte pour prouver fon opinion, le témoignage d'Homere (8); mais le paffage où ce (8) Ody. 19. Poëte en parle, fe lit differemment dans les Auteurs qui l'ont

copié; car il peut d'abord fignifier, comme cet Hiftorien l'a eru, que Minos fut le difciple de Jupiter pendant l'efpace de (1) In Minoë. neuf années confécutives; ou, comme Pltaon l'a interprété, (1) que ce Prince alloit tous les neuf ans, écouter les leçons de Jupiter; ou enfin, comme Nicolas de Damas la tranf(2) Loc. cit. Crit (2), que Minos qui regna neuf ans, fut le difciple de Jupiter.

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dit

que

La fçavante Interpreté d'Homere a prouvé dans fes Notes quel devoit être ici le veritable fens du Poëte,& que le mot de évvécopos, fignifie chaque neuviéme année. Platon ne laiffe aucun lieu d'en douter. « L'Eloge, dit ce Philofophe, qu'Ho mere fait ici de Minos eft fort court; mais il eft fi grand, que ce Poëte ne le donne à aucun de fes Heros ... Il Minos étoit admis à fon entretien chaque neuviéme » année, várra, & qu'il alloit à lui pour être inftruit » comme un difciple par fon maître. Puis donc qu'il n'y a point d'autre Heros que lui à qui ce Poëte ait donné cet éloge, d'être inftruit par Jupiter, il faut regarder cette louange, comme la plus grande & la plus admirable de toutes les louanges... Minos alloit donc tous les neuf ans; continue-t-il, devators Erors, dans l'antre de Jupiter pour y apprendre de nouvelles chofes, ou pour reformer, fuivant l'exigence des cas, ce qu'il avoit appris dans la précedenté neuviéme année. L'antre où ce fage Prince fe retiroit, fut » appellé dans la fuite, l'Antre de Jupiter.

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Toute l'Antiquité a toujours fait grand cas des Loix de Minos; Platon, Ariftote, Diodore, Paufanias, Plutarque, & plufieurs autres, fe font fort étendus fur ce fujet ; & je n'aurois jamais fait, fi je voulois rapporter ici tous les témoignages de ces Auteurs. Contentons-nous de dire que Lycurgue voyagea exprès dans l'Ifle de Crete, pour y recueillir les Loix de Minos, & les donner aux Lacedémoniens (2); & l'on doit juger par la fage police de ce peuple, par fes conquêtes, & par la grande réputation qu'il s'acquit, de l'équité des Loix fur lefquelles il fe regla. On peut ajouter encore que Jofeph, tout amateur qu'il étoit de fa Nation, a avoué que Minos étoit le feul parmi les Anciens qui meritât d'être comparé à Moyfe.

De fçavoir maintenant fur quel modele ce fage Prince s'étoit reglé pour donner des Loix fi falutaires à un peuple groffier & ignorant, c'eft ce qu'il n'eft pas aifé de deviner. Si nous en. voulons croire M. Huet', la chofe fera bientôt déci dée, puifque felon ce fçavant Prélat, Minos eft le même que Moyfe; & voici le parallele qu'il en fait. Moyfe & Minos, vivoient à peu près dans le même temps (a). Diodore n'a donné pour femme à Minos, Ithone, dont le nom veut dire ancienne dans la langue Chaldaïque, que pour marquer que ce Prince étoit très-ancien. On ne fait venir de Phenicie la mere du Prince Cretois, que parce que les parens du Légiflateur Hebreu en étoient originaires. On n'a fait regner celui-là en Crete, que parce que celui-ci conduifit les Ifraëlites dans lá Peleftine, dont le peuple étoit quelquefois nommé Cretois; comme Bochart le remarque après les Septante. Minos n'eur pour frere que Rhadamanthe, car Sarpedon étoit fils de Laos damie, & petit-fils de Bellerophon; Moyfe n'avoit auffi qu'un frere, nommé Aaron. Diodore ne donne que deux enfans au Légiflateur de Crete; celui des Hebreux n'en avoit qu'un pareil nombre. Le premier reconnoiffoit avoir reçu fes Loix de Jupiter Dieu avoit donné les fiennes au fecond. L'un s'entretenoit avec le Pere des Dieux de la Fable dans les antres du mont Ida; l'autre avec le Dieu d'Abraham & de Jacob fur le mont Sinaï. Homere ne donne qu'à Minos l'honneur d'avoir eu Jupiter pour maître; Dieu ne fe découvroit qu'à Moyfe, & il étoit le feul dépofitaire de fes volontés, Moyfe les faifant executer par Aaron comme Minos par Rhadamanthe. Le Roi de Crete na paffé pour être le Roi de la mer, que parce que le Légiflateur Hebreu commanda aux flots de la mer Rouge de fe retirer. Celui-là n'a été regardé comme le juge des Enfers, terminant les differends qui furvenoient entre les deux autres, que parce que celuici établit un Confeil pour être foulage du détail des affaires, fe réservant la connoiffance des caufes les plus importantes. Hesiode ne donne au Roi de Crete le fceptre d'or de Jupiter,

(a) Il eft obligé en cet endroit d'aider un peu à la lettre, mais ce n'eft pas le feul endroit ou le parallele eft forcé.

