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pas poffible de l'y forcer. Notre Heros l'attira adroitement fur mer, & lui ayant coupé les paffages de la terre où il alloit fe rafraîchir & reprendre des troupes, il le fit perir. De-là eft venue la fable d'Anthée, fameux Geant fils de la Terre qu'il fallut, dit-on, étoufer en l'air, à caufe qu'il reprenoit de nouvelles forces toutes les fois qu'il étoit terrassé ; parce qu'effectivement il y trouvoit toujours de nouvelles troupes. Le temps nous a confervé un beau groupe de marbre qui repréfente Hercule tenant, en l'air Anthée, qu'il ferre de toute la force. Cet Anthée avoit bâti la ville de Tingi (a), qui eft aujourd'hui un petit bourg fur le Détroit de Gibraltar. On dit que Sertorius fit ouvrir le tombeau de ce Géant, & que fes offemens étoient d'une grandeur extraordinaire (b). Pendant qu'Hercule étoit en Afrique, Bufiris, ce Tyran fi connu, avoit envoyé des Pirates pour enlever les niéces d'Atlas, Prince de Mauritanie & d'Hefperie, filles d'Hefperus fon frere, & à caufe de cela nommées les Hefperides. Notre Heros les délivra, chaffa les Corfaires, & alla même, (1) Tom. 2. comme nous l'avons dit ailleurs (1), tuer Bufiris. Atlas , pour Liv. 1. Art. récompenfer Hercule d'un fervice fi fignalé, lui apprit l'Aftrologie; & comme il découvrit la voye de lait, qui eft un amas prodigieux de petites étoiles, on publia la fable ridicule, que Junon par le confeil de Minerve, ayant donné à teter à Hercule, qu'elle trouva dans un champ où fa mere l'avoit expofé, il tira fon lait fi rudement, qu'il en fit réjaillir une grande quantité qui forma cette voye de lait.

d'Atlas.

Les bons confeils, au refte, que ce Heros donna à Atlas en le foulageant dans les guerres qu'il avoit, fur-tout dans l'affaire de Bufiris, donnerent auffi lieu à la fable qui dit qu'il lui aida à porter le Ciel quelque temps fur fes épaules (c). Atlas avant que de congédier Hercule, lui fit préfent des plus belles brebis du pays, & ce font-là les pommes d'or fi fameufes qu'on dit que ce Prince faifoit garder dans les jardins des Hefperides par un dragon, & la fable n'eft fondée que fur une équi(2) Toμov. Voque ; car le mot Grec (2) fignifie également une brebis & (c) Voyez la Fable d'Atlas dans l'Hi

(a) On l'appelle aujourd'hui Tanger.
(6) V. ce qu'on a dit a ce fujet T.2. L.I. ftoire de Jupiter.

une pomme. Il y a dans le Cabinet du Roy un beau médaillon, fur lequel paroît Hercule cueillant les pommes d'or. Le ferpent qui entortille Farbre qui les portoit, baiffe la tête, comme s'il avoit reçû un coup mortel. Ce monftre, fils de Typhon, avoit, dit-on, cent têtes & autant de voix ; mais fur le médaillon il n'en a qu'une. Les trois Hefperides Æglé, Arethufe & Hyperthufe font près de l'arbre, & paroiffent reprocher à Hercule le vol qu'il leur fait.

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(1) Sur Hes. P.41; (2) L. 5. c. 5.

Sat. 1. 1.

5.c.s.

