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de Minos.

C'est encore ici un nouveau crime dont a voulu charger gratuitement la mémoire de Medée; car ce récit ne fçauroit fe foutenir en aucune maniere. Egée étoit mort long-temps avant l'arrivée de Medéé dans la Grece ; s'étant précipité, comme (1) Hiftoire nous l'avons dit (1), du haut d'un rocher au retour de fon fils de l'ifle de Crete, qui avoit été la premiere expédition de Thesée après fa reconnoiffance. D'ailleurs Thefée ayant été au nombre des Argonautes, comment Medée l'auroitelle méconnu après avoir fait un filong voyage avec lui? & comment Plutarque a-t-il pû avancer, ainsi qu'on l'a déja remarqué, que ce Prince avoit été dans la Colchide, & en même temps qu'il avoit rencontré Médée chez fon pere, à fa premiere fortie de Trezene? Ce font-là de ces contradictions où tombent aifément des Compilateurs peu exacts.

& 3.

Après cette avanture on n'entend plus gueres parler de Medée: Trogue Pompée avoit écrit feulement, comme on (2) L.42.c.2. le voit dans Juftin (2), qu'elle traversa la mer, & retourna dans la Colchide avec Jafon qui s'étoit reconcilié avec elle, & le jeune Medus ; que là ils avoient rétabli Æetes fur le Trône dont il avoit été chaffé par une puiffante faction; que Jason avoit fait la guerre aux ennemis de fon beau-pere, qu'il avoit conquis une grande partie de la basse Asie, & s'étoit enfin acquis tant de gloire, qu'on l'honora comme un Dieu, & qu'on voyoit encore quelques-uns de fes Temples du temps d'Alexandre, qu'Epheftion fit démolir, afin qu'on ne pût égaler perfonne à fon maître. Enfin qu'après la mort de Jafon, Medus avoit bâti la ville de Medée en l'honneur de fa mere, & avoit donné fon nom aux Médes. Mais toute cette narration eft détruite par les traditions Grecques qui font mourir Jafon dans la Theffalie, comme nous le verrons dans (3) InCo- un moment. Paufanias (2) dit que cette partie de l'Afie fe nommoit Aria, & que les habitans furent depuis appellés Médes, du nom de cette Princeffe. Cet Auteur ajoute encore qu'on croyoit que le fils qu'elle emmena avec elle, & qu'elle avoit eu d'Egée, s'appelloit Medus ; que cependant Hellanicus le nommoit Polixene, & lui donnoit Jafon

rinth.

pere.

pour

Les Grecs, fuivant le même Auteur, avoient de vieilles Poëfies, qu'ils nommoient Naupactiennes, écrites par Carcinus de la ville de Naupaête, où on lifoit que Jafon après la mort de Pelias avoit quitté lolchos pour aller s'établir à Corcyre, & que là il avoit perdu Memercus fon fils aîné qui avoit été déchiré par une lionne, en prenant le divertiffement de la chaffe, dans cette partie du Continent qui eft vis-à-vis de la ville: mais elles ne nous apprenoient rien de Phérès fon autre fils. On avoit auffi dans la Grece d'anciennes Généalogies d'un nommé Cinethon Lacedémonien, qui rapportoient que Jafon avoit eu de Medée un fils appellé Medus, & une fille nommée Eriopis; mais ni l'un ni l'autre de ces deux Auteurs ne difoient rien du féjour de Medée & de Jafon à Corinthe, qui étoit fi clairement énoncé dans l'hiftoire d'Eumelus dont nous avons parlé, & qui ajou toit à ce qui a été dit, qu'après la mort de Bunus à qui Eetes avoit confié fes droits fur la ville d'Ephire, Poppée fils d'Aloéüs étant monté fur le Trône, & que Corinthus fils de Marathon, qui donna à la ville d'Ephire le nom de Corinthe, lui ayant fuccedé, & n'ayant point laiffé d'enfans mâles, les Corinthiens avoient fait venir Medée d'Iolchos, ainfi qu'on l'a dit. Ce même Auteur ajoutoit que Medée avoit eu plufieurs enfans de Jafon, qu'elle cachoit foigneufement dans le Temple de Junon, efpérant leur procurer par-là l'immortalité; qu'enfin déchûe de cette efpérance, & voyant que Jafon irrité contre elle s'en étoit retourné à Iolchos, elle avoit pris le parti d'abandonner Corinthe, de la maniere que nous l'avons raconté.

