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rends qui furvenoient entre les deux Juges. Tous les Poëtes conviennent de cette fuperiorité de Minos fur fes Colle) Odyff. 11. gues. Homere (1) le repréfente avec un fceptre à la main affis au milieu des Ombres, dont on plaide les causes en sa présence; & Virgile ajoute qu'il tient à la main & remue l'Ur ne fatale où eft renfermé le fort de tous les mortels,

fixiéme Livre

Quæfitor Minos Urnam movet,

pendant que le fevere Rhadamanthe fait executer dans le Tartare les jugemens que fon frere prononce (a).

Ainfi, à prendre les chofes à la rigueur, Rhadamanthe n'eft là qu'un Juge fubalterne, & comme le Lieutenant criminel de Minos: il inftruit les procès, écoute & confronte les témoins, oblige les coupables, en les mettant à la question, à confeffer leurs fautes les plus fecretes; & après que fon frere (2) Voyez a jugé en dernier reffort, il fait executer fes fentences (2). Lacerda fur le Il n'eft pas aifé de fixer l'époque du regne de Minos I. Si de l'Eneide. nous confultons les Marbres d'Arondel, dont l'époque eft un peu mutilée, nous y trouverons que ce Prince vivoit du temps de Pandion I. Roi d'Athenes (b): ce que les Auteurs des Remarques fur ces anciennes Infcriptions, font tomber à l'an 1462. avant Jefus-Chrift: & ce qui fert à confirmer cette époque, c'eft que les Marbres joignent le regne de Minos, avec l'invention du fer par les Dactyles Idéens, lorfque les forêts du mont Ida s'étant embrafées, ils virent couler ce méral que le feu avoit fondu; événement qui, fuivant un ancien Chronologue cité par faint Clement d'Alexandrie (3), doit tomber fur l'an du monde 2743. en fuppofant que l'Ere chrétienne a commencé après l'an 4005.

(3) Strom. I. 1.

Eufebe favorife encore ce fentiment, en mettant le regne de Minos à l'an 32. de celui de Pandion, qui eft la cent

(a) Gnoffius hac Rhadamanthus habet du-
riffima regna,
Caftigarque, auditque dolos, fubigitque
fateri

Quæ quifque apud fuperos furto lætatus

inani

Diftulit in feram commiffa piacula mortem. Æneid. 6.

(b) A quo Minos I. regnavit. L.inftauravit, & ferrum inventum eft in Ida, inventoribus Ideis Dactylis, Celmi.... regnante. Athenis Pandione, &c. Ep. 11,.

cinquante-uniéme année de l'Ere Attique, c'est-à-dire, vingtfix ans plus tard. Mais je crois que ces fçavans hommes ont trop étendu les temps fabuleux, puifqu'il n'y a entre Minos I. & Idomenée, qui, felon Homere & tous les Anciens, afsista au fiége de Troye, que cinq perfonnes, qui font quatre générations; Minos I. Lycafte, Minos II. Deucalion & Idomenée, qui étoit encore fort jeune. Ainsi, à compter avec Herodote, trois générations pour un fiécle, & une demie pour Idomenée,il s'enfuivroit que Minos n'a vécu que 120. ans avant la guerre de Troye: & cette ville ayant été prife, felon l'opinion la plus probable, l'an 1184. avant Jefus-Christ, on doit fixer l'époque que nous cherchons, à l'an 1304, avant l'Ere chrétienne On ne fçait pas au jufte combien de temps

a regné ce grand Prince, le paffage où Homere (1) semble (1) Odyff. 19. lui donner neuf ans de regne, étant très-équivoque.

J'ai dit que Minos avoit eu deux freres, Rhadamanthe & Sarpedon : il est à propos avant que de paffer plus avant, de raconter leur Hiftoire.

Rhadamanthe, fi nous en croyons Apollodore (2), Pla- (2) Liv. r. ton (3), Diodore (4), faint Auguftin (5), & prefque tous les (3) In Minoe. (4) Liv. 4. Anciens, quoique quelques-uns d'eux n'en conviennent pas, (3) De Civit. étoit frere de Minos, qui au rapport de Platon, fe fervit Dei.l. 18. utilement de fes lumieres pour compofer fes Loix, & les faire obferver avec exactitude; c'étoit un Prince d'une éminente vertu, le plus modefte & le plus, fobre de fon temps.