Salmafii,c.11.

que parce que l'Ecriture fainte parle de la Verge myfterieufe de Moyfe. Jofeph, ajoute cet Auteur, a donc eu raison de comparer ces deux grands hommes ; puifqu'à parler avec exaatitude, il n'y a jamais eu d'autre Minos que Moyse.

Mais avec le refpect que je dois à l'érudition de ce fçavant Prélat, le témoignage de toute l'Antiquité eft trop décifif,pour ne pas reconnoître d'autre Minos que le Législateur des Hebreux; & fans entrer dans la critique de ce parallele ; que j'ai même bien adouci, il y a bien des traits qui ne convaincront pas les incrédules.

Je ne nie pas toutefois que Minos n'eût entendu parler de Moyfe; fa mere étoit Phenicienne, & apparemment plufieurs perfonnes vinrent de ce pays s'établir en Crete de fon vivant ; je trouve entre autres un certain Atymnus, frere d'Europe, qui au rapport de Solin, fut honoré après la mort à Gortys, comme un Dieu: Gortynni & Athymnum colunt (1) Solinus, Europa fratrem (1); peut-être, & c'eft une conjecture que j'ofe ex emandat. ici hafarder, que ce Prince entretint fouvent fon neveu des Loix & de la Police qué Moyfe avoit établies parmi le peuple Hebreu; qu'il l'aida même à rediger le Code de fes Loix; & que c'est pour cela qu'il merita les honneurs divins. On peut (2) In Minve. ajouter auffi que Marnas, qui felon Platon (2) étoit Se cretaire de Minos, venoit auffi du même pays; du moins eftil sûr que les Pheniciens avoient un Dieu de ce nom, mais qui étant, comme nous l'avons dit dans le premier Volume, la grande Divinité de la ville de Gaza, ne peut être le même que celui dont parle Platon. Quoiqu'il en foit, on peut raifonnablement conjecturer qu'une connoiffance, quoique confuse, des Loix de Moyfe, fervit de modele à celle du Roi de Crete.

Minos après avoir gouverné fon peuple avec beaucoup de douceur & de moderation, mourut dans l'Ifle de Crete, & (3) Voyez le y fut enterré: on mit fur fon tombeau cette Epitaphe (3),

Scholiafte de
Callimaque.

ΜΙΝΟΩΣ ΤΟΥ ΔΙΟΣ ΤΑΦΟΣ

Minois F. Jovis fepulchrum.

Mais comme dans la fuite ce nom de Minos fe trouva

effacé,

effacé, & qu'il ne refta que les deux derniers mots de cette
Epitaphe, Jovis fepulchrum, les Cretois publierent que c'é-
toit le tombeau de Jupiter. Ce ne fut point, au reste, par
l'injure des temps, ni
par aucun autre accident que cette
Infcription fe trouva mutilée, mais par la malice des Cre-
tois, comme l'a fort bien remarqué autrefois le Scholiaste de
Callimaque. Ils vouloient fe glorifier par-là de poffeder le
tombeau du Pere des Dieux, qu'ils fe vantoient d'avoir élevé
pendant fon enfance; ce que le Poëte Callimaque leur re-
proché avec aigreur dans un Hymne adreffé à Jupiter, dont
voici le fens : Les Cretois font toujours menteurs, puisqu'ils

a

» se vantent d'avoir votre tombeau, grand Roi, qui êtes tou»jours vivant ». (1) Et c'eft à cet endroit de cet ancien Poëte, (1)Hymn.in pour le dire en paffant, que l'Apôtre fait allufion, lorfqu'il Jovem. reproche au même peuple, avec les mêmes paroles de Callimaque, le défaut d'aimer à mentir, Cretenfes femper mendaces (a).

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Un Prince qui avoit été fi équitable pendant fa vie, devoit être honoré après la mort auffi les Poëtes à qui il appartenoit de diftribuer les emplois de l'autre monde, ne manquerent pas de l'établir Juge de la Cour fouveraine de Pluton.

J'ai dit dans le fyftême de l'Enfer poëtique, que les Grecs en avoient puifé l'idée chez les Egyptiens, & que lorfqu'ils voulurent, à l'exemple de cet ancien peuple, y établir des Juges, ils avoient choifi ceux d'entre leurs grands Hommes, qui avoient vécu avec le plus d'integrité; & qu'ils n'en avoient point trouvé qui meritaffent mieux cet honneur, que Minos, Eaque, & Rhadamanthe. Ils partagerent enfuite leurs fonctions: Eaque, au rapport de Platon, jugoit les Européens : Rhadamanthe qui avoit quitté le féjour de Crete pour aller s'établir en Afie, eut les Afiatiques pour fon partage, où l'on comprenoit auffi les Afriquains: & Minos, comme le premier Président de la Cour infernale, décidoit les diffe

(a) Il ne faut pas avoir égard à l'opinion | de Stephanus qui fait voyager Minos en Phenicie, pour lui faire bâtir la ville de Tome III.

Minoa, que ceux qui en furent les fon-
dateurs nommerent ainfi en l'honneur du
fils d'Europe.

T

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