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Pour ce qui regarde les dernieres années de Jafon on fçait feulement qu'il mena une vie errante, fans avoir d'établiffement fixe ; & qu'un jour fe repofant fur le bord de la Mer à l'abri de la Navire Argo, qu'on avoit tirée à fec. il y fut écrafé par la chûte d'une poutre qui s'en étoit détachée, ce que Medée, dit-on, lui avoit prédit, au rapport d'Euripide

Au refte ce n'eft pas fans raifon fi je n'ai pas représenté Medée auffi coupable qu'on la fait ordinairement: j'ai pour

moi des garans parmi les Anciens. Je crois même avoir fuffifamment détruit, & cela par des autorités formelles, les faits odieux qu'on lui impute. Je dois ajouter encore que tout ce qu'on pourroit lui reprocher eft d'avoir abandonné fon pere & fa mere pour fuivre un étranger; mais, outre qu'elle fuivoit un parent qui étoit devenu fon époux, on prétend que fa fuite étoit néceffaire, fon pere de concert avec fa mere la haïffant , parce qu'elle étoit d'un caractére bienfaifant. On ajoute que ce fut par un effet de cette difpofition à faire du bien, qu'elle fecourut les Argonautes qui fans elle étoient perdus. L'ancien Scholiafte d'Euripide confirme cette opinion de Diodore, & des autres Anciens, lorfqu'il dit que Medée avoit gagné les bonnes graces des Corinthiens les délivrant d'une grande famine par le fecours de fes enchantemens ; c'est-à-dire, par les reffources que fes grandes connoiffances lui firent trouver pour avoir une bonne recolte. Ovide lui-même, qui lui paroît fi peu favorable, après lui avoir prêté les fentimens les plus vertueux, avant que de fe livrer au penchant qu'elle fentoit naître dans fon coeur pour Jafon, lui fait dire ces paroles remarquables que j'ai citées plus

haut.

,

en

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CHAPITRE VI.

Hiftoire d'Hercule.

N ne peut pas douter qu'il n'y ait eu plufieurs Hercules. Diodore de Sicile (1) en compre trois: un Egyptien, c'eft celui qui voyagea en Afrique, & fit élever auprès de Cadis ces fameufes colomnes qui avertiffoient les Voyageurs qu'ils ne devoient pas tenter de paffer outre (a). Le fecond étoit né dans l'Ile de Crete, parmi les Dactyles Idéens ; c'est, felon le même Auteur, celui qui inftitua les Jeux Olym

(a) Voyez ce qu'on en a dit d'après le même Auteur, dans l'article d'Ofiris.Tom.I.

piques.

piques. Le dernier étoit fils de Jupiter & d'Alcmene; il nâquit à Thebes, & fe rendit célebre par mille travaux. Il pouvoit en ajouter un quatrième, plus ancien que les autres, c'est le Phénicien. Ciceron (1) croit qu'il y a eu fix (1) De Nat. Hercules. Le premier, felon cet Auteur, étoit fils de Ju- Deor. 1. 3. piter & de Lyfidice : le fecond eft l'Hercule Egyptien, né du Nil. Le troifiéme étoit un des Dactyles du Mont Ida. Le quatrième étoit fils de Jupiter & d'Afterie, foeur de Latone, & c'eft lui que les Tyriens honoroient. Le cinquiéme est l'Indien, furnommé Belus. Le fixiéme enfin eft le fils d'Alcmene. Il y a des Auteurs Grecs qui en comptent jusqu'à quarante-trois, ou parce que plufieurs perfonnes fe font fait honneur de porter un nom fi illuftre, ou plutôt parce qu'Hercule n'étoit pas un nom propre, mais appellatif, dérivé peut-être du mot Phenicien Harokel, qui veut dire Marchand, comme l'a prouvé il y a quelques années le fçavant M. le Clerc (2), qui prétend qu'on donnoit autrefois ce nom aux (2) Bibl. fameux Négocians qui alloient découvrir de nouveaux pays, & y conduire des colonies, s'y rendant souvent auffi fameux par le foin qu'ils prenoient de les purger des bêtes farouches qui les infeftoient, que par le commerce qu'ils y établiffoient; ce qui a été fans doute la fource de l'ancien Héroïfme & de la Guerre (a). Ainfi il' paroît que le mot Hercule.n'étoit que le furnom des Hercules dont nous avons parlé car le Tyrien s'appelloit Thafius ; le Phenicien Defanaüs, ou Agenor; le Grec (b) Alcée, ou Alcide: l'Egyptien, qui étoit contemporain d'Ofiris, & général de fes troupes, Ofochor, ou Chon; l'Indien, Dorfane; & le Gaulois, Ogmion.

