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Pindare qui dans le deffein qu'il avoit de louer Arcefilas Roi de Cyrene, un des defcendans d'Euphemus ce célebre Argonaute dont j'ai fait mention ailleurs, oublie totalement fon Heros, & parle fort au long des avantures qni arriverent aux Argonautes, fur-tout en Afrique, & raconte l'hiftoire de cette motte de terre que le Triton leur donna; mais il differe d'Apollonius de Rhodes , qui n'écrivit qu'après lui. Le Triton, dit Pindare, charmé du Trepied que lui avoient donné les Argonautes, les pria d'attendre, avant que de partir, qu'il pût leur aller chercher les prefents que tout hôte étoit obligé de faire aux étrangers; mais ces Princes, que peut-être un vent favorable invitoit au départ, ne lui en ayant pas donné le temps, il prit une motte de terre & la donna à Euphemus. Lorfque les Argonautes furent arrivés auprès de l'Ifle Califthé, la motte fatale tomba dans la mer, & Medée prédit à Euphemus que cet incident retarderoit l'établissement de fes defcendans dans la Libye.

Pour entendre cette prédiction de Medée, il faut rapporter ici ce que les Hiftoriens racontent des defcendans des Argonautes & des femmes de Lemnos que les Anciens appelloient les Myniens. Les Pelafges, dit De(1) Liv. 1. nys d'Halicarnaffe (1), s'étant emparés de cette Ifle, les en chafferent, la quatriéme génération après le paffage des Argonautes. Forcés d'abandonner leur patrie, ils fe mirent fur (2) Liv. 4. mer, comme le rapporte Herodote (2), & pafferent dans la Laconie. Les Laceeemoniens qui les apperçurent auprès du mont Taïgete, où ils avoient allumé des feux, députerent vers eux, & ayant appris qu'ils étoient les defcendans des Argonautes, qui venoient chercher leurs parents, ils les reçu

rent dans leur ville, en consideration de Castor & de Pollux. Mais ces nouveaux Hôtes ayant entrepris de faire quelques brigues, chaffés de la ville, allerent la plûpart s'établir dans l'Ifle Califthé, nommée dans la fuite l'Ifle de Thera.

De l'Ifle Califthé les Argonautes arriverent heureusement aux côtes de Theffalie, d'où ils étoient partis. Pelias étant mort pendant ce voyage, Acafte fon fils engagea fes Compagnons de voyage, à célebrer avant leur féparation, des jeux

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funebres en l'honneur de fon pere; & comme Paufanias (1) (1) In Eliac. en fait la description, nous allons rapporter ce qu'il en dit. liv. 1. Derriere l'endroit qui repréfentoit fur le Coffre des Cyp» felides le Palais d'Amphiaraüs, on voit une foule de Spe»ctateurs, au milieu defquels eft Hercule affis fur un trône. » Derriere lui eft une femme qui joue de la flûte Phrygienne, & l'Infcription le fait connoître. Petus, fils de Perieres, (il n'étoit que fon petit-fils) & Afterion fils de Come»tes, montés chacun fur un char, pouffent leurs chevaux » dans la carriere: Pollux, Admete & Euphemus difputent le même prix.... & on voit & on voit que c'eft le dernier qui rem» porte la victoire. D'un autre côté Admete & Mopfus fils d'Ampyfe font aux prifes, & foutiennent le combat du Cef» te: au milieu d'eux eft un homme qui joue de la flûte.......... » Le combat de la lutte fe paffe entre Jafon & Pelée : ils paroiffent de force égale. Eurybote eft dans la pofture d'un homme qui jette fon palet.... Melanion, Neothée, Phalarée, Argius & Iphiclus font les cinq qui paroiffent avoir difputé le prix de la courfe à pied Iphiclus remporte » le prix, & Acafte lui met une couronne fur la tête. Cet Iphiclus étoit le pere de Protefilas, qui alla au fiége de Troye. On voit auffi dans le même Tableau plufieurs Trepieds pour les Vainqueurs. Les filles de Pelias assistent à ces jeux, l'une defquelles eft nommée dans l'infcription; » c'eft Alcefte. Iolas, le compagnon des travaux d'Hercule, remporte le prix de la course du char à quatre chevaux, & c'eft par-là que finiffent les jeux funebres de Pelias ».

