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apporte pour faire defcendre les Grecs, fuivant l'opinion de ceux qui croyoient qu'ils étoient cachés dans le ventre de cette machine. On trouve auffi ce même cheval représenté fur plufieurs monumens anciens, & en particulier fur une pierre gravée, donnée par Liceti, tant cette tradition avoit cours dans l'Antiquité. Eft-il incroyable que des gens fuperftitieux ayent introduit dans leur ville cette machine qu'ils croyoient un Ex Voto; fait à une Déeffe outragée?

Mais ce qui rend cette opinion encore plus croyable ; c'est ce que nous apprend fur ce fujet Dictys de Crete touchant la trahison d'Antenor, qui donna lui-même cet avis à Ulyffe, en lui délivrant le Palladium, lui faifant entendre qu'il falloit faire un cheval de bois pour l'offrir à Minerve avant que de se retirer; & là-deffus il fit conclure la paix avec les Grecs, moyennant une fomme d'argent qu'on leur donna pour les dédommager des frais de la guerre, ce qui fut executé: enforte que s'étant retirés peu de temps après, & ayant laiffé ce cheval comme un monument de la paix, & de la fatisfaction qu'ils difoient devoir à Minerve, Antenor n'eut pas beaucoup de peine à faire abbattre un pan de muraille pour le faire entrer dans la ville; ce qui étant fait, il fit avertir les Grecs par Sinon, de revenir pendant que tout le monde dormoit fans aucune défiance. Ceux qui croyoient cet artifice trop groffier pour avoir fait illufion aux Troyens, prétendoient que ce cheval étoit une machine dont on fe fervit pour approcher des murailles de la ville & les battre : ce qui fait dire à Laocoon:

Aut hæc in noftros fabricata eft machina muros,

Aut aliquis latet error, equo ne credite Teucri. Æneid. 1, 2.

Virgile, pour rendre plus touchante la relation que fait Enée de la prife de cette ville, dit que dans la même nuit elle fut faccagée & brûlée; mais la plupart des Anciens qui ont raconté cet événement, affûrent qu'on commença par se rendre maître de tous les quartiers, de faire main-baffe fur tous ceux qui firent quelque résistance, & de prendre les autres prifonniers, hommes & femmes, de la piller, & que Tome III. Ggg

quelques jours après, le butin & les efclaves qu'on avoit raffemblés fur le rivage ayant été partagés, les Grecs avant que de s'embarquer y mirent le feu. Ceux qui avoient échapé au carnage, & qui s'étoient cachés dans des lieux incon nus à leurs ennemis, coururent pour l'éteindre, & fauverent quelques quartiers, où ils habiterent après la retraite des Grecs

Dion Chryfoftome, dans la Harangue qu'il fit au milieu de Troye, & que je cite ailleurs, a foutenu fur la foi des Prêtres Egyptiens, qu'Helene recherchée par les plus grands Princes de l'Afie & de la Grece, fut mariée par fon pere à Alexandre, ou Paris fils de Priam: que les Grecs irrités de cette préference, firent la guerre aux Troyens : que ces mêmes Grecs affoiblis par la peste, par la famine, & par les diffentions qui fe mirent entre eux, traiterent de la paix avec les Troyens; & que pour perpetuer la memoire du Traité qui fut conclu, on conftruifit un cheval de bois fur lequel on grava en gros caracteres les articles de la paix ; & qu'enfin les Troyens, pour introduire cette machine dans leurs murailles, en abbatirent un pan. Voilà, fi ce récit eft veritable, ce qui a donné lieu aux fables que Virgile & d'autres Poë

tes en racontent.

Quoiqu'il en foit, la ville fut faccagée, fuivant l'opinion la plus generalement reçue. La nombreuse famille de Priam périt avec ce Prince infortuné, & tous fes enfans eurent un fort funefte. Ce Prince fut tué par Pyrrhus, au milieu de fes Dieux; & il ne lui fervit de rien d'embraffer l'Autel de Jupiter Ercéus; le fils d'Achille l'en arracha, à la vûe même de fa femme (a), & lui paffa fon épée au milieu du corps. On fçait que ce Roi infortuné avoit eu plufieurs enfans de fes femmes & de fes maitreffes; un d'Arisba fille de Merops, fa premiere femme, nommé Efacus, qui mourut de regret de mort d'une époufe qu'il aimoit tendrement, & qu'Ovide

(a) Paufanias dans fes Phoc. dit que | fuivant le Poëte Lefchée, Priam ne fut pas tué devant l'Autel de Jupitel Ercéus, mais qu'il en fut feulement arraché par force, & que s'étant traîné enfuite jufques

devant la porte de fon Palais, il y rencontraPyrrhus qui n'eut pas de peine à lui óter le peu de vie que la vieilleffe & fes infortunes lui avoient laiffée.

