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50. opinions differentes, qui approchent ou éloignent plus ou

moins cet événement.

On ne s'attend pas fans doute que j'examine tous ces fentimens particuliers: les raifons qui ont déterminé les Chronologues à préférer une date à une autre, fuppofent des détails qui m'éloigneroient trop de mon fujet ; & je renvoye ceux qui auront la curiosité de les examiner, au P. Petau, à Scaliger, au P. Dom Pezron, & en particulier au Chapitre X. du troifiéme Livre des Réflexions Critiques fur les Hiftoires des anciens Peuples, par M. Fourmont l'aîné, où ils trouveront de quoi fe contenter. Pour moi, je me tiens à l'opinion d'Eratofthene, rapportée par Eufebe, & à celle d'Apollodore le Chronographe, citée par Clement d'Alexandrie, qui placent la prife de cette ville, l'un à l'an 1183. l'autre à l'an 1181. avant l'Ere Chrétienne; c'est-à-dire, environ 450. ans avant la fondation de Rome, 400. ou 407. avant la premiere Olym(1) De Epiade, comme l'a très-bien prouvé Jofeph Scaliger (1), la mend. Temp. derniere année du regne de Mnefthée Roi d'Athenes, & de 1.5. celui d'Agamemnon; & fous la judicature d'Aod. Après tout, le fentiment que je fuis, eft aujourd'hui le plus généralement reçu; & fi Jule Africain a pris le milieu entre les deux Auteurs dont je viens de parler, en plaçant cette époque à l'an 1182. & fi le P.Petaul'a reculée d'un an de plus qu'Apollodore, en la faisant tomber fur le 1184. la difference eft peu confiderable, & ne fait rien du tout à mon fujet. Car en quelqu'année que je place cette époque, comme elle est le terme de mes recherches, il me fuffit d'avoir établi les autres époques qui l'ont précedée, afin que le Lecteur puiffe voir d'un coup d'oeil la diftance qu'ont entr'eux les événemens qui compofent l'Hiftoire des temps fabuleux, unique objet de ce Vo lume.

ARTICLE I I.

Hiftoire de la Ville de Troye.

L'ORIGINE des Troyens & de leur Ville eft, comme celle de tous les autres peuples, environnée de tenebres & de fictions, & on trouve differens fentimens parmi les Auteurs qui en ont parlé. Les uns les font venir de Crete, les autres d'Italie, ou de l'Ile de Samothrace, ou d'Athenes, ou d'Arcadie, & chacune de ces opinions a pour elle des partifans d'un grand nom. L'Hiftorien Josephe prétend qu'ils étoient iffus de Thogorma, fils de Gomer; mais comme le Prophete Ezéchiel fait defcendre les Peuples du Septentrion de ce Thogorma, ce qui ne convient gueres aux Phrygiens, je me rends au sentiment de Strabon, qui les fait fortir de la Thrace: opinion d'autant plus vraisemblable, qu'indépendamment du voifinage, il fe trouvoit anciennement une grande conformité de mœurs, & prefqu'une même Religion entre ces deux Peuples.

Quoiqu'il en foit, en prenant leur Hiftoire vers le temps de Dardanus, pourveu qu'on le croye avec Diodore de Sicile & Apollodore, Thrace ou Samothrace d'origine, & non d'Italie, comme a fait Virgile,qui a voulu par-là flatter les Romains,cette Hiftoire, dis-je, commence alors à devenir moins obscure.

Dardanus ayant abandonné l'Isle de Samothrace (a) après la mort de fon frere Jafion, tué d'un coup de foudre pour avoir offenfé Cerès, alla fur les côtes de l'Afie mineure, dans la petite Phrygie, où il époufa Batea, fille de Teucer, qui ayant quitté lui-même l'Ile de Crete, étoit venu s'établir dans

(a) Suivant Denys d'Halicarnaffe, liv. I 1. Dardanus étoit originaire d'Arcadie. Un Déluge arrivé de fon temps, l'ayant obligé d'en fortir, il fe transplanta dans une Ifle de Thrace, qui fut d'abord nommée Dardanie, & prit enfuite le nom de Samothrace, ainfi que le dit Paufanias, d'où il fortit encore pour aller en Phrygie. Il avoit amené avec lui Carybas fon

neveu, fils de fon frere Jafion, qui y in-
ftitua le culte de la mere des Dieux, com-
me on l'a dit dans l'Hiftoire de cette
Déeffe. Dardanus transporta auffi dans le
même pays les Dieux des Samothraces
& deux Statues de Pallas, dont l'une fut f
celebre dans la fuite, fous le nom de
Palladium.