Apollodore eft le feul, que je fçache, qui dife qu'il fe retira en Béotie, après avoir affaffiné fon frere Amphitryon; ce qui fans doute regarde un autre Prince du même nom, puifqu'il eft sûr, par le témoignage de tous les Anciens, que celui dont nous parlons ici, alla s'établir dans quelqu'une des Inles de l'Archipel de la domination de fon frere, foit, comme le prétendent quelques Auteurs, que ce fût par politique que Minos jaloux de fa réputation, l'eût obligé à quitter l'Ifle de Crete; ou plûtôt qu'il lui donna cet appanage, pour faire paffer par fon moyen la connoiffance de fes Loix jufques dans l'Afie. Diodore nous apprend qu'il fit plufieurs conquêtes dans les Ifles voifines, moins par la force de fes armes, que

par la douceur de fa domination, plusieurs peuples s'étant volontairement foumis à fon empire. C'eft cette équité & cet amour pour la juftice, qui le firent mettre au nombre des Juges d'enfer. Rhadamanthe avant que de mourir, partagea fes Etats entre les deux fils, & donna le gouvernement des villes à fes principaux Officiers.

J'ai dit que tous les Anciens ne convenoient pas que Rhadamanthe fût frere de Minos, il y en a quelques-uns en effet qui prétendent qu'il n'avoit été que fon Secretaire, fondés apparemment fur ce que ce Prince, au rapport de Platon, s'en étoit fervi pour rediger le Code de fes Loix. Strabon même nous fait entendre que Rhadamanthe, fur le modele duquel Minos s'étoit reglé, avoit vécu long-temps avant lui; qu'il avoit donné des Loix à l'Ifle de Crete, & y avoit bâti (1) In Arc. plufieurs villes. Ceft peut-être celui dont parle Paufanias (1) qui au rapport du Poëte Cyneton, étoit fils de Vulcain, petit(2)Voyez fon fils de Talus, & arriere-petit-fils de Cerès. Loerquer (2) croit petit Livre in- auffi que le Prince de ce nom qui regna en Lycie, n'étoit pas frere de Minos, & il blâme Diodore & Platon de l'avoir fait fortir de l'Ile de Crete. Ce même Auteur reconnoît un second Rhadamanthe, frere de Minos II. Légiflateur comme le premier ; tout cela prouve qu'il y a eu plufieurs perfonnes de ce nom.

titulé Ion.

Sarpedon.

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Hiftoire de Sarpedon obligé de fortir de l'Ile de Crete, après que fon frere, à qui il difputoit la couronne, l'eut vaincu, se retira d'abord dans la Carie, où il bâtit la ville de Milet (a), & après y avoir fait quelque féjour, il pénétra plus avant dans l'Afie, & arriva enfin au pays des Myliades, qui prit peu de temps après le nom de Lycie, d'un Prince nommé Lycus, fils de Pandion & frere d'Egée, qui s'y retira, & y fut reçu par Sarpedon qui venoit d'y fonder un petit Royaume, où il regna paisiblement le refte de fes jours. Après fa mort Evandre fon fils monta fur le trône, au rapport de Dio'dore; mais il ne faut pas confondre ce Sarpedon avec le petit fils de Bellerophon qui vivoir auffi dans le même pays

(a) Diodore, 1. 5. Herodote, 1. 1. Paul, in Atticis. Stephanus, &c.

environ 100. ans après, & qui felon Homere, Iliade l. 6. conduifit au fiége de Troye ceux des Lyciens qui habitoient aux environs du Xanthe (1)

(1) Voyez

Bellerophon.

Après la mort de Minos premier, fon fils Lycafte lui fuc- l'hiftoire de ceda; mais fon regne n'a rien de remarquable. Il n'en eft pas de même de celui de Minos fecond son fils, dont je vais parler.

Ce Prince étant monté fur le trône, fe rendit redoutable fes voisins, fit plufieurs conquêtes dans les Ifles voisines, & devint enfin le maître de la mer. Thucydide, Apollodore, Diodore de Sicile, & les autres Anciens parlent des progrès que faifoit fa Flotte, la plus nombreuse qu'on eût vûe avant lui; & il auroit joui de la réputation de l'un des plus grands Princes de fon temps, fans la malheureuse avanture que je vais raconter. Elle troubla tout le repos de fa vie, & donna lieu aux Grecs de le déchirer par mille calomnies.