M. le Clerc: (1) remarque que cette avanture eft arrivée près de Tingi en Afrique, où, felon Pline (2), on doit placer les jardins des Hefperides, ainfi nommés, non à caufe des filles d'Hesperus, mais par leur fituation à l'Occident ; ce qui a fait donner le même nom à l'Espagne (3). Palephate ex- (3) Macrobe plique autrement cette fable (4), & dit qu'il y eut un (4) Livre des Milefien habitant dans la Carie, nommé Hefperus, dont chofes inles filles s'appelloient Hefperides, qui gardoient des trou- croyables. peaux de brebis qui étoient fi belles, qu'on pouvoit les appeller des brebis dorées. Hercule les enleva, ainsi que le berger nommé Draco. Mais cet Auteur eft fujet à forger des explications, & à donner l'existence à des perfonnes qui n'ont jamais été ; cependant Agroelas, ancien Auteur, cité par le fçavant Scholiafte d'Apollonius de Rhodes, penfe de cette fable à peu près comme Palephate, & croit que ces prétendues pommes d'or étoient des brebis d'une beauté furprenante, & qu'on appelloit pour cela des brebis d'or, & leur gardien un dragon, à caufe de fa vigilance & de fa ferocite. La feule différence qui fe trouve entre ces deux Ecrivains, eft que le premier croit que cette avanture fe paffa dans la Carie, au lieu que le fecond en établit la fcéne dans la Libye; ce qui eft plus conforme à l'opinion des Anciens. Quoiqu'il en foit. j'aimerois mieux adopter la conjecture de Bochart (5); qui (5) Chan. dit qu'on a voulu fignifier par cette fable les richeffes d'A- 1. c. 1.. tlas, le mot Phénicien Melon, dont les Grecs ont fait Malon, fignifiant également des richeffes & des pommes (a)."

(a) Je prie le Lecteur de fe rappeller cet que j'ai dit fur ce fujet dans le Tom. II. Liv. I. à l'occafion d'Atlas, & s'il fouhaite

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encore un plus ample éclairciffement, de
lire la Differtation de M. l'Abbé Maffieu,
Mem. de l'Acad. des Bell. Lett. T.3. p.28.

Hercule ayant penetré pendant cette expédition jufqu'à Cadis, que l'on regardoit comme le bout du monde, où le Soleil alloit fe coucher dans l'Ocean, fit élever deux colomnes, pour marquer que c'étoit-là le terme des entreprises de ce Heros, & que perfonne ne devoit tenter d'aller plus avant. Bacchus, ou plutôt Ofiris en avoit fait autant dans les Indes. Il n'y a rien de fi fameux dans l'Hiftoire fabuleufe que ces colomnes d'Hercule; cependant de fçavans Critiques croyent avec Bochart qu'elles ne fubfifterent jamais, & que ce qui donna lieu à la fable, c'eft la fituation de deux montagnes nommées Calpé & Abyla, dont l'une eft en Afrique, & l'autre en Europe fur le détroit de Gibraltar, qu'on regarda comme deux efpeces de colomnes qui marquoient que c'étoit-là le bout de l'univers, & les bornes que la nature avoit plantées pour avertir les hommes d'arrêter là leurs courfes & leurs conquêtes; & ce qui confirme la conjecture de ce Sçavant, c'est qu'Abyla, qui eft le nom d'une montagne, fignifie auffi une colomne.

Quoiqu'il en foit, il eft für qu'il y avoit des colomnes magnifiques dans le Temple fameux que les habitans de Cadis firent élever, à quelque diftance de leur ville, à l'honneur d'Hercule; & comme elles étoient gravées en caracteres Phéniciens, on crut dans la fuite que ce Heros lui-même les avoit fait élever. Les Anciens regardoient ces deux colomnes comme deux talifmans propres à arrêter l'impétuofité des Elémens, de peur que venant à fe mêler à l'Océan, refte du ténebreux Chaos, ils ne portaffent par-tout la confusion & le défordre: Terra & Oceani vinculum funt hæ columnæ, quas in domo Parcarum infcripfit Hercules, ne qua Elementis contentio accedat, nec (1) Apollon. amicitiam disjungant, quâ invicem junguntur (1). C'étoient fans doute les anciens caracteres Phéniciens qui étoient gravés deffus, & qu'on n'entendoit pas, qui donnerent lieu à cette fable. Ce Temple, au refte, étoit très-fameux ; sa situation en un lieu fi éloigné, fon ancienneté, le bois incorruptible dont il étoit conftruit, fes colomnes chargées d'anciennes infcriptions & d'hieroglyphes, les travaux d'Hercule qui y étoient

représentés (a), les arbres de Geryon, qui felon Philoftrate jettoient du fang, les céremonies fingulieres qui s'y pratiquoient (b); tout cela le rendoit fort célebre, & la ville de Cadis fe croyoit en fûreté fous la protection d'un si grand Heros. Auffi Theron Roi d'Espagne ayant voulu piller ce Temple, une terreur panique difperfa fes vaiffeaux, qu'un feu inconnu diffipa tout d'un coup (c).

thée.