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dit avoir été changé en plongeon (a); peut-être pour nous apprendre qu'il s'étoit jetté dans quelque riviere. D'Hecube fa feconde femme, il eut Hector, Paris, Déiphobe, Helenus, Politès, Antiphe, Hipponoüs, Polydore, Troïle; & quatre filles, Créufe, mariée à Enée, Laodice, Polyxene, & Caffandre (b). Ces enfans infortunés perirent presque tous dans cette guerre.

Le vaillant Hector, après avoir porté mille fois l'horreur & le carnage dans le camp des Grecs, fut la victime de la vengeance d'Achille, ainfi que nous l'avons déja dit. Nous pouvons cependant remarquer en paffant que paffant que felon Philoftrate, les Troyens, après avoir rétabli leur ville, rendirent à ce Heros les honneurs divins; & on le voit représenté sur leurs Médailles, monté fur un char tiré par deux chevaux, tenant d'une main une pique, & de l'autre le Palladium avec cette Infcription Grecque EKTOг; & dans l'Exergue IAIEON. Le malheureux Troile mourut encore par la main d'Achille. Paris après avoir reçû une bleffure mortelle de la main de Philoctete alla rendre les derniers foupirs fur le mont Ida auprès de fa chere Enone. Deiphobe qui avoit époufé Helene après la mort de fon frere, fut trahi par cette perfide & livré aux Grecs, qui le traiterent de la maniere du monde la plus barbare (c). La généreuse Laodice, pour éviter la captivité où elle fe voyoit prête de tomber, fe précipita du haut d'un rocher (d). Polyxene qui avoit été la cause innocente de la mort (a) Metam. 1. 11. Ce Poëte feint à fon beau de cette infortunée fille de Priam, ordinaire qu'il n'étoit encore qu'Amant que Maximus Préteur de l'Afie fit repade la Nymphe Hefperie, & qu'en la pour- rer, & y fit mettre une épitaphe qu'on a fuivant elle fut piquée d'un Serpent dont ainfi traduit du Grec : elle mourut; ce qui caufa le défespoir d'ELaque :

Vulnus ab angue

Ame caufa data eft, &c.

(b) On ne parle pas de plufieurs autres enfans qu'il avoit eus de fes concubines : Virgile dit fur ce fujet, au fecond Livre de l'Eneide :

Quinquaginta illi thalami, fpes tanta ne-
potum.

(c) Voyez à ce fujet le Livre 6. de l'Enéide.

(d) On voyoit dans la Phrygie le tom

|

Laodicen quondam hic fufcepit terra dehifcens,

Hoftilem fugeret cum tremebunda ma

num.

Sed quod tempus edax confumpferat ufque
Sepulchrum,

Splendorem huic Prætor Maximus at-
tribuit.

Quæque alibi fine honore Puelle ftabat imago,

Area fic titulo defuper impofuit. Canterul. Comm. in Caffandram.

Thy amis.

d'Achille, comme nous le dirons dans l'Hiftoire de ce Prin

ce, fut facrifiée par une barbare pieté aux mânes de ceHeros. Créufe que Priam avoit mariée à Enée, perit dans l'embrafement (a). Andromaque femme d'Hector (b), après avoir vû précipiter du haut d'une tour fon fils Aftianax, la feule espérance des Troyens, devint esclave de Pyrrhus, qui par un je ne fçais quel refte de pitié la fit époufer à Helenus fils de Priam, dont les prédictions lui avoient été favorables. Helenus fut le feul, je crois, des enfans de Priam, qui furvécut à la ruine de fa patrie ; & il mena en Epire, dont il fut Roi après la mort de Pyrrhus, une vie affez trifte, partageant avec fa chere Andromaque l'affliction que de fi grands défaftres lui avoient caufée.