le même pays, où Scamandre le plus ancien Roi de ce canton
qu'on connoiffe, lui avoit donné fa fille en mariage. Dardanus
après la mort de fon beau pere,monta fur le trône, regna 62. ans,
bâtit la ville de Dardanie, & fut regardé comme le fondateur
du Royaume de Troye. Erichtonius, qui lui fucceda immé-
diatement, en regna 46. & Tros fon fils, à peu près pendant
autant d'années; ce fut ce dernier qui donna fon nom à la
ville de Troye qu'on appelloit auparavant Dardanie. Tros
eut trois fils; Ganymede, enlevé par Tantale; Ilus chef de
la branche Royale,& Affaracus, chef de celle d'Anchise, pere
d'Enée. Ilus fit bâtir la Citadelle d'Ilion, regna 40. ans, &
laiffa pour
fils Laomedon, pere de Priam, fous lequel la ville
de Troye fut prife. Laomedon qui regna 29. ans, fit environ-
ner la ville de fi fortes murailles, qu'on attribua cet ouvrage
à Apollon, Dieu des beaux Arts; ou plûtôt, fi nous en croyons
Homere, à Neptune, qui les éleva pendant qu'Apollon gar-
doit les troupeaux de Laomedon, fur l'efpoir d'une récom-
penfe que lui avoit promife ce Prince, qui ne lui tint pas pa-
role; ce qui a fait dire à Horace :

Mercede pad deftituit Deos (1).

(1) Ode III. Liv. 3. aptès

Voici les paroles qu'Homere met à ce fujet dans la bouche Pindare. de Neptune, que M. l'Abbé Gedouyn a rendues ainfi :

De la fuperpe Troye, Architecte nouveau,

Prenant moi-même en main l'équierre & le cordeau,
Je bâtiffois les murs, j'élevois les défenfes.

Apollon cependant de plaifirs & de danfes
Follement occupé, conduifoit des Troupeaux (2).

(2) Traduct. de Paufan. in

Les fortes digues qu'il falloit faire auffi contre les vagues Acaic. de la mer, pafferent pour l'ouvrage du même Dieu; & comme dans la fuire les vents & les inondations ruinerent une partie de ces ouvrages, on publia, à la maniere de ces temps-là, que Neptune s'étoit vengé da perfide Laomedon (3). La même chofe arriva aux murailles de Troye qui Voyez l'Hiftoire de périrent de vetufté, & furent rétablies par Hercule, lorsqu'il Neptune. prit cette ville, comme nous l'avons raconté dans fon Hiftoire. Hhh iij

Pour mettre au fait le Lecteur au fujet des deux branches Royales depuis Dardanus jufqu'à Priam, voici l'Arbre Généalogique.

DARDANUS

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Au refte, on a fuivi le fentiment le plus général, & peutêtre le moins probable, fur la maniere dont cette ville fut faccagée; car il eft presqu'indubitable, quoiqu'en ayent publié les Romains, qui vouloient, à quelque prix que ce fut defcendre d'Enée & de Venus, qu'elle ne fut point détruite qu'Enée & Antenor la garantirent du feu & du pillage, fi même ils ne la livrerent pas eux-mêmes aux Grecs; & que le premier, ou du moins fes defcendans (a), y regnerent fort long-temps, comme Neptune le prédit clairement dans l'Iliade, ou, pour parler plus jufte, comme Homere, Ionien d'origine, & voifin par conféquent des Troyens, le fait prédire à Neptune, parce qu'apparemment du temps même de ce Poëte, la poftérité d'Enée regnoit encore fur cette ville, & qu'il vouloit lui être agréable en faifant prédire au Dieu de la mer, ce qu'il voyoit de fes propres yeux. Il paroît en effet, comme l'a très-ingénieufement remarqué un fçavant (1) Le Pere Homme (1), que le deffein d'Homere n'a été que de marquer le retranchement total de la branche d'Ilus, de laquelle def

Hardouin,
Apol. d'Hom.

(a) Eufebe fur l'autorité de Dictys de Crete, dit que les fils d'Antenor regnerent à Troye après la mort de Priam, jufqu'à ce que les enfans d'Hector les en chafferen, &regnerent à leur place.

cendoit le perfide Laomedon, qui par fes impietés, s'étoit rendu indigne du trône (car ce font fes impietés qu'on a marquées par la Fable de Neptune & d'Apollon qu'il avoit trompés) & punir en même-temps la lâche complaifance de Priam pour fes enfans, & en particulier pour l'adultere Paris; & d'élever fur le même trône celle d'Affaracus & du pieux Enée; qui dans Homere & dans Virgile, eft toujours représenté comme un homme craignant les Dieux, qui paroiffent prendre un foin particulier de lui, & le dérobent plufieurs fois à une mort certaine, pour le conferver au trône des Troyens. Il eft vrai que le fçavant Homme que je viens de citer, va encore plus loin, en foutenant qu'Enée eft le véritable Heros de l'Iliade, en quoi je ne fçaurois être de fon fentiment, quoiqu'il le foutienne avec beaucoup d'efprit.

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