Mais il eft néceffaire de remarquer que les Grecs ont chargé l'histoire de l'Hercule de Thebes des exploits de tous les autres ; de ce grand nombre de voyages dont parlent les Hiftoriens & les Poëtes qui ont écrit fa vie, & de

(a) Voyez ce que l'Ecriture Sainte dit de Nembrot, ce premier Heros & conquerant elle l'appelle fortis venatur coram Domino.

(b) Diodore croit que ce ne fut qu'après Tome III.

qu'Alcide eut étouffé dans le berceau
deux Serpens que Junon avoit envoyés
pour le dévorer, qu'il fut appellé Hercu-
le, c'est-à-dire, la gloire de Junon.

LI

Univ.Tom.2.

tant d'avantures, pour fefquelles la vie d'un feul homme he fuffiroit pas : voici fon hiftoire.

Perfée eut d'Andromede Alcée (1), Sthenelus, Hilas, (1) Apollod. Meftor, Electrion, & une fille nommée Gorgophone, qui, 1. 2. Diod.&c. comme nous l'avons dit ailleurs, fut mariée à Perieres. Al

cée ayant époufé Hippomone, fille de Menecée, en eut deux enfans, fçavoir Amphitryon & fa foeur Anaxo. De Meftor, & de Lyfidice, fille de Pelops, nâquit Hyppothoé,qui ayant été enlevée par Neptune, c'eft-à-dire par un Pirate, fut conduite dans les ifles Efchinades, où elle eut un fils nommé Thaphius, qui mena une colonie à Thaphos, dont il fit enfuite appeller les habitans Teleboens, pour marquer qu'ils étoient venus s'établir loin de leur patrie. De ce Thaphius nâquit Pterelas qui eut plusieurs enfans mâles (a), & une fille nommée Cometo.

Electrion épousa fa niéce Anaxo fille d'Alcée, & ce fut de ce mariage que nâquit Alcmene (b). De Sthelenus & de Micippe, fille de Pelops, fortirent Alcinoé, Meduse, & Euryfthée qui fut dans la fuite Roi de Mycenes. Taphius étant mort, Pterelas envoya fes enfans à Mycenes pour demander à leur grand oncle Electrion, qui en étoit Roi, la part de la fucceffion de leur ayeul Meñor. Ce Prince ayant refufé de les fatisfaire, ils ravagerent la campagne & emmenerent fes troupeaux. Les fils d'Electrion raffemblerent leurs troupes, & leur ayant livré un combat, les uns & les autres y perdirent la vie. Lycimnius, fils naturel d'Electrion, Prince encore fort jeune, refta feul pour en porter la nouvelle à fon pere; & du côté de Pterelas, il n'y eut qu'Everès, qui gardoit les vaiffeaux, qui évita le fort funefte de fes freres, & qui ayant fait embarquer le refte de fes troupes

(a) Sçavoir, Chromius, Tyrannus, An- |
ochus.Cherfes, Damas, Maftor & Everés.
(6) Plutarque, Vie de Thefée, rappor-
te autrement la génealogie d'Alcmene: il
dit qu'elle étoit fille de Lyfidice, & le
Scholiafte de Pindare, fur l'Ode 17. des
Olymp. eft d'accord avec Plutarque. Eu-
ripide dans la Tragedie des Herculides,

Servius fur le cinqniéme Livre de l'Eneide, & Diodore de Sicile, Liv. 4. font bien defcendre Alcmene de Pelops, mais les deux premiers ne nomment point fa mere, & le dernier l'appelie Eurymede: mais Apollodore, Bibl. 1. z. s'éloigne totalement de cette opinion, car il fait mere de cette Princeffe, Anaxo fille d'Alcée.

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