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liv. 2.

Le même Auteur ajoute (2) que Glaucus fils de Sifyphe, (2) In Eliac. avoit été foulé aux pieds de fes chevaux dans les mêmes jeux ; mais il ne dit rien des combats litteraires qui les accompagnerent: cependant Acefander, cité par Plutarque (3) (3) InSymp. prétend qu'on y donna auffi cette forte de combat, dans lequel les Poëtes difputoient le prix, en y lifant leur Tetralogie, & c'eft-là fans doute l'exemple le plus ancien qu'on puiffe citer de ce combat litteraire, fi ufité depuis dans les jeux de la Grece.

Les Argonautes avant de fe féparer (4), firent une ligue (4) Liv. 4

contre tous ceux qui auroient quelque chofe àdémêler avec eux; & pour la rendre plus folemnelle, Hercule les affembla dans les plaines de l'Elide, pour y célebrer les Jeux Olympiques, qui avoient été interrompus depuis long-temps, & qui le furent encore après. Jafon confacra dans l'Ifthme de Corinthe au Dieu de la mer, la Navire Argo, que les Poëtes ont placée depuis dans le Ciel, ainsi qu'on peut le voir dans Hygin & dans les premiers vers de l'ouvrage de Valerius Flaccus.

(1) Clem.

liv. I.

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OMME l'époque de cet évenement peut répandre une grande lumiere fur le fiécle dont j'écris l'hiftoire, je vais tâcher de l'établir avec quelque foin; mais l'embarras qui s'y rencontre eft très-grand: les Sçavans ont embraffé differentes opinions au fujet de cette époque : les uns l'éloignant trop de la guerre de Troye, car il fuffit de la déterminer par fa diftance à cet événement; les autres la raprochant trop; c'est-à-dire, que les premiers l'en éloignent de 96. ans, comme Eufebe, & que les autres la mettent feulement 20. ans auparavant,commeJofeph Scaliger : ce qui eft également contraire à ce que je vais prouver.

Si la date de la mort d'Hercule, donnée par Apollodod'Alex. ftrom. re (1), qui fait mourir ce Heros 53. ans avant la prise de Troye, étoit certaine, & qu'il fallût mettre un espace de quatre ou cinq ans pour ce qu'il fit depuis l'expedition des Argonautes jufqu'à fa mort, cette conquête feroit arrivée environ 58. ans avant la prife de Troye, ce qui eft infoutenable. Il eft vrai que Velleius Paterculus (2) ne fait mourir Hercule que quarante ans avant cette guerre, aufquels fi on joint les cinq ans dont j'ai parlé, l'époque que je cherche tomberoit à l'an 44. ou 45. mais cette diftance est encore trop grande, & contredit, quoique moins que les autres,

(2) Liv. 2.

ce

ce que l'Antiquité nous a laiffé de plus inconteftable fur le fiécle dont il s'agit. Car enfin, que penfer de deux évenemens lorfque dans le dernier fe trouvent les mêmes guerriers en affez grand nombre, plufieurs de leurs fils, & feulement quelques-uns de leurs petits-fils, finon qu'ils font beaucoup plus proches que ne le prétendent plufieurs Sçavans, c'està-dire, qu'ils ne font éloignés l'un de l'autre que de 34. ou 35. ans, à peu près comme la guerre de 1701. & celle de 1734. où nous avons vû les mêmes guerriers, leurs fils, & quelques-uns de leurs petits-fils. Or c'eft précisément le cas des Argonautes & des Capitaines de la guerre de Troye, fuivant toute l'Antiquité, en commençant par Homere.