La célébration des Panathenées attirant à Athenes toute la Nobleffe des environs (a), Minos voulut y envoyer fon fils Androgée, & ce jeune Prince combattit dans ces Jeux avec tant d'adreffe & de bonheur, qu'il y remporta tous les prix; ce qui lui attira l'eftime de tout le peuple, & l'amitié des fils de Pallas frere d'Egée. Le commerce de ce jeune Prince avec les Pallantides devint suspect au Roi d'Athenes : comme il n'avoit point encore fait reconnoître Thefée, & qu'il n'avoit point d'autres enfans, il craignit qu'avec le fecours de Minos ils ne fe miffent en état de le détrôner; ainsi ayant appris qu'Androgée alloit à Thebes, il le fit affaffiner au bourg d'Enée, fur les confins de l'Attique. Minos n'eut pas plûtôt appris cette trifte nouvelle, qu'il réfolut de venger la mort de fon fils. Apollodore remarque (b) qu'il étoit

(a) Diodore, 1. 4. Apollod. 1. 3. Plutarque, in Thefeo, & Servius fur le fixiéme Liv. de l'Eneide.

(b) Apollodore, liv. 3. raconte autrement la mort d'Androgée : il dit que ce Prince fut tué par le Taureau de Marathon, que Neptune avoit envoyé dans FIle de Crete, pour punir Minos de ce qu'étant maître de la mer, il ne recon

noiffoit pas fa Divinité. Ce Taureau
ayant ravagé l'Ifle de Crete, traverfa la
mer, alla en Grece, & ayant rencontré
Androgée en fon chemin, lui ôta la vie;
mais il y a apparence qu'on ne fit courir
ce bruit, que pour mettre à couvert la
réputation d'Egée, qui avoit violé tous
les droits de l'hospitalité.

alors dans l'Ifle de Paros, où il offroit un facrifice aux Gra ces, & qu'il jetta de dépit la couronne qu'il avoit fur la tête, & que depuis ce temps-là il ne porta plus de couronne dans les facrifices de ces Déeffes.

La Flotte de Minos s'étant bientôt trouvée en état de partir, ce Prince fondit fur l'Attique avant qu'on eût eu le temps de fe preparer à le recevoir : Nifa, qu'Ovide par anticipation nomme Megare, fentit le premier effort de fes armes. Cette ville voisine d'Athenes, avoit pris fon nom de Nifus,frere d'E(1) Liv. 3. gée: voici felon Apollodore (1) & Strabon, comment elle étoit échue à la branche cadette de la maison Royale d'Athenes. Pandion, qu'une faction avoit chaffé de fon Royaume, s'y étoit retiré, & avoit épousé la fille de Pylos qui y regnoit. Il en eut quatre fils; Egée, qui alla regner à AtheNifus, qui fucceda à fon grand-pere & donna fon nom à la ville; Pallas & Lycus, qui dans la fuite voulurent difputer la couronne à Egée.

Hiftoire de

nes;

Cette ville auroit long-temps arrêté l'ennemi, fans la perSylla & de Ni- fidie de Sylla, fille de Nifus, qui trahit fon Les Poëtes

fus.
(2) Ovid.
Met. 1. 8.

pere.

difent (2) que le fort de ce Prince dépendoit d'un poil rouge qu'il portoit fur fa tête (a), & que Syllaamoureuse de Minos, lui coupa pour le porter à fon Amant (b). On ajoute que ce Prince déteftant cette trahifon, partit fans vouloir lui parler, & que Sylla s'étant jettée de désespoir dans la mer, les Dieux la changerent en Alouette; c'eft-à-dire, car cette avanture eft véritable, au rapport de Paufanias, que cette Princeffe eut correfpondance avec Minos pendant le fiége; qu'elle lui donna avis des réfolutions les plus fecretes du confeil; & qu'enfin elle l'introduifit dans la ville avec les clefs qu'elle prit pendant que fon pere dormoit, & dont apparemment Ovide a voulu parler fous le fymbole de ce poil fatal.

Sa métamorphofe en Alouette, ainfi que celle de fon pere

(a) Paufanias, in Atticis, dit que les cheveux de ce Prince étoient rouges, c'est-à-dire, d'un blond trop hazardé.

(b) Inter honoratos medio de vertice canos |

Crinis inhærebat magni fiducia regni:
. . . . Fatali Nata Parentem
Crine fuum fpoliat.

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