Cette Princeffe eut trois enfans de Pyrrhus, Moloffus, Pielus, & Pergamus; & un fils d'Helenus, nommé Ceftrinus, qui ayant fuccedé à une partie des Etats de fon pere, avec le fecours des Epirotes, s'établit dans la contrée qui eft au-deffus (1) En Latin du fleuve Thyam (1), aujourdhui Calama, & donna à la Province appellée Cammanie, felon Stephanus, le nom de Ceftrine (c). Moloffus ne monta fur le trône de fon pere, qu'après la mort d'Helenus. Pergamus alla en Afie; & ayant fixé son féjour dans la Teuthranie, où regnoit Arias, il tua ce Prince dans un combat fingulier, fe rendit maître de fes Etats, & donna fon nom à la ville de Pergame.

C'étoit dans cette ville, fuivant Paufanias, qui m'a fourni ce qu'on vient de lire, qu'étoit le monument héroïque d'Andromaque, qui felon quelques Anciens, avoit fuivi Pergamus en Afie. Pielus demeura dans l'Epire, où il regna après la mort de Moloffus, qui apparemment n'avoit point laiffé d'enfans. Du moins, fuivant l'Auteur que je viens de

(a) Virgile, liv. 2. rapporte cette mort | dromaque n'époufa fon beau-frere qu'a'une maniere fabuleufe. près la mort de Pyrrhus. Pline, liv. 4. par(b) Elle étoit fille d'Eetion Roi de Cili-le de la ville de Ceftrine, qu'il met fur cie, qu'Achille tua au Sac de Troye avec fes autres enfans. Homer. Iliad. 1. 2.

(c) Paufanias, liv. 2. & in Attic. convient que Ceftrinus étoit fils d'Helenus & d'Andromaque, & qu'il donna son nom au pays dont il fut Roi; mais il dit qu'An

une des montagnes duPindus, qui s'étén doit jufques dans la Thefprotie. Il est vrai que Ptolomée n'en parle pas, mais cela n'eft pas étonnant, puifqu'il ne dit rien des Moloffes, peuples voifins de la The protie, & très-connus en ce temps-là.

citer, c'étoit à lui que Pyrrhus & fes ancêtres rapportoient leur origine. Homere, & après lui les autres Poëtes, ont toujours représenté Andromaque, comme une femme vertueuse & extrêmement attachée à Hector fon époux. Le dernier adieu qu'elle fait à fon mari, eft un des morceaux de l'Iliade des plus touchans & des plus travaillés : deux vers d'Ovide la peignent bien auffi.

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La malheureufe Caffandre, dont les prédictions ne furent jamais écoutées, après avoir reçû dans le Temple de Minerve l'affront le plus fanglant, devint efclave d'Agamemnon, & fut immolée à la jaloufie de Clytemneftre La fable dit qu'Apollon en avoit été amoureux, & que lui ayant permis de lui demander tout ce qu'elle voudroit pour prix de fa tendreffe, elle le pria de lui accorder le don de Prophétie. Son Amant lui révéla dans le moment les myfteres les plus fecrets de l'avenir; mais Caffandre, au lieu de répondre à fa paffion, n'eut lui pour que du mépris & de l'averfion. Apollon irrité de fa perfidie, ne pouvant lui ôter le don qu'il lui avoit fait, fit du moins enforte qu'on n'ajouteroit point de foi à fes prédictions, qui ne feroient que la rendre odieufe. Je crois que le fondement de cette Fable eft tiré de ce que Caffandre, Prêtreffe d'Apollon, apprit d'un Prêtre de ce Dieu l'art de prédire l'avenir, ou par la science funefte de la magie, ou par les Arufpices, où elle excella dans la fuite avec fon frere Helenus qui l'apprit d'elle. Apparemment que ce Prêtre en devint amoureux, & n'ayant pû la rendre fenfible, il la décria dans toute la ville & auprès de fes parens, mettant fuivant l'ufage de ce temps là, fon avanture fur le compte du Dieu qu'il fervoit. Il réuffit dans fon deffein ; car Caffandre ayant prédit des chofes funeftes à Paris, à Priam, & à toute la ville, on la fit mettre dans une tour, où elle ne ceffa de chanter les malheurs de fa patrie (a), ce qui la fit re(a) C'eft ainfi qu'en parlent tous les Poëtes Grecs & Latins, Homere, Efchi

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(1) Amor.

El. 9

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