Parmi les guerriers qui ont affifté aux deux expeditions, je mets d'abord Philoctete, qui incontestablement étoit au nombre des Argonautes, & qui fe trouva à la prise de Troye après qu'Ulyffe l'eut retiré de l'Ifle de Lemnos où il avoit été abandonné, & qui par conféquent alla deux fois dans cette Ifle, comme le dit Valerius Flaccus (a). Je ferai voir même dans l'histoire particuliere de ce Heros, qu'il furvécut longtemps à la prife de Troye. Euryalus fils de Mecifthée, & petit-fils de Talaüs, le même qui avoit affifté à la conquête de la Toifon d'or, commandoit les Argiens avec Diomede au fiége de Troye je dis le même, puifqu'Homere en donne la même généalogie, que celle que j'ai rapportée.

Quoique Neftor ne foit nommé parmi les Compagnons de Jafon que par le feul Valerius Flaccus (2), on doit du (1) Lib. 1. moins le mettre au nombre de leurs contemporains. Il avoit & lib. 6. vû ravager fa patrie par Hercule, & il s'étoit trouvé au combat des Centaures, & à la chaffe de Calydon; deux évenemens dont l'un préceda, & l'autre suivit de près l'expedition des Argonautes.

Quoique Caftor & Pollux, deux principaux des Argonautes, n'ayent pas assisté à la guerre de Troye, ils peuvent fervir au même Syncronifme, puifqu'ils ne moururent qu'au commencement de cette guerre, ou peu de temps avant,

(a) Tu quoque Phryxeos, video, Pœantie Colchos,

Bis Lemnum vifure petis: nunc patris.

Inclytus Herculeas olim moture fagittas. Val. Flac. l. 1. v. 39.

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Tome III.

Ii

(1) Æneid. 1.2.

& qu'ils moururent fort jeunes, Helene, four jumelle de l'un des deux, & qui devoit avoir 15. à 16. ans quand fes freres s'embarquerent avec Jafon, fe trouva à la prise de cette ville, n'étant pas encore extrémement âgée, comme je le prouverai dans fon hiftoire.

On doit penfer de même de Priam, qui avoit été témoin de la prise de Troye par Hercule, au temps même de l'expedition des Argonautes, & qui étoit alors dans un âge propre à gouverner fes états car il n'eft point dit nulle part qu'Hercule, qui lui laiffa la couronne après avoir tué Laomedon, lui ait donné en même-temps un Tuteur. Anchise avoir auffi été témoin de cette expedition d'Hercule; comme Virgile le lui fait dire dans le temps qu'Enée l'exhortoit à fortir de Troye avec lui.

Satis una, fuperque

Vidimus excidia, & captæ fuperavimus urbi (1).

Je trouve encore parmi ceux qui affifterent aux deux expéditions, Afcalaphus & Ialmenus, tous deux enfans de Mars: (2) Bibl. 1. 1. Car fi Apollodore (2) les met au nombre des Argonautes, (3) Iliad.1 2. Homere (3) qui leur donne le même pere & la même mere, Mars & Aftioché, rapporte qu'ils étoient au fiége de Troye, où ils conduisirent les Béotiens d'Afpledon & d'Orchemene ville de Mynias. Ce qu'il y a encore de fingulier, c'eft que le même Apollodore (4) met ces deux Princes au nombre des Amans d'Helene, qui fe préfenterent à Sparte pour la demander en mariage nouvelle preuve que plufieurs perfonnes avoient vû les deux événemens dont je parle. On pourra m'objecter que ces deux Princes étoient petits-fils de l'Argonaute Actor, par leur mere Aftioché; mais on peut répondre qu'il n'eft pas rare que les petits - fils, du côté des filles furtout, fiffent leurs premieres armes avec leurs grands-peres.

(4) Liv. 3.

Thefée qui avoit été du nombre des Argonautes, ou qui du moins s'étoit trouvé à la guerre des Centaures & des Lapithes, mourut à la verité quelque temps avant le fiége de Troye; mais il auroit été encore en âge de s'y trouver, puifque fa mere Æthra étoit à Troye lorfque la ville fut prife,

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