Les Mythologues difent que l'expedition d'Afrique fut le Hercule dédernier exploit de notre Heros, & qu'Euryfthée fatisfait ne livre Promelui ordonna rien davantage. Mais il faut remarquer après Diodore de Sicile, que parmi les travaux de ce Heros, il y en avoit qui lui avoient été commandés par Euryfthée, d'autres que fa feule valeur lui fit entreprendre. Ainfi il pénétra jufques dans le fond de la Scythie, où l'on dit qu'il délivra Promethée que Jupiter y avoit fait attacher, & où un aigle lui dévoroit le foye, pour le punir de fa témerité, comme nous l'avons dit plus au long dans son hiftoire.

lous.

Le fleuve Acheloüs par fes inondations ravageoit les Son combar champs de Calydon, & portant de la confusion dans les li- avec Achemites, obligeoit fouvent les Ætoliens & les Acarnaniens de fe faire la guerre. Ce Prince y mit des digues, avec l'aide de fes compagnons, & rendit le cours de ce fleuve fi uniforme, qu'il donna pour jamais la paix à ces Peuples. Ceux qui écrivirent cet évenement, le raconterent d'une maniere entierement fabuleuse: ils dirent qu'Hercule avoit combattu contre le Dieu de ce fleuve, qui s'étoit d'abord changé en ferpent, par où l'on marquoit fon cours tortueux; & enfuite en taureau, ce qui nous découvre fes débordemens rapides,

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(c) Ce Temple étoit affez loin de la ville de Cadis, au Levant de l'Ifle, près de la terre ferme. Confultez Bochart, Chan, I. I. c. 34.

& les ravages qu'il caufoit dans les campagnes (a). On ajouta qu'Hercule l'avoit enfin vaincu, & qu'il lui avoit arraché une corne; c'est-à-dire, qu'il remit dans un feul lit les deux bras de ce fleuve ; que cette corne devint une corne d'abon dance, parce qu'en effet il porta l'abondance dans la campagne; quoique fouvent on entende par la corne d'abondance celle d'Amalthée qui avoit nourri Jupiter, que les Nymphes, dit-on, avoient donnée à Acheloüs, en troc de celle (1) Apollod. qu'Hercule lui avoit arrachée (1). Enée Roi de Calydon, pour récompenfer Hercule de ce fervice, lui donna fa fille Déjanire en mariage, de laquelle il eut un fils nommé Hillus. Il demeura trois ans à la Cour de ce Prince, & s'en ban(2) Diod. 1.4. nit volontairement pour un meurtre qu'il commit (2) Que l'on compare maintenant ce trait d'hiftoire avec la defcription pompeufe que fait Ovide du combat du fleuve & du Heros, & l'on verra jusqu'à quel point la licence poëtique pouffe la fiction.

Je ne dois pas omettre d'expliquer ici ce que veut dire le même Poëte, lorfqu'il raconte que le fleuve Achelous ayant été oublié par des Nymphes dans un facrifice qu'elles offroient aux autres Dieux, il fe déborda tellement qu'il les entraîna dans la mer, où elles furent changées en ces Ifles qu'on nomme Eschinades. Ce qui a donné lieu à cette Fable, c'est que le fleuve Achelous par fes frequents débordemens entraînoit dans la mer une fi prodigieufe quantité de fable & de limon, (3) Diod. 1. 4. qu'il y forma plufieurs Ifles (3), à quoi on peut ajouter que le naufrage de quelques Bergeres dans quelques-unes de ces inondations, fit inventer cette fiction. Ces Ifles nouvellement formées, dit un autre Poëte, donnerent lieu à une avanture affez finguliere. Alcmeon, dit-on, fils d'Amphiaraüs,errant & vagabond pour le meurtre de fa mere, alla confulter l'Oracle pour fçavoir où il pourroit fe retirer: & il apprit qu'il ne

(a) On repréfentoit fouvent les fleuves | Feftus: Tzetzès, Elien, Acron fur Hofous la figure d'un Taureau, pour mar race, liv. 4. Ode 14. & autres, difent la quer les ravages qu'ils caufoient: Jauro-même chofe. Strabon croit que c'étoit à rum fpecie fimulacra fluminum, id eft cum cause du bruit des eaux.

cornibus, quod funt atrocia ut Tauri, dit

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